
Tiburce Koffi. Journaliste et écrivain ivoirien. Il a notamment publié Côte d'ivoire, l'agonie du jardin. Du grand rêve au désastre...
On l’appelait IB, diminutif de Ibrahim. Un ex-sergent chef des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci). Un sergent, on le sait, ça ne représente pas grand-chose dans la hiérarchie militaire. Ils sont donc comme cela, des milliers de sergents des Fanci, comme de partout ailleurs, anonymes, sans poids ni mesure. Et sans doute que l’histoire d’Ibrahim Coulibaly se serait déroulée dans la sobriété et la discrétion des gens aux noms sans signification particulière ni connotation. Mais voilà, la politique en a décidé autrement.
Nous ne finirons pas de redire les événements qui viennent de se dérouler en Côte d’Ivoire; événements dont l’arrestation de Laurent Gbagbo, l’ex-chef d’Etat, constitue, assurément, le point nodal ainsi qu’une étape décisive dans la résolution des antagonismes qui ont conduit ce pays à la guerre.
Lundi 11 avril. Sur le point d’entamer une séance de travail, je reçois un coup de fil m’annonçant la capture de Laurent Gbagbo. «Encore une nouvelle fausse qui va inutilement nous mettre dans l’euphorie, comme ce fut le cas la semaine dernière», ai-je dit aux autres. Presque au même moment, tous les portables sont comme secoués d’appels frénétiques. Un réflexe: mettre la télé en marche.
Grosso modo, les réactions des intellectuels du continent africain sur la crise ivoirienne peuvent être regroupées en deux tendances: l’une en faveur du président Alassane Ouattara; l’autre en faveur de Laurent Gbagbo, président déchu par la voix des urnes et qui a refusé jusqu'au bout de céder le pouvoir, s’y agrippant comme le ferait une chauve-souris, à la branche d’un arbre. C’est cette dernière tendance qui intéresse le plus. Un fait étrange: elle est tenue par des intellectuels de renom et (précision de taille) non ivoiriens —ce n’est là ni un délit, ni une tare.
Voilà bientôt deux semaines qu’il est enfermé dans un bunker. C’est, du moins, ce que dit la presse et même des voix officielles ―de l’Elysée notamment. Une seule certitude: il est caché, quelque part, dans un lieu fortement protégé, hors d’atteinte de l’ennemi. Les lieux sont loin d’être vastes, mais il faut s’y faire.
Un ciel noir, dévoré par d’épais nuages de fumée. Des grondements sourds et terrifiants. Le feu dans le ciel crevé d’Abidjan. Des foules en fuite, apeurées et désespérées. Des macchabées sur les pavés de la capitale économique ivoirienne. Les organismes dévolus à la défense des droits de l’homme dénoncent des charniers –l’insoutenable hécatombe! Voilà la Côte d’Ivoire.