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Le mirage de la ligne éditoriale entre le marteau et l’enclume

Par Mansour Mhenni
On n'aura sans doute jamais, autant que ces derniers temps, brandi la notion de « ligne éditoriale » d'un organe de presse ou de média comme argument violemment disputé entre parties en opposition ou en conflit. L'expression est devenue d'une telle fugacité définitoire et d'un tel flou de perception qu'on s'en sert plus comme un mot-valise que comme un concept : on penserait par exemple à une quelconque « lie notoriale » ou à une « ligne toréale », bref tout ce qu'il faut pour se sentir devant un mirage ou tout simplement être dans le cirage !

A un moment où la notion de ligne éditoriale devient la plus discrète possible, comme le souligne Jean-François Tétu dans le livre « Communication et modernité sociale : Questions nord / sud », nous avons tendance, en cette période transitoire, de lui donner le plus d'éclat, au point de la voir cracher du feu, souvent sur nos visages.

En fait, ce que nous vivons aujourd'hui, en Tunisie, de façon consciente ou inconsciente (en fonction de celui qui tire les ficelles), c'est tout simplement un retour à la signification originelle de la notion de « ligne éditoriale » et à son étroite parenté avec la presse d'opinion, voire même avec les partis politiques. Le plus beau, nous le faisons au nom de la défense de l'objectivité et de la neutralité de la presse et des médias.

Je le répète pour la énième fois ; il n'y a pas de presse objective ou neutre ; il y a, comme le souligne un autre spécialiste, Chris Marker, une tendance à être « aussi objectif que possible » ; mais, ajouterai-je, cette tendance finit toujours par s'essouffler sous le poids du langage lui-même et de l'indomptable subjectivité humaine. On a beau se dire qu'on n'est d'aucun parti, d'aucune tendance, il y a toujours, dans quelques cellules de notre c½ur, un sang qui bat différemment pour quelqu'un ou pour quelque chose. C'est pourquoi, la réduction de la dimension subjective dans les médias ne peut se faire que par la libération des subjectivités, toutes les subjectivités (avec une nuance non encore tranchée : toutes sans exception aucune, ou toutes sauf celles contraires à la libération des subjectivités).

En effet, devant un paysage pluriel et varié, s'inscrivant dans l'expression des différences, le consommateur (lecteur, auditeur ou spectateur), le citoyen, peut se donner le luxe de construire, en toute liberté, sa propre vérité par le tri qu'il opère dans les vérités plurielles dont il dispose. La liberté du consommateur est le tamis qui ne laisse passer que ce qui pourrait contribuer à construire sa propre vérité, et c'est là qu'il rencontre certains et qu'il se sépare de certains autres. Au final, on a ce qu'on appelle une « société pluraliste ».

De fait donc, la ligne éditoriale est à la fois une stratégie politique et/ou une stratégie de marketing. Elle est pensée différemment dans le secteur privé et dans le secteur public. Dans celui-ci, elle bascule souvent entre l'information gouvernementale et l'information citoyenne. Cette double postulation est inhérente à la communication publique en rapport au système politique qui la gère et aux tiraillements politiques qu'il génère.

Dans le secteur privé, n'en déplaise à certains collègues de la profession, la ligne éditoriale est du ressort de l'entreprise, seule responsable d'assurer sa propre survie et de subvenir aux cachets de ses employés et de ses collaborateurs. Comment donc admettre, logiquement, qu'un contractuel de circonstance puisse intervenir dans la ligne éditoriale d'un média ? Ce serait de la science-fiction.

L'entreprise peut cependant, si elle veut être démocrate et partager la responsabilité avec ses employés attitrés, constituer des conseils dans différents secteurs, comme la rédaction par exemple, et se faire assister et conseiller par ces instances consultatives internes.

Evidemment, dans la logique de certaines entreprises socialistes, on peut opter pour l'autogestion et en assumer la structure et les implications.

Pour conclure, il serait utile, en ce moment des tiraillements politiques qui déstabilisent un processus de démocratisation embryonnaire, de ne pas faire de la ligne éditoriale, dans les médias, ce que nos politiques font du peuple : tout le monde le prend pour argument et personne n'y pense vraiment.
Par Mansour Mhenni le 7 septembre 2013
Remarque : Le titre n’est pas de l’auteur

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