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François Bozizé à Bruxelles, le 25 octobre 2007. REUTERS/Francois Lenoir
François Bozizé à Bruxelles, le 25 octobre 2007. REUTERS/Francois Lenoir

Centrafrique: la rébellion du Séléka menace Bangui

Rien ne semble arrêter la coalition de rebelles centrafricains, désormais aux portes de la capitale Bangui.

«Nous demandons à nos cousins français et aux Etats-Unis d'Amérique qui sont des grandes puissances, de nous aider à faire reculer les rebelles à leur base initiale» rapporte l'AFP. L'appel du président centrafricain François Bozizé à la France et aux Etats-Unis lancé publiquement le 27 décembre en dit long sur la détresse de Bangui. 

La coalition rebelle du Séléka, partie du nord de la République centrafricaine, se trouve désormais aux portes de la capitale Bangui, au sud du pays. Sa fulgurante progression depuis le 10 décembre n’a pas échappé à la presse internationale, qui commente et analyse cette situation explosive.

Des rebelles à l’appétit croissant

Le Séléka (qui signifie «alliance» en langue sango), coalition de différents groupes rebelles centrafricains, met désormais en péril le pouvoir central de l’actuel président de la République centrafricaine François Bozizé.

Née du regroupement de l'Union des Forces Démocratiques pour le Rassemblement (UFDR), de la Convention Patriotique pour le Salut wa Kodro (CPSK) et de la Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix (CPJP), la coalition rebelle du Séléka a «officialisé (son) alliance politico-militaire dans un communiqué» le 17 décembre a expliqué le site du Journal de Bangui.

Dans une interview donnée au site Afrikarabia et reprise par le Journal de Bangui, Jean-Paul Bagaza, porte-parole de la coalition du Séléka en France, a précisé le 20 décembre les revendications de la rébellion.

«Nous souhaitons simplement que le président Bozizé respecte les accords signés à Libreville (Gabon) en 2007. Il y avait deux points essentiels: le désarmement et l'insertion dans l'armée centrafricaine de tous les anciens belligérants» avait expliqué le porte-parole des rebelles.

Ces revendications insatisfaites ont poussé les rebelles à poursuivre leur conquête du territoire et à radicaliser encore leurs positions.

«Nous souhaitons maintenant insérer dans cette négociation de nouveaux éléments, comme l'instauration de la démocratie, le respect des droits de l'homme ainsi que le respect de notre constitution» a ainsi déclaré le porte-parole de la rébellion en France le 20 décembre.

Pour le chercheur Roland Marchal interrogé par le Figaro, «les objectifs de Séléka ne sont pas très clairs. C'est une coalition de groupes hétéroclites aux revendications très différentes. Mais leur avancée rapide et le comportement convenable de ses hommes dans les territoires conquis montrent qu'il y a une vraie chaîne de commandement - et donc sans doute une stratégie

Car à la faveur des victoires rapides de la rébellion, gagnant jour après jour du terrain sans rencontrer de réelle opposition militaire de la part des forces gouvernementales, les objectifs de la coalition semblent s’être affirmés de plus en plus ambitieux.

Une progression très rapide

Depuis le 10 décembre, date à laquelle la coalition rebelle du Séléka a pris la ville emblématique de Ndélé, dans le nord du pays, les victoires se sont multipliées et ont permis aux rebelles de descendre jusqu’aux portes de la capitale Bangui dans le sud du pays en 15 jours.

«À Bria, à Bambari, puis mardi (25 décembre) à Kaga Bandoro (dans le centre du pays), des cités riches en or ou en diamants, le scénario fut chaque fois le même. À l'arrivée des rebelles, les Forces armées centrafricaines (Faca) se repliaient sans combattre» commente le Figaro.

Il faut dire que les forces gouvernementales centrafricaines, fidèles au président François Bozizé, ont la réputation d’être «sous-payées, mal organisées et sous-équipées» expliquait le site Afriscoop le 18 décembre.

Une situation que les autorités centrafricaines ont essayé de dissimuler un temps, en affirmant que les troupes gouvernementales «ainsi que les forces amies (avaient) promptement réagi pour reprendre dans les délais raisonnables le contrôle de la situation et rétablir l'ordre et la quiétude des citoyens», selon le porte-parole du ministère de la défense, le lieutenant-colonel Jean Ladawa cité par le blog du Réseau de recherche sur les opérations de paix.

