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Manmohan Singh, Teodoro Obiang Nguema et Jean Ping au sommet Afrique-Inde à Addis Abeba, le 24 mai 2011. SIMON MAINA / AFP
Manmohan Singh, Teodoro Obiang Nguema et Jean Ping au sommet Afrique-Inde à Addis Abeba, le 24 mai 2011. SIMON MAINA / AFP

L'Inde investit l'Afrique

Le sommet Afrique-Inde qui s'est tenu à Addis Abeba à la fin du mois de mai 2011 a resserré les liens économiques entre les deux économies émergentes. Pour alimenter sa croissance, l'Inde a plus que jamais besoin des ressources du continent noir.

Plus de 5 milliards de dollars, soit 3,47 milliards d'euros. C'est ce que l'Inde a promis de prêter au continent africain sur trois ans, à l'issue du second sommet Afrique-Inde qui s'est achevé le 25 mai à Addis Abeba (Ethiopie). A cette somme, il faut ajouter 700 millions de dollars (486 millions d'euros) pour la création de nouvelles institutions et la mise en place de formations dans des domaines variés comme l'agriculture, la santé, la météorologie...

«Le fait d'investir est un acte de foi», a déclaré Manmohan Singh, le Premier ministre indien. Le peuple et le gouvernement indien ont suffisamment foi dans les peuples, sociétés et gouvernements africains. Quelles que soient les difficultés temporaires qu'ils peuvent rencontrer, ils ont la volonté, les ressources et les capacités de les dépasser.»

L'Inde a donc confiance dans le continent africain. Confiance dans le développement. Mais surtout confiance dans les ressources africaines. Et pour cause: le commerce entre l'Inde et le continent africain représente 31 milliards de dollars pour l'année 2009-2010.

L'Inde au service du développement

L'Inde a eu tôt une diplomatie africaine. Surfant sur la vague des indépendances, du passé colonial commun et de la lutte pour la libération, elle s'est très vite rapprochée du continent noir. Elle est un pays leader du Plan d'action pour la coopération technique entre pays en développement (CTPD), issu de la conférence de l'ONU à Buenos Aires en 1978. Elle a dépensé plus de 200 millions de dollars dans le Nouveau partenariat pour le développement africain (Nepad). Depuis les années 2000, l'Inde soutient des secteurs clés comme les nouvelles technologies et la santé.

Ses groupes privés sont sur le créneau depuis longtemps. Tata, présent sur le continent africain depuis les années 1960, a investi près d'un milliard de dollars dans les télécoms et l'automobile au Kenya, en Zambie,  ou encore en Afrique du Sud.

D'autres firmes se sont donné une implication urbaine et développent les infrastructures. Kalinda Rail, le constructeur des métros de New Delhi, va rénover les chemins de fer du Ghana. Côté santé, le laboratoire pharmaceutique Ciplan distribue ses génériques en Ouganda, au Cameroun, au Togo et ailleurs.

Le secteur privé indien a investi près de 16 milliards de dollars en Afrique depuis 2005. Il a acquis 80 sociétés dans différents secteurs. Les entrepreneurs visent des investissements à long terme. Ils misent sur un continent d'un milliard d'habitants, au profil de consommation similaire à celui de l'Inde. Les classes moyennes africaines se développent. D'ici 2020, les consommateurs africains solvables devraient être 132 millions et dépenser près de 584 milliards de dollars.

Les groupes indiens tentent donc de se positionner et de concurrencer la Chine sur le continent africain. Leur démarche est différente: en plus des capitaux, ils apportent leur savoir-faire et entendent produire localement, pour créer des emploi sur place. A la différence des entreprises chinoises, les Indiens s'implantent souvent en partenariat avec des entreprises africaines.

Stabiliser ses ressources pour assurer sa croissance

Pourtant, sous les couleurs du développement, la balance des échanges commerciaux entre l'Afrique et l'Inde est clairement déséquilibrée. L'Inde exporte en Afrique des produits manufacturés comme les voitures, les produits de beauté (en Egypte, un produit sur six de cette catégorie est indien), ou d'autres produits de consommation rapide —quand l'Afrique troque ses hydrocarbures, ses terres et ses matières premières.

Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, président de Guinée équatoriale et président de l'Union africaine (depuis février 2011 jusqu’en janvier 2012), voit cette situation comme une aubaine pour rompre la dépendance des Etats africains vis-à-vis des pays développés:

«Les difficultés économiques, d'éducation, de santé, de transformation des matières premières... Tout cela nécessite le recours à la coopération, parce qu'au final, l'Afrique ne peut pas se considérer complètement libre car elle ne possède pas de pouvoir économique; elle ne possède pas de technologie qui pourrait faciliter son destin» a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à l’issue du sommet.

L'Inde doit soutenir une croissance de 8%. Pour cela, il faut impérativement qu'elle assure ses ressources en matières premières. Elle ne peut donc plus se contenter des investissements privés mais doit à l'instar du géant chinois commencer à se positionner grâce à des investissements massifs dans de grands projets —construction de routes, de raffineries, d'aéroports, contre du pétrole et des minerais. Voilà l'équation. L'Inde a donc mis en place pour la première fois un fonds souverain destiné à financer les acquisitions de la société publique Oil and Natural Gas Corporation (ONGC) à l'étranger.

Des entreprises privées indiennes ont mis la main sur des terres arables au Kenya, en Ethiopie, ou encore à Madagascar. Elles y produisent intensément du riz, du maïs, de la canne à sucre et des légumes pour le marché indien. Et tant pis pour l'environnement. Tant pis aussi pour les populations vivant sur ces terres, qui se retrouvent dépouillées. Tant pis encore pour ces pays qui souffrent de malnutrition chronique.

Gaëlle Laleix

Gaëlle Laleix

Gaëlle Laleix. Journaliste française. Spécialiste de l'Afrique. Installée à Addis Abeba.

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