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Les scénarios des frappes occidentales sur la Syrie

Après les déclarations des dirigeants occidentaux, d’une dureté sans précédent, l’attaque de la Syrie est pratiquement inévitable. Selon les experts trois scénarios sont possibles, écrit mercredi 28 août le quotidien Kommersant.
L’imminence d'une attaque de la Syrie est devenue évidente après le discours du secrétaire d’Etat américain John Kerry, qui a déclaré lundi soir que Washington disposaient de preuves irréfutables selon lesquelles les autorités syriennes auraient utilisé l'arme chimique dans le cadre de la guerre civile. « Le président Obama estime que ceux qui ont utilisé l’arme la plus monstrueuse du monde, contre la population la plus vulnérable, doivent être traduits en justice », a déclaré Kerry, ajoutant que dans les jours à venir la Maison blanche déciderait quelle serait sa réaction. Mais cette réaction sera certainement la force : Kerry n’a laissé aucun doute à ce sujet.
Le scénario n°1 – plus plausible selon les analystes interrogés - consisterait en des frappes symboliques et limitées. Pendant une journée ou deux, des missiles de croisière seront tirés depuis les destroyers et sous-marins américains sur les sites publics et militaires clés syriens : le ministère de la Défense, le QG, le palais présidentiel, les bases militaires les aérodromes, les lieux de déploiement des unités les plus opérationnelles. Mais cette action n’aura pas de suite et de fin logique. Le but des USA dans ce cas serait d’envoyer un signal à Damas : de nouvelles mesures de rétorsion suivront si vous utilisez l’arme chimique une fois de plus.
Certains alliés européens, la Turquie et les monarchies du Golfe comme le Qatar et l’Arabie saoudite, poussent Washington vers le deuxième scénario. Il implique une guerre aérienne plus longue et des bombardements plus intensifs. Il ressemble davantage à la campagne libyenne de 2011, quand l’armée de l’air des pays de l’Otan avait assuré un appui aérien aux rebelles opposés à Mouammar Kadhafi. Et l’objectif final de cette opération serait le renversement du régime
d'al-Assad, tout comme en Libye.
Le troisième scénario est intermédiaire. Durant un certain temps les USA bombarderaient la Syrie afin d’affaiblir le potentiel militaire de Damas, avant de se retirer au second plan pour accomplir principalement des fonctions auxiliaires. Les pays de la région qui cherchent à renverser al-Assad prendraient alors le relai, avec à leur tête la Turquie - la plus puissante armée de la région.
L’armée de l’air turque pourrait assurer un appui aérien à l’opposition syrienne dans les zones clés du front grâce aux bases aériennes d’Incirlik, Konya, Malatya et Diyarbakir. L’armée de terre turque pourrait également participer à certaines opérations. Dans une moindre mesure le même rôle pourraient être rempli par l’armée de l’air et les forces d’élite des pays arabes qui font partie de la coalition anti-Assad comme le Qatar, l’Arabie saoudite et les EAU. La participation américaine, française et britannique à cette étape serait plutôt symbolique - quelques escadrilles projetées sur les bases turques ou décollant des porte-avions américains en Méditerranée.
Sur le plan politique et diplomatique, l’opération occidentale en Syrie ressemblerait à la campagne de 1999 en Yougoslavie et à la guerre en Irak de 2003. Dans les deux cas, la décision de lancer l’opération militaire a été prise de manière unilatérale - sans l’accord du Conseil de sécurité des Nations unies, où Moscou et Pékin ont le droit de veto.
Selon la presse américaine, trois facteurs détermineront quel scénario sera réalisé : le rapport final du renseignement américain sur l’implication d’al-Assad dans l’attaque chimique, les consultations avec les alliés et le congrès, ainsi que dans quelle mesure chaque option sera compatible avec le droit international.

D’autres versions sont possibles

Il est probable que les frappes seront rapides et limitées dans le temps, et qu'elles viseront des objectifs militaires précis. Il pourra s'agir, en premier lieu, de centres de commandement et de communication, de dépôts d'armement et de moyens logistiques militaires (carburant, moyens de transport). A ceux-ci s'ajouteront des centres de décision politiques et probablement des bases aériennes et des radars de défense.

Pour ce faire la 6ème flotte lancera au moins une centaine de missiles de croisière conventionnels Tomahawk. Chacun est propulsé par un petit réacteur et est programmé. Il peut être tiré de sous-marins ou de navires de surface. Il affiche, suivant les versions, une portée de plus de 1.400 km. Son profil de vol typique comprend une vitesse de 800 km/h environ à très basse altitude. Il se guide grâce à une centrale inertielle hybridée GPS. Il dispose en outre d'un système de reconnaissance du terrain survolé. Sur certaines versions, en phase finale, un autodirecteur infrarouge « reconnaît » la cible à frapper. Ces missiles emportent, soit une très forte charge d'explosif, soit des sous-munitions. Ces sous-munitions à explosion immédiate ou différée sont pratiques pour rendre hors service une piste d'atterrissage par exemple.

Ces moyens, relativement économiques en vies humaines et en coût (on parle de 800.000 euros le missile), n'exposent aucun soldat américain aux défenses syriennes.
De par leur profil de vol, ces missiles sont également très difficiles à intercepter. Même si certains peuvent néanmoins être contrés par des systèmes sol-air syriens, il est probable que la grande majorité d'entre eux atteindront leurs objectifs.

