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Marché Dantokpa, Cotonou, Bénin. Giulia Marchi (Tous droits réservés)
Marché Dantokpa, Cotonou, Bénin. Giulia Marchi (Tous droits réservés)

Sodabi, l’alcool qui rassemble

Si l’invention alcoolisée de M. Sodabi n’a pas pris une ride, c’est bien parce qu’aux quatre coins du Bénin, toutes les excuses sont bonnes pour en ouvrir une bouteille.

Le Sodabi —ou «vodka béninoise»— est la boisson la plus partagée au Bénin. Consommé sans modération dans les milieux défavorisés, au mépris des indications sanitaires, ou a contrario au sein de la couche sociale nantie qui fait le choix de la qualité, le Sodabi est consommé par snobisme et devient un produit de luxe.

Entre le frelaté distillé avec toutes sortes d’éléments nocifs, et le premier ou le deuxième degré à base de palmier à huile, le prix n'est évidemment pas le même. Il y a donc Sodabi et Sodabi. Dans la haute sphère de la société béninoise, il est plutôt servi à des hôtes de marque pour faire la différence avec les liqueurs importées d’Occident. «Qu’il soit du premier, du deuxième ou du troisième degré, l’eau-de-vie frappée du label Sodabi laisse toujours apparaître de petites bulles à la surface, longtemps après avoir été servie dans un verre», souligne un ancien ministre.

Une boisson accessible à tous

Les descendants de monsieur Sodabi ne sont pas peu fiers de leur ancêtre. Et pour cause: ce dernier a eu l’ingénieuse idée de transformer la précieuse huile de palmier en un alcool aujourd’hui très prisé. Avec 50 francs CFA (70 cents d'euros), on peut déjà s’en offrir un petit verre —un litre ne coûtant qu’entre 800 et 1.500 francs CFA (entre 1,20 et 2,30 euros), selon la qualité. Sans compter que l’on peut toujours marchander, comme le veut la coutume. Comme le chantait le célèbre Gnonnas Pedro: «Le président, le ministre, le général, le préfet, le sous-préfet, le militaire, le commandant, le civil; tout le monde boit du Sodabi».

Malgré tout, la consommation d’alcool —en particulier celle du Sodabi frelaté— nuit à la santé, et ce sont les jeunes qui en paient le plus lourd tribut. «Les jeunes boivent, et ils boivent mal », confie l’évêque de Natitingou, monseigneur Pascal N’Koué, confronté quotidiennement aux ravages de cet alcool dans l’Atacora, au nord du Bénin.

Jamais sans mon Sodabi

Pendant le régime révolutionnaire du général Mathieu Kérékou, entre 1972 et 1989, bien des responsables politiques et administratifs avaient tenté d’interdire la vente et la consommation de Sodabi. En vain. Car le commerce est on ne peut plus rentable, et les consommateurs dépendants sont prêts à braver tous les interdits pour un verre de «qui-me-pousse». C’est l’un des multiples noms donnés à cette boisson, avec «bioca-bioca» (pour biocarburant), «café blanc», «hélicoptère»… et bien d’autres variantes dans chaque langue locale. Il n’y a pas de rite vaudou, de célébration ou de cérémonie funèbre sans Sodabi.

S’il est produit dans la région méridionale du pays, c'est dans la région septentrionale qu'il est consommé en majorité. On ne compte plus le nombre de vendeurs de Sodabi qui y ont fait fortune. Les différents endroits où l’on en vend sont de véritables parlements populaires, des lieux de prédilection pour débattre de l’actualité politique nationale et des faits et gestes des princes qui gouvernent le Bénin. Rien d’étonnant à ce que le «qui-me-pousse » accompagne donc les hommes politiques béninois tout au long de leurs campagnes électorales.

Si seulement monsieur Sodabi pouvait savoir que son invention ne fait pas que des ravages en matière de santé publique, il dormirait certainement du sommeil du juste. Lui qui n’a heureusement —ou malheureusement— pas déposé la marque de son invention avant sa mort.

Marcus Boni Teiga

Marcus Boni Teiga

Ancien directeur de l'hebdomadaire Le Bénin Aujourd'hui, Marcus Boni Teiga a été grand reporter à La Gazette du Golfe à Cotonou et travaille actuellement en freelance. Il a publié de nombreux ouvrages. Il est co-auteur du blog Echos du Bénin sur Slate Afrique.

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