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Des milices au chevet de la justice
Deux hommes accusés de vol ont été roués de coups, lynchés en public et pendus à une poutre dans une ville du delta du Nil.
L’Etat égyptien est mort. C’est le diagnostic du ministre de la justice Ahmed Mekky après le lynchage de deux hommes accusés d’avoir volé un touk touk. Battus à mort, lynchés en public, leurs corps ensanglantés et dénudés ont été pendus à une poutre dans une ville de la province de Gharbiya. Les macabres images de leurs corps suspendus par les pieds et entourés d’une foule peuvent choquer.
Cette scène rappelle les applications orthodoxes de la loi islamique (sharia) dans certains pays du golfe comme en Arabie Saoudite où des châtiments corporels sont prévus pour les auteurs de vols ou de crimes.
Des châtiments que certains députés islamistes aimeraient voir appliquer en Egypte. En avril 2012, un député salafiste proposait lors d’une séance à l’assemblée l’application du châtiment de la « haraba » aux bandits et baltaguis qui commettent des actes de violence, de vol ou des crimes de meurtre. Le député Adel Al-Azazi, membre du parti salafiste Al-Nour, avait présenté un projet de loi qui prévoyait de couper la main droite et le pied gauche à toute personne ayant commis ce genre de crimes.
Où est l'Etat?
Les deux hommes suspendus à une poutre à Samanoud. RASSD.com
Selon le quotidien gouvernemental égyptien al-Ahram, si les lynchages meurtriers demeurent un phénomène rare en Egypte, des citoyens égyptiens s’enhardissent à former des groupes d’auto-défense pour pallier au vide sécuritaire. Plane un autre soupçon: la création de milices islamistes fidèles au régime en place, contrairement aux policiers vivement critiqués pour leur gestion des manifestations à Port-Saïd. Le porte-parole des Frères musulmans de Gharbiya les accuse ouvertement de favoriser un effondrement de la sécurité afin d’ouvrir la voie aux tenants de l’ancien régime. Une accusation qui n’est pas nouvelle.
Des questions demeurent sans réponse. Comment les habitants ont pu commettre de tels actes sans que les forces de sécurité n’interviennent? Pourquoi personne ne s’est opposée à la mise à mort? Comment être rassurée dans un pays où le procureur général appelle les citoyens à jouer aux apprentis policiers? Ce lynchage public n’est autre que le signe d’un délitement de l’appareil sécuritaire égyptien et plus largement de tous les services de l'Etat. «Le gouvernement qui permet que cela se produise est un gouvernement injuste, car il n’offre pas une protection adéquate aux citoyens», a déclaré le ministre de la justice.
Nadéra Bouazza