Le site Afrikarabia pose pourtant la question: «Qui peut arrêter l'avancée des rebelles ?». Selon ce dernier, la progression du Séléka a forcé le président centrafricain François Bozizé à envisager des négociations avec la coalition.

Son ministre de l’Administration du territoire Josué Binoua, déclare ainsi le 26 décembre à RFI: «le gouvernement est prêt, non seulement à signer un cessez-le-feu, mais à aller dialoguer avec les rebelles, avec l’opposition, pour l’avenir de notre pays», et a même laissé entendre qu’il ne s’opposerait pas à la mise en place d’un régime de transition.

François Bozizé avait pourtant appelé en renfort l’armée tchadienne, dépêchée en République centrafricaine dès le 18 décembre, pour sécuriser le pays et stopper l’avancée des rebelles. Une tentative infructueuse, étant donné la progression fulgurante des forces du Séléka à travers le pays.

Bangui dans l’objectif des rebelles

Le Séléka serait donc désormais aux portes de Bangui. La chute de la capitale centrafricaine ne pourrait être qu’une question d’heures.

«D'après un responsable militaire et un travailleur humanitaire, les rebelles étaient en fin d'après-midi (le 26 décembre ndlr) autour de Damara, à 75 km au nord de la capitale, après avoir contourné Sibut, où quelque 150 soldats tchadiens s'étaient déployés pour bloquer leur progression vers le sud» indique ainsi l’agence de presse Reuters.

Même constat pour le site togolais Afriscoop, qui considère désormais que «les renforts tchadiens qui campent aux portes de Bangui à l’appel du président centrafricain semblent être le dernier rempart contre une avancée des insurgés vers la capitale».

Sur Twitter, le journaliste Christophe Rigaud d’Afrikarabia pense savoir que la rébellion se trouverait à seulement 30 km de Bangui.

Le Figaro rappelle pourtant que le Séléka avait prévenu qu’il ne comptait pas mener de bataille à Bangui, afin d’épargner les souffrances des populations dans un combat inutile.

«Par mesure de sécurité et de protection des populations civiles, nous ne considérons plus nécessaire de mener la bataille de Bangui et d’y faire entrer nos troupes, car le général François Bozizé (...) a déjà perdu le contrôle du pays» ont indiqué les forces rebelles à l’AFP le 26 décembre.

Cette déclaration ne semble toutefois pas endiguer le sentiment d’insécurité extrêmement présent dans la capitale centrafricaine. Une véritable «psychose» pour RFI, contraignant les populations à constituer des réserves et à éviter de trop circuler en ville depuis plusieurs jours.

La BBC confirme d’ailleurs l’inquiétude des habitants de Bangui : il règne «une ambiance de profonde anxiété dans la capitale de la République centrafricaine».

La communauté internationale prise de vitesse

La progression du Séléka semble avoir été trop rapide pour que la communauté internationale ne puisse réagir assez vite.

Le 26 décembre, l’ambassade de France à Bangui était prise à parti par des manifestants se revendiquant «patriotes», rappelle le site de France Info. Ces derniers demandent d’urgence une intervention de la France pour soutenir le gouvernement actuel de François Bozizé.

Si l’ambassadeur de France Serge Mucetti a déclaré qu’il s’agissait principalement d’un «groupe d’éléments incontrôlés qui profitent de la situation», leprésident François Hollande lui-même a préféré intervenir en déclarant que la France ne protègerait pas le régime de Bozizé.

La BBC indique quant à elle que la Fomac (Force multinationale d'Afrique centrale) devrait envoyer des renforts à ses quelques 500 hommes déjà présents en Centrafrique, et que les Nations Unies ont, pour leur part, décidé à l’instar des Etats-Unis de retirer tous leurs employés «jugés non indispensables».


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Ambroise Védrines

Lu sur Afrikarabia, RFI, Afriscoop, Le Journal de Bangui, BBC, Réseau de recherche sur les opérations de paix, le Figaro, Reuters, AFP, France Info

 

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Ambroise Védrines

Ambroise Védrines est journaliste à SlateAfrique et rédacteur du blog Le Maligraphe.

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