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La Libye a fait du Sahel "une poudrière"


Le ministre malien des Affaires étrangères Soumeylou Boubey Maiga s'exprime le 7 septembre 2011 à Alger lors de la conférence sur le Sahel AFP Farouk Batiche

La crise libyenne a fait du Sahel "une poudrière" avec l'arrivée massive d'armes, le retour de milliers de travailleurs migrants, de mercenaires dans une région déjà otage du terrorisme et de la contrebande, ont averti mercredi à Alger les participants à une conférence internationale sur cette région.

Ces quelque 8 millions de kilomètres carrés répartis notamment entre l'Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie, sont mercredi et jeudi au centre des discussions entre 38 délégations dans la capitale algérienne, axées sur une stratégie de pacification par le développement et la sécurité.

Pour le ministre nigérien des Affaires étrangères, Mohamed Bazoum, avec la crise libyenne "la région a été transformée en poudrière", alors qu'elle était déjà touchée par le terrorisme, toutes sortes de trafics transnationaux favorisés par la difficulté d'assurer la sécurité et une pauvreté endémique.

Une pauvreté pire aujourd'hui puisque l'une des maigres ressources économiques de la région, le tourisme, a disparu en raison de la présence d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), responsable de nombreux enlèvements d'étrangers, et celle des trafiquants de drogue, d'armes et d'être humains -l'immigration clandestine en direction de l'Europe- dans cet immense désert.

La circulation des armes a augmenté, "des petites armes de petit calibre mais on a aussi saisi en juin au Niger 500 kilos de Semtex", un explosif extrêmement puissant, a rappelé M. Bazoum.

Les trafiquants en tout genre et terroristes ont récupéré des centaines de Toyota 4X4 qui écument cette immense région difficile à sécuriser, a-t-il ajouté.

Son collègue malien, Soumeylou Boubeye Maïga, redoute en plus le retour massif de migrants dans des zones déjà précaires. "Quelque 20.000 travailleurs maliens sont déjà revenus et maintenant c'est la seconde vague avec ceux qui étaient impliqués dans les combats et qui reviennent avec des armes".

Ils seront "très difficiles à intégrer ou réintégrer" dans des zones aussi pauvres, souligne M. Bazoum.

En clair, résume leur confrère de Mauritanie, Hamadi Ould Hamadi: le Sahel est "menacé par le terrorisme, la pauvreté et l'immigration clandestine". Il est important à ses yeux de "préserver les jeunes de la région" qui peuvent être incités à rejoindre les groupes terroristes.

Shari Villarosa, la représentante américaine à cette réunion, membre du bureau de coordination anti-terrorisme du département d'Etat, estime que les terroristes d''Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) "ont aujourd'hui moins de mille membres".

La menace est "globale" et bien présente, ont souligné nombre de participants, mais les membres du Conseil de sécurité tout comme l'Union européenne présents ont souligné avec Mme Villarosa que l'effort de lutte contre Aqmi "doit être dirigé par les gouvernements de la région".

"La responsabilité de maintenir la sécurité est d'abord fondamentalement du ressort des pays voisins", a aussi souligné le ministre malien, se faisant l'écho des Algériens, très chatouilleux sur la nécessité de maintenir hors de la région des troupes étrangères.

Les Algériens insistent cependant sur le fait que "la lutte contre ces menaces d'envergure appelle nécessairement la conjugaison des efforts et la convergence de toutes les bonnes volontés". L'Algérie connaît actuellement une recrudescence des attentats terroristes dont le plus meurtrier de l'année a fait le 26 août 18 morts à l'académie militaire de Cherchell proche d'Alger.

Mais le ministre nigérien des Affaires étrangères a appelé à davantage d'actes concrets, notamment dans la coopération militaire des quatre pays du Sahel dans le cadre du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc).

"C'est bien, on a le Cemoc. On a le concept qui est très bon, mais il reste à le rendre opérationnel dans la pratique", a déclaré à des journalistes M. Bazoum.

Pour les participants à cette réunion, il s'agit déjà d'un succès, ne serait-ce que pour permettre des échanges entre experts, ministres du Sahel et pays occidentaux amis.

Les programmes d'aide à la région, bilatéraux ou multilatéraux, sont nombreux. L'Union européenne a chiffré son aide globale pour la région à 650 millions d'euros tant pour des programmes de développement que pour la formation et l'aide militaires.