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Oscar Pistorius se prépare pour un 400 mètres au Stade olympique de Rome, le 11 juillet 2008. REUTERS/Alessandro Bianchi
Oscar Pistorius se prépare pour un 400 mètres au Stade olympique de Rome, le 11 juillet 2008. REUTERS/Alessandro Bianchi

Pistorius, le Sud-Africain qui court plus vite que les préjugés

Equipé de ses prothèses, le Sud-Africain Oscar Pistorius va se mesurer à des sprinters valides lors de l'épreuve du 400 mètres des Mondiaux de Daegu.

Mise à jour du 3 septembre 2012: Le Sud-Africain Oscar Pistorius, amputé des deux jambes, a dû se contenter de la deuxième place, le 2 août, sur le 200m de sa catégorie, remporté par le Brésilien Alan Oliveira, aux Jeux paralympiques de Londres, et a aussitôt dénoncé une course pas "équitable".

Devenu le premier double amputé à participer aux JO le mois dernier, Pistorius a couru en 21 secondes 52, coiffé au poteau par le Brésilien (21.45). L'Américain Blake Leeper est arrivé troisième (22.46).

Réagissant à cette deuxième place, le Sud-Africain a mis en cause les lames utilisées par certains de ses concurrents, qu'il juge trop longues.

***

Les 13e championnats du monde d’athlétisme n’ont pas encore débuté, mais ils ont déjà leur héros. La superstar des pistes Usain Bolt va en effet devoir partager la vedette avec Oscar Pistorius, qui va enfin avoir l’occasion de courir au côté des meilleurs sprinters du 400 mètres.

Quelles que soient ses performances à Daegu (Corée du Sud), où auront lieu les Mondiaux d'athlétisme du 27 août au 4 septembre, le coureur d'Afrique du Sud a déjà gagné respect et admiration. Son invalidité ne l’empêche pas de mener une prestigieuse carrière de haut niveau. Grand compétiteur, Oscar Pistorius  se hisse toujours plus haut, plus loin, plus vite, au-dessus des obstacles.

Un handicap, quel handicap?

Peut-être était-ce son destin. Tout commence le 22 novembre 1986, à Johannesburg. Sheila Pistorius, femme de Henke, donne naissance à un petit Oscar. Né sans péronés ni plusieurs os des pieds, «Oz», comme le surnomme sa mère, s’éveille à une existence hors du commun. Alors qu’il n’a que onze mois, ses parents décident de son amputation, en dessous des genoux.

Issu d’une famille aisée d'origine italienne, il bénéficie de prothèses qui lui permettent de vivre pleinement sa jeunesse, sous l’égide et la fougue contagieuse de son grand frère Carl. Ensemble, les deux font les 400 coups dans leur quartier chic de Sandton (Johannesburg).

Jamais il n’est question de handicap, terme rejeté par le garçonnet. Venu au monde ainsi, Oscar Pistorius a eu la chance de grandir sans avoir à fréquenter de structure adaptée. Aussi se moque-t-il des mauvaises blagues des gamins de son âge.

Outre un moral d'acier, Oscar Pistorius  se construit rapidement un physique du même accabit. Touche-à-tout, le jeune garçon se développe en s’adonnant au tennis, au surf, au vélo, au football, à la boxe… Une passion qui lui est d’un grand secours quand, en 2001, sa mère décède. Comme pour noyer son chagrin, il se lance plus que jamais dans le sport.

Naturellement, l’adolescent finit par s’adonner au sport roi de la patrie de Nelson Mandela: le rugby, très populaire au sein de la communauté blanche d'Afrique du Sud (la communauté noire privilégie, elle, le football). Pendant près de deux ans, il manie le ballon ovale avec talent. Jusqu’à ce jour de 2003 où son genou droit cède sous un plaquage trop viril. Le verdict est sévère: déchirure des ligaments, repos forcé de plusieurs mois. Oscar Pistorius l’ignore encore, mais cet accident va bouleverser son existence: pour sa rééducation, on lui conseille l’athlétisme.

La naissance de «Blade Runner»

En janvier 2004, alors âgé de 17 ans, Oscar prend la direction du club d’athlétisme de Pretoria, pour retrouver la forme et, espère-t-il, les terrains de rugby. Au sein du club de la capitale, il prend goût au tartan des pistes d’athlétisme et se laisse convaincre que son avenir est dans ce sport.

Avec ses prothèses «Cheetah» et sa condition physique optimale, Oscar Pistorius  s’affirme d’entrée comme un sprinter très prometteur et aligne d’excellents chronomètres. Ses performances sont telles qu’en septembre 2004, il prend part aux Jeux paralympiques d’Athènes, où il glane deux médailles: une en bronze sur 100 mètres, et une en or sur 200, assortie du record du monde. Un phénomène est né. Son surnom: «Blade Runner» (le coureur aux lames).

Oscar Pistorius  commence à régner en maître sur les épreuves de sprint, catégorie handisport. L’équipementier Nike s’associe à celui qui devient une célébrité dans son pays et à travers le monde. L’entreprise à la virgule lui octroie une place de choix dans sa stratégie publicitaire, aux côtés d’icônes du sport. La marque de boisson Powerade fait de même.

En 2007, le Sud-Africain signe les records du monde de l’athlétisme paralympique sur 100 mètres et 200 mètres et clame ses nouvelles ambitions: affronter des sprinters valides en compétition officielle. 

