
Mathieu Galtier, journaliste français installé au Sud Soudan.
Rouleaux de peinture aux manches démesurés, tuyauteries en tout genre ou encore marteaux piqueurs, une partie de l’autoroute qui mène du centre-ville aux quartiers huppés de l’ouest ressemble à une quincaillerie à ciel ouvert. Il s’agit, en fait, d’une foire aux journaliers clandestins. Chaque matin, une centaine de travailleurs, presque tous originaires de l’Afrique subsaharienne, s’installent avec leur outil de travail en guise de panneaux publicitaires.
«This is Tripoli FM» («Vous écoutez Tripoli FM!»). Au programme: de la musique, des bagnoles, des fringues, du sport et des bulletins d’information. Le tout exclusivement en anglais. Le ton Tripoli FM tranche singulièrement avec les autres stations de radio libyenne, où la récitation du Coran fait œuvre de colonne vertébrale à leur programmation.
Le général Hussein Abdullah énumère avec satisfaction ses réussites: «La sécurité est bonne, l’électricité et l’eau sont revenus à 80%, les écoles rouvriront prochainement, l’hôpital a été réapprovisionné en médicaments et en équipements et les routes sont de nouveaux ouvertes.» Dans son bureau situé dans l’aéroport de Bani Walid, le chef du conseil militaire temporaire de la ville, n’attend plus qu’une chose: la quille.
Si près et pourtant si fantasmée. Bani Walid n’est qu’à 170 kilomètres au sud-est de Tripoli. Peuplé d’à peine 80.000 habitants, l’un des derniers bastions kadhafistes à être tombé durant la révolution fait peur. Pour les Tripolitains, Bani Walid est une ville où le drapeau vert de Kadhafi et le drapeau d’al-Qaida sont les seuls étendards autorisés.
Syrte est une ville «sans»: sans usine, sans unité politique, sans immeuble indemne ou presque, sans habitant dans les rues après 22 heures, depuis le couvre-feu du 12 octobre, sans considération de la part des autres villes de Libye, sans slogan à la gloire de la révolution du 17 février.
Les Soudanais originaires des monts Nouba exilés à Tripoli, la capitale libyenne, vivent dans la peur et la clandestinité.
La scène est quasi-irréelle. Le décor d’abord: minuit passé (ramadan oblige), la lune éclaire un terrain vague qui fut autrefois un stade sous la protection de la tour Daewoo, construite face à la Méditerranée. Les acteurs ensuite: une vingtaine de jeunes Tripolitains boxent dans le vide, dans les gradins, Mahmoud Abouchekioua, 60 ans, ne perd rien des gestes de ses protégés pendant qu’il parle:
Vendredi 3 août 2012, à 10h40 (heure GMT), Hala Gezah devrait être la plus heureuse des athlètes libyennes. Elle pourrait être sur la piste du Stade olympique de Londres, à attendre le coup de feu qui donnera le départ des qualifications de l’épreuve du 100 mètres plat. Elle pourrait épier avec envie le couloir voisin, occupé, qui sait, par une star comme Veronica Campbell.
Mise à jour du 18 juillet: Les libéraux ont remporté une quarantaine de sièges sur les 80 que compte la nouvelle assemblée nationale. Les islamistes, eux, n’auraient capté que 17 sièges, selon les résultats annoncés par la Commission électorale le 17 juillet. Les libéraux sont menés par l'ancien Premier ministre du Conseil national de transition (CNT, au pouvoir), Mahmoud Jibril.
Au soleil couchant, Moustapha déguste son thé au pas sa porte. Scène on ne peut plus banale de la vie tripolitaine. Sauf que. Sauf que Mustapha est assis sur un micro-onde et que sa maison ne se révèle être qu’un simple poste de garde avec des meurtrières horizontales en guise de fenêtre.
Veste en jean, malgré les 30 degrés, cheveux grisonnants tombant aux épaules et barbe hirsute, Ali El Wakwak, 65 ans, rappelle davantage un rockeur européen des années 80 sur le retour que l’«artiste officiel» de la révolution libyenne. Et pourtant! Le 15 septembre 2011, David Cameron, Nicolas Sarkozy ou encore Bernard-Henri Lévy sont venus admirer ses sculptures, dans sa ville natale, là où la rébellion a commencé: Benghazi.
