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Des hooligans en tête des manifestations égyptiennes
Interrogé par Al Jazeera, Alaa Abd El Fattah, un blogueur égyptien réfugié à Johannesburg, apporte un éclairage particulier sur les manifestations contre Hosni Moubarak. Il observe notamment que la foule qui occupe les rues du Caire depuis lundi 24 janvier n'est pas composée uniquement de mouvements d'opposition au régime, mais aussi d'«ultras» —membres d'associations de fans de clubs de football.
Parmi les manifestants qui ne respectent pas le couvre-feu ou qui se sont opposés aux forces de l'ordre, une frange appartient à ces supporters de foot habitués des affrontements avec la police. Au sujet de ce groupe de population ignoré par les médias, Abd El Fattah déclare, non sans humour:
«Sur le terrain les ultras ont joué une rôle beaucoup plus important que n'importe quel groupe politique pour le moment. Peut-être même qu'on devrait leur proposer un poste au gouvernement.»
Les fans de l'équipe locale de Al Ahly sont plus particulièrement concernés. Historiquement, le club du Caire a été fondé en 1907 d'abord pour permettre aux leaders des syndicats d'étudiants égyptiens de se réunir et lutter contre l'occupation britannique. Dans le combat contre la colonisation, Al Ahly servait de lieu rencontre et d'épicentre aux opposants. Le club à la fois modeste et populaire a alimenté sa légende au fil des matchs contre les rivaux du Zamalek.
Les «Diables rouges», le surnom du club d'Al Ahly, peuvent encore compter aujourd'hui sur leur star (vieillissante) Mohamed Aboutrika. Cette équipe joue ses matchs dans le Stade International du Caire, parfois devant plus de 70.000 spectateurs.
Selon James M. Dorsey, expert du foot au Moyen-Orient, les supporters de Al Ahly sont réputés pour être plutôt des durs. Il explique que le mouvement ultra établit en 2007 s'est construit sur le modèle des supporters autonomes italiens. Ils ont prouvé leur efficacité lors d'affrontement avec la police égyptienne qui continue d'accuser ces groupes de cacher dans leurs rangs des criminels et des terroristes.
Dorsey évoque leurs comportements:
«Ils n'hésitent pas à forcer les barrages policiers les jours de match. Ce qui les rend certainement plus qualifié que la moyenne lors des combats de rue évoqués ces derniers jours dans les rues des villes égyptiennes. Les fans de foot constituent un pilier bien organisé dans la base de cette coalition.»
Le groupe des ultras de Al Ahly ont déclaré l'année dernière qu'ils n'étaient pas un mouvement politisé, mais que les membres pouvaient avoir leur propre opinion. «Nous faisons ce que nous avons à faire quand nous jugeons les lois et les régulations injustes. Mais vous ne changez rien en Egypte en parlant de politique.»
Pourtant, l'implication des organisation de fans de football dans les mouvements anti-gouvernementaux est une des hantises de certains régimes. Le stade offre généralement un espace de liberté —plutôt rare dans la région— capable de se faire le relais de toutes sortes de revendications.
Alors que les protestations anti-gouvernementales et le couvre-feu ont reporté les rencontres de championnat égyptien initialement prévues le week-end du 29 janvier, les membres des groupes ultras ont pu revoir leur priorité, dirigeant leurs actions contre Moubarak et non plus contre le club adverse.
Lu sur Gawker