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Affaire DSK: délits de copinage
Vue d'Alger, la subjectivité avec laquelle le monde politico-médiatique français a pu défendre DSK est choquante. A se demander si la justice américaine n'est pas un meilleur modèle.
La justice algérienne est loin d'être un bon exemple. Calquée en théorie sur le modèle français du fait de l'influence de la colonisation, elle a trouvé son propre fonctionnement avec le temps; bras vengeur d'une autocratie, autant sous la coupe de l'exécutif civil que celle des services de renseignements militaires, le DRS.
Empêtrée dans une molle tentative de réforme de la justice qui n'aboutira certainement pas avant longtemps, Alger se demande à juste titre quel est le bon modèle pour elle. La justice française, avec ses zones d'ombre, ses juges non élus, ses accointances politiques; ou la justice américaine, qui coûte si cher mais dont les juges, élus, traitent tout le monde de la même manière?
Depuis l'affaire Dominique Strauss-Kahn (DSK), le débat est tranché —du moins pour la population et les observateurs. Vue d'Alger, cette histoire aura révélé le fonctionnement d'une France du copinage politico-médiatique, une France tribale qui défend les siens sans réfléchir, corporatiste, voire ethnico-religieuse; une France en tous les cas presque féodale, où le délit est moins important que la personne qui le commet.
Bernard-Henri Lévy, philosophe plus à l'aise avec les médias qu'avec les concepts, l'a clairement expliqué, «DSK n'est pas un justiciable comme les autres». Le même philosophe qui avait défendu Roman Polanski dans une autre scabreuse affaire d’agression sexuelle. Le cinéaste s'était lui enfui des Etats-Unis, et, à New York, le procureur a réussi à faire refuser au patron du FMI sa première demande de libération sous caution, en citant justement l'affaire Polanski. C’est, sans jeu de mots déplacé, le serpent qui se mord la queue.
La France de l'accointement
Avant même l’issue du procès de Strauss-Kahn, plusieurs personnalités politico-médiatiques se sont exprimées sur cette affaire, à travers des déclarations dénuées tout autant d'objectivité que d'intelligence.
De l'attendrissante Michèle Sabban (vice-présidente du Conseil régional d'Ile-de-France) et «la fragilité de DSK» que l'on doit, selon elle, prendre en compte pour pardonner ses pulsions sexuelles; du tolérant Jack Lang (député du Pas-de-Calais) qui minimise tout par un «il n'y a pas mort d'homme», pour condamner la non libération sous caution de DSK, ou du choquant journaliste Jean-François Kahn, qui évoque un «troussage de domestique», jusqu'à l'outrageant Jean-Pierre Chevènement (sénateur du territoire de Belfort), qualifiant l'affaire DSK d'une «nouvelle affaire Dreyfus», instrumentalisant ainsi la judaïté de DSK, le coupable présumé est devenu, en France, la victime confirmée.
Ailleurs, la réaction à ces sorties oscille entre une profonde déception et un sentiment de colère contre la France de l'accointance et de l'injustice, y compris de la part des médias américains qui n'auront pas manqué de soulever le honteux parti pris de l’Hexagone dans l’affaire. A Alger on a donc choisi... et applaudi la justice américaine, mobilisée pour une Guinéenne, femme de chambre et détentrice d'un permis de travail temporaire.
En France, les déclarations de l'establishment politico-médiatique auront au moins servi à ça: selon un sondage diffusé le 18 mai 2011 par le quotidien 20 Minutes, BFMTV et la radio RMC, 57% des Français pensent que le patron du Fonds monétaire international est victime d’un complot. La légèreté avec laquelle les hommes politiques, philosophes médiatiques ou journalistes affiliés à la gauche caviar jouent avec les principes de justice et d'égalité aura faussé l'appréciation des Français.
DSK était connu pour ses tentations, en France et ailleurs. En France d'ailleurs, et peut-être partout en dehors des Etats-Unis, il n'aurait probablement jamais été jugé —encore moins incarcéré pendant quatre jours. A travers cette affaire, la France se révèle. On attend la vérité sur ce qu'il s'est réellement passé dans la suite 2806 du Sofitel de Times Square, un numéro présenté par les théoriciens du complot comme un message, le 28 juin étant la date d’ouverture du dépôt des candidatures aux primaires socialistes françaises. Que DSK devait gagner.
Chawki Amari
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