Mise à jour du 6 janvier: Les journalistes Mathieu Galtier et Maryline Dumas affirment avoir été expulsés du Soudan par les autorités, rapporte l’AFP. La raison officielle est que leur visa a expiré. Mais les journalistes estiment qu'ils n'ont pas été autorisés à rester dans le pays en raison de leur couverture la semaine précédente d'une manifestation à l'université de Khartoum, et pour un article sur les tensions dans l'Etat de Kassala (est).***
Mise à jour du 6 janvier 2012: Plus de 3 000 personnes ont été tuées dans des violences interethniques la semaine dernière au Soudan du Sud, selon un responsable local. Un bilan qui en ferait les pires tueries de l'histoire de ce jeune Etat fragilisé par les rivalités tribales.***
«Par le passé, nous avons déjà renversé deux fois les gouvernements en place: en 1964 et en 1985. Alors, pourquoi pas une troisième fois?», ce refrain tourne en boucle dans la bouche des Soudanais. Seulement, près d’un an après la révolution tunisienne, le «Printemps arabe» n’a pas toujours pas atteint l’ancien plus vaste pays d’Afrique. Le président Omar el-Béchir ne manque pourtant pas d’opposants.
Dans le jargon militaire, on les qualifierait de «dommages collatéraux». Eux se voient davantage comme les premières victimes de la sacro-sainte «raison d’Etat» d’un Sud-Soudan qui vient tout juste de naître.
Mise à jour du 15 juillet 2011: Le 14 juillet 2011, le Soudan du Sud est officiellement devenu le 193e Etat membre des Nations unies.***
Mise à jour du 12 décembre: De violents affrontements ont opposé l'armée soudanaise à d'anciens rebelles sudistes dans une localité du Kordofan-Sud, faisant au moins 19 morts, a annoncé un responsable des rebelles.***
Ce sont des «sans territoire fixe». Alors que le Soudan se divisera en deux Etats le 9 juillet 2011, des centaines de milliers de Soudanais originaires du Sud mais vivant au Nord depuis des années, ne savent toujours pas lequel de ces deux pays sera le leur. Seule certitude: aucun des deux futurs Etats ne se presse pour les reconnaître.
Le geste est précis. La force de l’habitude. La vieille dame aborde chaque khawaja (étranger blanc, en arabe) en mimant une signature sur un bout de papier invisible. Ce n’est en rien une lubie, mais un acte délibéré de fraude ou de survie.
Mickaël se saisit de la radio: «Ici voiture 127. Départ pour Agok. Six personnes dans le véhicule. Over.» La Toyota aux couleurs de l’Organisation internationale sur les migrations (OIM) s’élance. Une cinquantaine de kilomètres et deux heures plus tard: Agok.
Scène 1. Intérieur d’un bureau. Ian Clarke, jambes croisées, vêtu d’une chemise sans le moindre faux pli rentrée dans un pantalon gris, moustache grisonnante parfaitement entretenue, est confortablement installé sur sa chaise. Le Muzungu («homme blanc», en Swahili), originaire d’Irlande du Nord et ougandais depuis trois ans, écoute attentivement son interlocuteur tout en se servant un café. Avec du lait.
Au grand soir chimérique, les opposants ougandais préfèrent les petites journées de contestation. Rien de flamboyant mais des actions ciblées comme autant de piqûres de moustiques dans la cuirasse politique du président Yoweri Museveni, en place depuis 1989.
Yoweri Museveni a été réélu officiellement le 27 février président de l’Ouganda, avec plus de 68% des voix. Un scrutin contesté mais avalisé par la commission électorale.Cependant, les oppositions —dans un contexte de révolution des pays arabes africains et d’exaspération d’une frange de la population— semblent résolues à démettre Museveni. Contrairement à ce qui s’était passé lors des précédents scrutins en 2001 et 2006.
Qu’est-ce qui peut pousser des milliers de Sud-Soudanais à danser à Juba, la capitale de la région, sous le soleil de midi et alors que le mercure frôle les 40 degrés? L’annonce de l’indépendance de leur pays.