L'autre option la plus probable pour une action immédiate repose sur le bombardier furtif B2. Cet avion invisible aux radars qui est aussi le plus couteux de l'histoire de l'aviation est en théorie capable de traverser impunément la Syrie.
Dans ses soutes, il peut emporter des dizaines de bombes à guidage GPS ou des missiles de croisière. De quoi achever les dernières défenses anti-aériennes en place dans le pays ou détruire une cible très importante comme un bunker présidentiel.

Une autre option consiste à utiliser les avions du groupe aéronaval américain.
On pense alors à un raid combiné impliquant des avions de surveillance radar E2 Hawkeye, des avions de brouillage EA6B Prowler pour aveugler les défenses adverses et des F/A 18 E/F pour effectuer les frappes au sol et détruire, au besoin, en vol les chasseurs adverses.
La panoplie du Super Hornet est probablement la plus complète qui soit. Ces avions disposent dans leur nez d'un puissant radar à antenne active. Ils sont prévus pour embarquer des missiles anti radar supersoniques AGM88, des bombes guidées et des missiles largués à plusieurs dizaines de kilomètres, des défenses anti aériennes de l'adversaire le tout, en conservant la capacité de se défendre avec des missiles anti aériens AIM-120 Amraam de 100km de portée.
Reste que ces avions lourdement chargés seront lents, et facilement détectables par la défense adverse pendant leur phase d'approche, d'ou la nécessité de disposer d'une couverture de brouillage assurée par les EA6B Prowler.

Un autre scénario prévoit également une participation britannique par le biais de missiles Tomahawk tirés de sous-marins, ainsi que des frappes de F-16 par plusieurs pays alliés à partir de la Jordanie et de la Turquie.
Israël pour sa part semble déjà avoir fait sa part du travail en détruisant au cours des dernières semaines plusieurs dépôts de munitions syriens lors de frappes aériennes ciblées de nuit.
Ces raids qui ont permis de détruire le stock de missiles antinavires supersoniques dernier cri « Yakhont » démontrent la capacité de l'Etat hébreu à pénétrer les moyens de défense syriens en tout impunité. Tel Aviv qui nie toute implication pourrait avoir employé des F-16 équipés de pods de brouillage de forte puissance, le tout avec l'assistance d'avions G550 « spéciaux » capables d'introduire de fausses informations dans les centres de défense adverses.

La grande inconnue est la capacité de réaction de la France. Pour l'heure la Marine Nationale ne dispose pas encore de l'équivalent du Tomahawk, le missile de croisière naval MDCN.
Il faudra donc acheminer des Rafale Marine armés de bombes AASM et de missiles Scalp avec le porte-avions Charles de Gaulle, une opération qui prendra plusieurs jours. A moins que l'Armée de l'air ne décide d'opérer à partir de bases aux Emirats Arabes Unis, en Turquie ou en Jordanie...

En théorie, la Syrie est bien armé. Mais ses moyens ne sont pas de toute première jeunesse et l'état de préparation des défenseurs est sujet à caution. Les moyens les plus modernes de défense sont tous de conception russe. Le plus redoutable d'entre eux est le S300 PMU, plus communément surnommé SA-10 par l'OTAN. En théorie ce système, qui est l'équivalent du « Patriot » américain en mieux est capable de détruire tout appareil ennemi dans un rayon de 120 km ou un missile dans un rayon de 40 km. Il repose sur un radar de veille longue portée, un centre commandement et de coordination, un radar de poursuite et plusieurs lance missiles très mobiles. Ces systèmes de conception ancienne sont néanmoins difficiles à contrer par les systèmes d'autoprotection classiques des avions de combat.

Vient ensuite le SA-11. Ce bouclier d'une portée de 40 km environ est capable de contrer des avions, des hélicoptères ou des missiles avec un taux de réussite théorique voisin de 95%. A plus courte portée, les systèmes Pantsir, associent des canons à tir rapide et des missiles très courte portée. Ce système se veut très résistant au brouillage. Il est donc redoutable pour tout aéronef évoluant en vol tactique. N'oublions pas non plus les missiles à guidage infrarouge SA-18 mis en ½uvre par les fantassins. D'une portée de 4 km environ, ils s'avèrent redoutablement efficaces contre des avions lents ou des hélicoptères mal protégés.
En l'air, la Syrie peut mettre en en ½uvre des avions d'attaque supersoniques SU-24, et des chasseurs MIG-29 et MIG23. Des appareils performants sur le papier mais qui, s'ils n'ont pas fait l'objet d'un programme de remise à niveau, ne risquent pas de peser très lourd face aux moyens de la coalition. A cela s'ajoute une inconnue, l'état de préparation des pilotes et des matériels.

La dernière inconnue de cette équation complexe est l'importance de l'assistance russe. En effet, la chute d'un avion furtif F117 en Serbie a prouvé qu'un moyen de défense russe obsolète, moyennant un minimum de remise à niveau, pouvait contrer efficacement les moyens les plus modernes « made in USA ».

Quelque soit l'état des forces en présence, l'Histoire contemporaine nous a appris qu'une guerre n'est jamais gagnée d'avance.

Tunisie Focus

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