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La bataille des droits des homosexuels

Sur le continent noir, les homosexuels sont le plus souvent obligés de se cacher. La tolérance à leur égard est encore très limitée. Même le législateur les condamne avec sévérité.

OUGANDA

Si l'homosexualité est déjà un crime en Ouganda, le projet de loi présenté au Parlement l'année dernière ne risque pas de faciliter les choses. Le but de cette «loi anti-homosexualité»: légiférer de nouvelles infractions criminelles et renforcer les condamnations pour celles qui existent déjà. «Homosexualité aggravée», par exemple, un délit «fourre-tout» qui va de détournement de mineur à «perpétrateur (d'actes homosexuels) en série» deviendrait passible de mort.

Les homosexuels hommes séropositifs pourraient également être exécutés. Les groupes de défense des droits de l'homme ont condamné cette législation, qui devrait être examinée à l'Assemblée ougandaise au début de l'année prochaine. Mais que la loi passe ou non, les groupes anti-gays ne comptent pas sur le gouvernement pour persécuter tous les homosexuels. Un tabloïd local a publié plus tôt cette année une liste d'homosexuels présumés et appelé ses lecteurs à «les pendre», rapporte NPR. Quatre des hommes présents sur cette liste ont été agressés peu de temps après. [Mise à jour: David Kato, qui figurait sur cette liste, a été tué à son domicile mercredi 26 janvier.]

Un des aspects les plus dérangeants de cette vague d'homophobie qui balaie l'Ouganda, c'est que de nombreux analystes sont convaincus qu'elle tire ses origines des guerres de culture menées par les Etats-Unis. Les missionnaires chrétiens venus en masse évangéliser l'Afrique de l'Est ont souvent importé leurs opinions bien arrêtées sur l'homosexualité, qui semblent avoir pris. Le parrain du projet de loi «anti-homosexualité» est un membre de «The Family» (La Famille), une organisation fondamentaliste chrétienne politico-religieuse qui entretient des liens avec les membres puissants du mouvement évangélique américain.

NIGERIA

Dans un pays où les Chrétiens sont aussi nombreux que les Musulmans, tous les chefs religieux nigérians semblent s'accorder sur la persécution des homosexuels. La loi fédérale prévoit une peine de 14 ans pour la pratique de la sodomie, et l'homosexualité est passible de mort dans les 12 états qui appliquent la loi islamique. L’un des exemples les plus dramatiques ce sont ces 18 jeunes hommes de la ville de Bauchi, au nord du pays, arrêtés pour s'être prétendument travestis en 2007, puis accusés plus tard de sodomie —un crime qui, dans les cours de justice islamiques au nord du Nigeria est passible de lapidation à mort. (Heureusement, ils furent libérés sous la pression internationale.)

Malgré l'accord tacite entre les différentes religions pratiquées dans le pays, l'église anglicane s'est montrée particulièrement virulente à l'encontre de l'homosexualité. Quand l'église épiscopale s'est divisée en deux lorsqu'il a été question d'autoriser ou non les prêtres ouvertement homosexuels, c'est vers Peter Akinola, l'archevêque du Nigeria, que les conservateurs se sont tournés pour guider leur secte dissidente. Comme l'écrit Akinola:

«L'homosexualité est un signe flagrant de désobéissance envers Dieu, et qui permet aux gens de pervertir l'ordre divin de l'expression sexuelle, qui doit avoir lieu le sexe opposé. De cette manière, les homosexuels ont raté le coche; ils se sont montrés comme des intrus aux lois divines.»

Le gouvernement nigérian est plus qu'heureux de défendre ce genre de point de vue qui reste aujourd'hui très répandu. En 2006, l'ambassadeur du Niger aux Nations unies a déclaré lors d'un discours au Conseil des droits de l'homme de l'ONU:

«L'idée que les exécutions pour des délits telles que l'homosexualité et le lesbianisme sont excessives relève davantage du jugement que de l'objectivité. Ce qui peut paraître aux yeux de certains comme une peine disproportionnée pour des délits aussi grave et une conduite aussi infâme pourra être perçue par d'autres comme une punition juste et appropriée.»

SENEGAL

Si Dakar était autrefois considérée comme la capitale gay d'Afrique, l'homophobie qui semble embraser le continent ne s'est pas arrêtée aux portes de la capitale sénégalaise. Violence mafieuse, brutalité policière, et même le lynchage des homosexuels sont monnaie courante au Sénégal, affirme Human Rights Watch. Exemple particulièrement macabre, au mois d'avril le corps d'un homosexuel a été exhumé et profané par une foule en colère —trois autres drames similaires sont survenus au cours des deux dernières années. En plus de la discrimination et de la violence dans la rue, la loi du pays interdit l'homosexualité. Même la publication de photos de mariages gay peut entraîner l'arrestation dans ce pays majoritairement musulman.

Un activiste sénégalais qui défend les droits des homosexuels a déclaré à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que la situation dans son pays empirait et que de nombreux Sénégalais fuiaient désormais vers les pays voisins. Des organisations internationales pour les droits de l'homme ont vivement critiqué Dakar, accusé de ne pas assez protéger les minorités sexuelles. Mais il ne semble pas y avoir de progrès à l'horizon

CAMEROUN

Ces quarante dernières années, le code pénal du Cameroun prévoyait des peines allant jusqu'à 5 ans d'emprisonnement pour toute personne surprise en train de se livrer à des actes sexuels avec une personne de même sexe. Mais l'hystérie anti-homosexuelle a franchi une nouvelle étape en 2005, lorsqu'un archevêque local a prononcé un discours incendiaire accusant la communauté LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) du Cameroun d'être responsable du chômage et de la corruption dans le pays. Ces accusations ont vu exploser la rhétorique anti-gays, et des tabloïds ont publié les noms d'homosexuels présumés, y compris des membres du gouvernement. Aujourd'hui, les «actes homosexuels» sont punis par la loi, passibles d'une peine de prison allant jusqu'à trois ans.

L'été dernier, un homosexuel camerounais a demandé l'asile en Grande-Bretagne, craignant d'être persécuté dans son pays. Certains activistes tentent de tenir tête à la loi en exposant l'homosexualité au grand jour, éliminant ainsi la stigmatisation qui lui est associée, tandis que des avocats contestent les lois anti-homosexuels dans les tribunaux. Mais on dirait que tous ces activistes ont encore beaucoup de chemin à parcourir.

Max Strasser (Foreign Policy)

Traduit par Nora Bouazzouni

Max Strasser

Journaliste américain à Foreign Policy

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