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Tunisie: les salafistes agressent, mais ce sont les artistes qu'on arrête
Dix-neuf artistes sont jugés pour «atteinte à la pudeur» lors d'un spectacle en hommage à Chokri Belaïd.
Mise à jour le 08/07/2013 à 16h35 : Les 19 accusés déférés devant le juge ce lundi matin ont bénéficié d'un non-lieu.
La justice tunisienne semble en vouloir à la liberté d’expression, déplore Tunisie Focus. Dix-neuf artistes sont agressés par des salafistes et arrêtés par la police, samedi 6 juillet 2013, au Kef, alors qu’ils participent à un spectacle de rue en hommage à Chokri Belaïd, militant de l’opposition assassiné le 6 février 2013.
Les membres de la compagnie Fanni Raghman Aanni («Artiste malgré moi») sont déférés ce lundi 8 juillet devant le procureur, rapporte le site. Un comité de soutien s’est immédiatement formé à l’initiative de la femme de théâtre Leila Toubel, qui souligne une injustice flagrante:
«Ce sont les salafistes qui agressent, qui violentent, mais ce sont les artistes qu'on arrête.»
En effet, selon Tunisie Focus, qui dénonce «une justice à l’envers», les agresseurs n’auraient pas été inquiétés. Les artistes risquent en revanche jusqu’à six mois de prison ferme pour «atteinte à la pudeur», a indiqué l’avocat Ghazi Mrabet à Tunisie Focus.
La pièce intitulée Guetlouh («Ils l’ont tué») risque donc de valoir un châtiment sévère à ses acteurs. Une nouvelle affaire de menace à la liberté d’expression, qui s’ajoute à celles du rappeur Weld El 15, de la Femen Amina Sbouï ou encore des trois militantes féministes européennes. Si l’issue a été plutôt heureuse pour les Femen européennes et le rappeur, Amina reste pour l’instant en détention et risque une lourde condamnation.
Tunisie Focus rappelle en outre que «les artistes et journalistes tunisiens sont aussi régulièrement la cible d’attaques de la mouvance islamiste». Le site évoque une affaire qui a défrayé la chronique, en septembre 2012: une jeune femme violée par trois policiers a été accusée d’atteinte à la pudeur, une pression exercée pour qu’elle retire sa plainte à l’encontre des forces de l’ordre. L’affaire est encore en cours de jugement.
La victime devient l’accusée pour que sa propre plainte ait moins de poids: il s’agit d’une manipulation orchestrée par la justice islamiste, dénonce Tunisie Focus. D’après le site, ces affaires scandaleuses sont le signe d’une «islamisation rampante de la société» par le système judiciaire.
Lu sur Tunisie Focus