«Je suis un athlète et c’est tout. Je suis un sprinter. Avec ou sans jambes», répète l’intéressé dans son autobiographie, Courir après un rêve (2010, l’Archipel).

La Fédération internationale d’athlétisme demande à ce qu’un regard scientifique soit posé sur le champion. La question est de déterminer s’il tire ou non avantage de ses prothèses, conçues en Islande. Les premières conclusions sont dures: ses lames de carbone lui confèreraient un avantage certain, et l’athlète n’est pas autorisé à concourir chez les valides. Ce jugement est ensuite révisé par le Tribunal arbitral du sport, mais Oscar Pistorius  échoue à se qualifier pour les Jeux olympiques de Beijing, en Chine.

Blade Runner se console en écrasant la concurrence aux Jeux paralympiques de Beijing, où il monte sur la plus haute marche des podiums du 100 mètres, du 200 mètres et du 400 mètres. Un triplé qui le conforte dans son ambition de se frotter au gratin des sprinters valides.

Peut-il courir face aux athlètes valides?

L’année 2011 débute par une sensation aux Mondiaux handisport de Christchurch, en Nouvelle-Zélande. En finale du 100 mètres, l’Américain Jerome Singleton détrône Oscar Pistorius  d'un cheveu (ex-æquo, tous deux sont départagés à la photo-finish). Ce dernier est défait pour la première fois en sept ans. Mais pour lui, la suite est plus savoureuse.

Le 19 juillet 2011 est un jour à marquer d’une pierre blanche. Au meeting de Lignano, en Italie, le Sud-Africain prend le départ du 400 mètres et réussit le tour de piste en un temps canon: 45 s 07. L’enfant de Johannesburg explose son meilleur temps personnel (45 s 61) et réussit, à son ultime tentative, les minimas (45 s 25) imposés par la Fédération sud-africaine d’athlétisme pour participer aux Mondiaux de Daegu.

Trop juste pour Osaka (2007) et Berlin (2009), Oscar Pistorius  va enfin goûter au championnat du monde des valides. Le 8 août, sa fédération l'a confirmé: il sera le seul représentant sud-africain sur 400 mètres, et figure parmi les sélectionnés pour le relai 4x400 mètres:

«J’ai rêvé pendant si longtemps de pouvoir participer à une compétition majeure et c’est un grand moment de fierté dans ma vie. C’est un honneur de représenter mon pays dans un si prestigieux événement», a déclaré l’intéressé sur son site officiel.

Sa présence à Daegu ne laisse pas indifférent. Et même si la participation de Pistorius aux JO de Londres 2012 n'est pas encore certaine, le président de son comité d’organisation, l’ancienne gloire du demi-fond Sebastian Coe, n’a pas caché son enthousiasme, comme le rapporte le quotidien sportif français L’Equipe:

«Nous avons fini par […] admettre la possibilité d'intégrer des athlètes handicapés dans nos championnats. Je souhaite la bienvenue à Oscar à Londres, comme je le ferai en Corée du Sud dans quelques semaines

Joint par Slate Afrique, Jean Minier, directeur technique national de la Fédération française d’handisport rappelle que ce n’est pas la première fois que des sportifs handisport intègrent de grandes compétitions:

«Des athlètes sourds ont été champions olympiques de judo, vice-champions olympiques de natation… Michel Salesse, atteint de poliomyélite, a été champion olympique d’épée par équipe à Moscou en 1980. Bien d’autres sportifs ont ouvert cette voie avant Oscar Pistorius.»

En revanche, le fait d’autoriser un sprinter muni d’un dispositif spécial à courir avec les valides soulève la question de savoir jusqu’à quel point les athlètes handicapés peuvent investir ces compétitions. La limite avec le dopage est-elle si éloignée? Verra-t-on bientôt des athlètes suréquipés dominer le monde du sport? Jean Minier n’y croit pas:

«Je ne suis pas certain que ça ouvre de grandes perspectives. C’est très difficile d’imaginer un rapprochement entre le monde olympique et le monde paralympique. Ce serait de trop grosses modifications en profondeur. Je n’attends pas de grande révolution.»

Pour l’heure, Oscar Pistorius  reste donc un cas à part.

«Il fait une promotion intéressante de l’athlé handisport. Ce sera l’occasion pour les athlètes handisport et pour l’athlétisme handisport d’exister. C’est une belle aventure humaine, et je lui souhaite qu’elle soit couronnée de succès», confie Jean Minier.

S’il a encore des efforts à fournir pour rivaliser avec les meilleurs spécialistes du 400 mètres —dont les chronos tournent en dessous de 44 s 50— le Sud-Africain a une belle carte à jouer. S'il réitère sa dernière sortie transalpine, une place sur le podium est possible, compte tenu des forfaits de l’Américain Jeremy Wariner et du récent champion d’Europe en salle français Leslie Djhone.

Et s'il avait encore besoin d'un peu plus de motivation, Oscar Pistorius  pourrait se répéter le leitmotiv qui l’anime depuis toujours:

«Nous avons tous un handicap, mais nous avons tous aussi la possibilité de dépasser nos limites.»

Nicolas Bamba

Nicolas Bamba

Nicolas Bamba est un journaliste français, attaché au thème du sport notamment. Il a collaboré avec L'Equipe et Sports.fr

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