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Les médecins algériens manifestent sous les coups

Le Premier ministre algérien Ahmed Ouyehia s'est peut-être définitivement mis à dos le corps médical. Malgré un impressionnant dispositif de sécurité et de violents affrontements avec les forces de police, les médecins ont défilé toute la journée du 1er juin 2011 dans les rues d’Alger.

Après l’échec des négociations avec le ministre de la Santé et accusant les médecins en grève depuis deux mois de manquer de patriotisme, de tourner le dos à leurs malades ou encore de délaisser les sous-régions, le Premier ministre n'imaginait pas provoquer pareilles scènes de violence.

«On a essayé de forcer le cordon de sécurité. Malheureusement, on a été violemment réprimés, ils nous ont tabassés, ils sont allés même jusqu´à piétiner les médecins qui étaient assis par terre» indique le porte-parole du collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra), le docteur Merouane.

Des milliers de résidents en médecine, pharmacie et chirurgie dentaire ont organisé un sit-in pacifique devant l'hôpital Moustapha-Pacha, place du 1er mai. Très vite, des centaines d’agents antiémeutes lourdement équipés se sont imposés devant l'entrée du CHU, indique El-annabi, et ont violemment dispersés les grévistes, raconte le site El Watan, qui détaille la scène.

Le docteur Islem Sifaoui, victime de la violence policière, donne un aperçu de l’intensité de la répression:

«Nous avons tenu notre piquet de grève et en tentant de sortir de l’hôpital, les casques bleus nous ont pris d’assaut à l’intérieur même. Ils ont commencé par nous pousser. A ce moment-là, quelques médecins se sont retrouvés par terre; ils se sont mis à les piétiner et à donner des coups de pied.»

Les manifestants ont réussi à marcher jusqu’à l’Assemblée populaire nationale (APN) où des forces de sécurité les attendaient. Le docteur Yelles, qui s’est entretenu avec le président de l’APN Abdelaziz Ziari, rapporte le soutien de l'Assemblée pour les médecins:

«Il nous a signifié qu’il regrettait le dérapage verbal du Premier ministre Ouyahia qui l’avait lui-même choqué. Il nous a attentivement écoutés et a plaidé pour un moratoire sur la question du service civil.»

Les affrontements se sont intensifiés toute l'après-midi, les forces de police ne faisant plus de distinction entre manifestants, journalistes, jeunes et vieux.

Les médecins, qui manifestent depuis deux mois contre l’abrogation du service civil, réclament également plus de moyens et de meilleures conditions de travail. Concernant l’accusation du Premier ministre sur la mauvaise répartition des médecins, ces derniers estiment qu’il n’y a pas assez de mesures incitatives pour qu'ils s'installent durablement dans ces zones reculées:

«Les médecins résidents sont prêts à rester au-delà d’une année dans les régions du Sud et des Hauts-Plateaux, mais ils doivent bénéficier, pour cela, de mesures incitatives, sinon à quoi bon aller dans des régions déshéritées où nous ne pouvons pas prodiguer les soins nécessaires faute de moyens» précise le docteur Merouane.

Lu sur El Watan, L'Expression, El-annabi, Liberté