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Rwanda - Les musulmans jeûnent, les restaurateurs trinquent
Si le mois saint du ramadan est l’occasion de partager un repas symbolique à la rupture du jeûne, l’économie des restaurants peut souffrir de ce changement de rythme alimentaire. Le cas du Rwanda, où la pratique du ramadan est en hausse selon un article paru sur Afrique Avenir le 9 août 2011 montre un décalage entre les restaurateurs et la réalité de nombreux Rwandais convertis à l’islam.
Alors que depuis une semaine (1er août), les musulmans du Rwanda ont commencé la période du jeûne, les restaurants peinent à rester ouverts. A Kigali, la capitale, dans le quartier de Nyamirambo, qui compte l’une des communautés musulmanes parmi les plus importantes du pays, certains restaurants ont déjà dû fermer faute de fréquentation pendant le mois saint.
Haji Issa, une musulmane pratiquante, affirme que les musulmans préfèrent traditionnellement rompre le jeûne dans le foyer familial et favorisent le confort de cet espace privé. Beaucoup de restaurants ont tenté d’opter pour l’ouverture le soir, afin de fournir des repas nocturnes. Mais la suppression du petit-déjeuner et du déjeuner au menu est difficile à compenser.
Les commerces doivent aussi s’adapter au mois saint. Les supermarchés locaux souffrent de pénuries pour certains produits comme le sucre, le riz ou les pommes de terre, car les pratiquants commencent le mois de ramadan en stockant les aliments et la demande dépasse souvent l’offre.
Si le pays semble s’adapter progressivement à la fête religieuse, l’importance de celle-ci est liée à la croissance rapide de la conversion à la religion musulmane au Rwanda depuis le génocide de 1994.
Avant le massacre, la communauté musulmane représentait une minorité marginalisée au Rwanda qui était, par son héritage colonial, un pays de tradition catholique. D’après un rapport datant de 2005 intitulé «From Genocide to Jihad: Islam and Ethnicity in Post-Genocide Rwanda» (PDF) (Du génocide au djihad: l’Islam et l’ethnicité dans le Rwanda post-génocidaire), de nombreux Rwandais se sont convertis à la religion musulmane après les massacres perpétrés entre Hutu et Tutsi.
Selon l'auteure du rapport, la chercheuse Alana Tiemessen, l’islam représente pour les deux ethnies un moyen de réconciliation et d’unification, éloigné du conflit ethnique. La communauté musulmane a aussi joué un rôle non-négligeable durant les massacres, en fournissant une aide matérielle et des abris à des familles en fuite.
Considérés comme des Rwandais à part entière après le conflit, les musulmans ont été intégrés dans une société qui réfutait l’église catholique, perçue comme complice des massacres. En 2005, plus 14% de la population était convertie à l'islam. Aujourd’hui, le nombre de musulmans rwandais s’élève à 1,8 million (contre 500.000 avant le génocide).
Si certains observateurs internationaux se sont inquiétés de voir cette conversion favoriser le développement d’un islam radical dans les pays voisins, il semblerait plutôt, comme le disait une journaliste du Washington Post en 2002, que le djihad symbolise pour les Rwandais une «lutte pour la guérison».
Lu sur Afrique Avenir