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Des secouristes algériens après un attentat-suicide près d'Alger, août 2008 ©  REUTERS/Zohra Bensemra
Des secouristes algériens après un attentat-suicide près d'Alger, août 2008 © REUTERS/Zohra Bensemra

L'Algérie impuissante face au terrorisme

Le 7 septembre 2011, Alger abrite une conférence internationale sur la lutte anti-terroriste, soutenue principalement par les USA et la Grande-Bretagne. Objectif, freiner la montée des attentats dans le Maghreb et dans le Sahel.

Officiellement, s'ouvre mercredi 7 septembre 2011 à Alger la «Conférence sur le partenariat, la sécurité et le développement dans les pays du Sahel», même si les médias continuent à l'appeler Conférence internationale sur le terrorisme et les mauvaises langues le Salon du terrorisme, tout court. Car officiellement, le terrorisme n'existe pas vraiment, sauf dans le Sahel, à l'image de l'analyse fournie pour la rentrée par le premier ministre Ahmed Ouyahia sur la recrudescence du terrorisme dans plusieurs régions d'Algérie:

«Les derniers actes terroristes témoignent d'une nette progression de la destruction du terrorisme.»

Cette absurde et incompréhensible explication d'un officiel sur un phénomène lui-même très mal compris des Algériens et de l'opinion internationale, témoigne en réalité de dysfonctionnements dans la lutte antiterroriste en dehors d'un profond mépris pour la sémantique et les citoyens d'une manière générale; le terrorisme, même s'il s'active depuis 20 ans maintenant, en serait à sa fin. Le fait qu'il existe encore le prouve. C'est pourtant une réalité bien meurtrière, il ne se passe par un jour sans qu'un soldat, un civil, un policier ou un gendarme n'explose sur une bombe, particulièrement à l'est et à l'ouest d'Alger, enserrée par des groupes très mobiles qui rivalisent d'audace, embuscades, bombes actionnées à distance par téléphone portable et attentats-suicide. Dans une contribution à la presse privée, le général Abderrazak Maïza, ancien chef d'état-major de la première région militaire, qui englobe Alger et les régions centre, est catégorique:

«Le désarmement des patriotes et GLD [civils armés par le gouvernement] ainsi que l’amnistie de 2006 ont été pour beaucoup dans le redéploiement des terroristes sur le terrain.»

Mettant directement en cause les lois sur la réconciliation promulguées par le président Bouteflika, d'autant que pour cet ancien opérationnel, les terroristes qui ont cessé leurs activités sont des gens riches et intouchables, ce qui pousse à l'abandon moral de la lutte antiterroriste d'une part, et à rejoindre les maquis pour les milliers de jeunes désœuvrés. Al-Qaida, combien de divisions? se demandait un journal électronique algérien. Là encore, le gouvernement fausse les données, expliquant régulièrement qu'il y aurait 300, 500 ou 900 terroristes en activité alors que le département d'Etat américain, qui suit de très près le dossier, vient d'annoncer que 1200 terroristes avaient été abattus en 2010, contredisant le discours officiel algérien. C'est l'arbre qui cache la forêt qui cache le maquis caché derrière le dernier arbre du terroriste, pourrait-on résumer, pour paraphraser le Premier ministre.

Isolation thermique

Malgré sa mauvaise communication et la légèreté prise avec les chiffres, l'Algérie se retrouve quand même au centre d'influence d'une question d'envergure planétaire, soutenue en ce sens par les Etats-Unis et la Grande Bretagne principalement, qui appuient toutes les initiatives régionales sur le très complexe Sahel. La Conférence internationale sur le terrorisme sera pour le régime algérien, pointée du doigt sur les questions de sécurité et de démocratie, l'occasion d'être un partenaire privilégié, d'autant que la situation libyenne s'est connectée au terrorisme algérien. L'attentat qui a fait 18 morts à l'ouest d'Alger fin août 2011 a été revendiqué par al-Qaida, qui a expliqué vouloir punir le régime algérien pour ne pas avoir aidé les insurgés libyens. Résultat bien réel, le réchauffement du front terroriste interne et les froideurs diplomatiques externes ont placé l'Algérie dans une situation d'isolement inédit.

Le plus grand pays d'Afrique (depuis la partition du Soudan au début de l'année lien) possède aujourd'hui deux frontières fermées, celle avec le Maroc, plus longue frontière fermée au monde, et maintenant avec la Libye, qui court sur près de 1000 kilomètres, pour des raisons sécuritaires. On pourrait ajouter celle avec la Mauritanie, fermée de fait puisqu'il n'y a pas de poste frontière terrestre entre les deux pays, celles du Niger et Mali, difficilement praticables pour les mêmes raisons de sécurité, celle avec la Tunisie, encore problématique, et la frontière nord avec l'Europe, sur laquelle patrouillent les garde-côtes algériens qui surveillent de très près les harragas (émigrés clandestins qui partent par la mer), toujours aussi audacieux.

Enfermée dans son bunker, l'Algérie n'a plus de voisins et s'enfonce dans des explications aléatoires, à l'image de celle de son premier ministre citée plus haut. L'échec relatif de la lutte antiterroriste en Algérie et au Sahel, qui est aussi pour ce dernier cas celui des Etats-Unis et de l'Europe, présents sur ce front depuis dix ans, aura renvoyé tout le monde revoir ses copies, ce qui sera probablement l'occasion pour les 80 délégations étrangères invitées à la Conférence sur le terrorisme de redéfinir les choses. Les errements ont fait du mal, comme la stratégie de communication du président Bouteflika, qui a vigoureusement condamné l'attentat en Norvège mais aucun de ceux commis sur son propre sol.  

«Il est tellement déconnecté qu'il croit peut-être vivre en Norvège», commentait un colonel, sourire à peine masqué.

Chawki Amari

 

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Chawki Amari

Journaliste et écrivain algérien, chroniqueur du quotidien El Watan. Il a publié de nombreux ouvrages, notamment Nationale 1.

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