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R.Ghannouchi et le cirque de ses concessions
Par Mansour Mhenni
Il est explicable, en ces temps qui courent, que les yeux et les oreilles soient braqués sur tout propos et tout geste émanant d'un dirigeant du mouvement islamiste Ennahdha au pouvoir , et particulièrement de son chef politique et spirituel Rached Ghannouchi. Même si les motivations peuvent différer, l'attente est partout la même. Cèdera, cèdera pas ? C'est la question !
La Cheikh est fidèle à son suspens de toujours, qui n'est pas simple suspens pour faire durer l'attente, mais vraie stratégie de négociation des semblants de virages politiques, alors que la ligne est toujours droite et claire, comme un ordre ou une prescription. En plus poétique, on dirait : « Ennahdha plie et ne rompt pas ». Voilà ! Tout le monde est prévenu.
Mais même prévenues, certaines personnes, naïvement ou de bon escient, se laissent abuser ou, en tout cas, en donnent l'illusion. Si bien qu'à la fin, on ne sait plus où mettre le diable et où placer le bon dieu ! En désespoir de cause, on finit même par se résigner à l'idée qu'en politique, le bon dieu n'existe pas et c'est le diable qui est le maître souverain.
Donc, d'un tiraillement à l'autre, puis d'un sit-in à l'autre, enfin d'une négociation à l'autre, sans doute aussi d'une concession à une autre, les termes du conflit paraissent se concentrer sur le gouvernement d'Ali Laârayedh. Remarquez au passage le resserrement de la peau de chagrin qui est partie du gouvernement de la troïka, au gouvernement d'Ennahdha, au gouvernement Ali Laârayedh en dernière dénomination, ô combien chargée de connotations !
C'était prévisible aussi, même sur ce seul point (auquel d'ailleurs sont rattachés bien d'autre, par voie d'implication automatique), le mouvement islamiste n'allait pas se presser d'encaisser le coup, alors que sur les autres coups, c'est la partie adverse qui a encaissé (notamment à propos du maintien de l'ANC, ce qui est peut-être heureux).
Il y a donc eu un petit bout de concession accordé à l'UGTT. Ainsi, avec tambours et trompettes, on a célébré l'acceptation de l'initiative de la centrale syndicale, malgré le scepticisme à peine contenu de Houcine Abassi, son secrétaire général. Aussitôt après, les voix du doute et de la provocation sont libérées pour laisser pointer la contrepartie attendue : la paix sociale, donc le renoncement à toute négociation salariale pendant que les prix, partout, ne cessent de grimper en cavale.
Puis, il y a un autre bout de concession accordé à l'alliance démocratique, convoitée comme un important partenaire de toute alliance électorale et gouvernementale à venir. Là aussi, c'est la voix de Baroudi, la plus virulente de l'alliance, qui annoncera, ès qualité, la bonne nouvelle au peuple en attente. C'est aussi un signe fort à l'égard de Mustapha Ben Jaâfar et son parti, dont on préparerait la répudiation, après ce qui est considéré comme sa plus grave trahison de la couche nuptiale, depuis le mariage troïkiste.
A preuve, la lettre toute soignée et bien travaillée en formules et mots convenablement choisis envoyée au Conseil du CPR par le président d'Ennahdha, samedi 24 août, pour le rassurer sur son avenir troïkiste, au vu des services rendus dans la guerre contre les putschistes. La troïka ? Le CPR y est et il y restera. En tout cas pour l'instant, c'est l'avis du Cheikh. N'est-ce pas le CPR qu'on utilise le plus, à chaque fois, pour gronder les impromptus et les inopportuns de « l'épopée troïkiste » ? Bon, pour Marzouki, on verra plus tard ! Et puis, il y a bien plus fidèles que lui dans le CPR (dans lequel il n'est plus d'ailleurs) pour s'inquiéter de qui le remplacerait. Certains profils sont déjà tout indiqués pour cela.
De l'autre côté, l'opposition s'enivre de son sit-in qu'elle prend déjà pour une victoire, insensible à ce qui la ronge déjà à la base par le fait de certaines manipulations, de certaines provocations et de certaines corruptions. Dans la perspective d'autres calculs sournois, d'aucuns sont déjà en train de déterrer de vieux cadavres pour la présidence du nouveau gouvernement, supposé être indépendant. Même Ahmed Mestiri, qui a déclaré, après la révolution, avoir été trois fois dupé par Ben Ali, est dépoussiéré pour la circonstance. Pour un peu, on nous sortirait Ahmed Ben Salah ! Et qui encore ? Le sait-on ?!
J'avais écrit une fois que notre ministère de la Culture n'a pas besoin de promouvoir la production théâtrale, car nos politiques se sont montrés maîtres en la matière et tout notre théâtre est sur la scène politique. Aujourd'hui, je suis plus que jamais convaincu de cette idée.
Reste à savoir, cette fois, quelle attitude sera finalement celle du public (Le peuple, dirait-on !) : la délectation passive devant le spectacle de sa ridiculisation ou la révolte contre ce qu'il finira par prendre comme une atteinte à ses intérêts et sa dignité, à sa liberté et sa souveraineté.
Par Mansour Mhenni 26 août 2013
Remarque : Le titre n’est pas de l’auteur
Nous ajoutons à ce papier le commentaire d’un jeune tunisien d’à coté . Ecoutez