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L'Algérie ne peut pas se permettre d'avoir un «président invalide»
Le retour au pays de Bouteflika, après 80 jours d'hospitalisation en France, ne rassure personne.
Il n'y aura pas eu de grandes envolées lyriques, avec le retour au bercail d'Abdelaziz Bouteflika. Dans la presse locale, rien. Si ce n’est un rappel un peu soporifique des grandes lignes d’un communiqué de la présidence algérienne, indiquant que le chef de l'Etat est rentré en Algérie, afin de poursuivre «une période de repos et de rééducation».
Une manière détournée de reconnaître l’évidence: le président algérien est de retour au pays, au bout d’une hospitalisation de près de trois mois à Paris. Mais il ne va pas mieux.
Sur les premières images diffusées par les médias officiels, on le voit assis sur un fauteuil roulant, le visage émacié et quasiment immobile. Autour de lui, les plus hautes autorités de l’Etat, dont le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Des images qui ont tourné en boucle sur la chaîne publique, ENTV, le 16 juillet au soir.
El Watan, par exemple est peu disert. Le quotidien algérien se contente de reprendre les images diffusées par la télévision nationale. Mais rien de plus, si ce n’est une évocation pudique (et prudente) des indiscrétions fournies par l’Agence France Presse sur l’atmosphère qui a régné à l’aéroport du Bourget, près de Paris, d’où a décollé l’avion médicalisé de Bouteflika.
Cette réserve de la presse algérienne au sujet du retour d’Abdelaziz Bouteflika est à la fois étonnante et compréhensible.
Etonnante, parce que sa longue hospitalisation en France a provoqué une véritable instabilité politique dans le pays. La question de la succession du chef de l’Etat a même clairement été évoquée pour mieux souligner son incapacité à gouverner. Compréhensible, parce que les menaces dont ont été victimes certains médias en ont échaudé d’autres. Les autorités algériennes ont ressuscité une forme de censure pour éviter toute fuite au sujet de la santé du président.
Invalidité
Pourtant, Le Quotidien d’Oran met les pieds dans le plat dans cette ambiance où tout le monde fait montre d’une prudence de Sioux. L’éditorialiste du journal oranais commente le retour de Bouteflika avec des mots sévères.
«Bouteflika n'est pas nécessaire, mais le changement est nécessaire. L'homme a dévoilé le vide politique et institutionnel algérien dont il est le premier artisan et sa maladie nous a fait entrevoir sur quoi repose la “vie” de ce pays: presque rien, sauf le consensus de la mastication ou de la prédation.»
Le journal va encore plus loin, en considérant que la longue absence de Bouteflika aura été plus utile que sa présence physique, dans la mesure où elle aura permis aux Algériens de comprendre que leur pays est bâti sur «une conception absurde» de l’homme providentiel. La vraie question étant de savoir ce qui va changer désormais.
Le Quotidien d’Oran répond sans ambages:
«Rien, sauf la manière de tuer le temps, en attendant la prochaine présidentielle.»
Et c’est justement sur ce point que le site Algérie 1 a voulu, pour sa part, mettre l’accent. Le site d’information estime que le débat politique va certainement s’emballer dans les prochains jours, au vu des images diffusées par la télévision nationale.
Algérie 1 souligne «l’inévitable question de savoir si l’Algérie peut encore s’accomoder d’un président invalide, alors que de par la nature du système politique algérien, il est la clé de voûte et l’arbitre suprême».
Lassitude
Dans tous les cas, estime TSA (Tout sur l'Algérie), Bouteflika aura du mal à rétablir son autorité au sommet de l'Etat.
«Durant son hospitalisation, Abdelaziz Bouteflika a pu mesurer l'étendue de la lassitude des Algériens à son égard. Il lui reste une chose à faire: tenter de conduire l’Algérie vers une transition apaisée et éviter au pays de perdre encore 15 ou 20 années pour rien.»
#Bouteflika : les leçons d’une hospitalisation http://t.co/iJdsfXrUJE #Algérie #Algeria
— TSA Algérie (@TSAlgerie) July 17, 2013
Après 80 jours passés en France, Abdelaziz Bouteflika, âgé de 76 ans, n’est donc pas complètement tiré d’affaire. Il faut lire entre les lignes du communiqué des autorités publié après le retour du président à Alger, pour imaginer que sa convalescence va durer encore longtemps.
Le chef de l’Etat algérien avait été hospitalisé le 27 avril 2013 à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, à Paris, à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Il avait ensuite été transféré à l’institution parisienne des Invalides. Mais son retour, plutôt que de rassurer l’opinion, semble susciter davantage d’inquiétudes.
Raoul Mbog