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Copé et Fillon sous l'arbre à palabres
Pour sortir de la crise, les dirigeants de la droite française vont-ils devoir adopter des méthodes africaines?
Mise à jour du 26 novembre 2012: La médiation proposée par Alain Juppé a fait long feu. Le maire de Bordeaux, qui rencontrait le 25 novembre François Fillon et Jean-François Copé, a constaté que les conditions qu'il avait posées n'étaient pas en place et a annoncé la fin de sa mission.
Jean-François Copé, président proclamé du parti, s'en remet à la décision de la commission des recours de l'UMP et impute l'échec de la mission Juppé à une absence de légitimité.
François Fillon juge quant à lui que c'est son rival le responsable de cet échec et prévoit de saisir la justice.
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«Le ciel n’a pas deux soleils, le peuple n’a pas deux souverains », dit le sage africain. A l’UMP, on nage depuis dimanche soir en plein brouillard et le premier parti de France n’est pas prêt de voir la lumière. Plus les rebondissements se succèdent, moins on y voit clair. En comparant le duel Copé-Fillon à la guerre Gbagbo-Ouattara, Slate Afrique se livrait dès lundi à un exercice de politique fiction. Mais, voilà que la réalité dépasse la fiction.
Le tohu-bohu médiatique a désormais atteint les villages les plus reculés de la brousse française et l’embrouillamini est à son comble: Fillon affirme avoir finalement gagné de 26 voix mais il ne veut plus être président. Copé, qui a oublié de compter des votes d'outremer, est dans les murs du parti, détient la clé des locaux et refuse de laisser la place à un président de transition. L’ex-Premier ministre de Sarkozy ne fait pas confiance à la COCOE (commission de contrôle des élections) et envisage de s’en remettre à la justice. Un de ses lieutenants demande la publication des résultats. Bref, c’est la guerre ouverte entre les deux camps.
«Ivoirisation» de la crise
Des commentateurs politiques très sérieux évoquent désormais une « ivoirisation » de la crise. Après le pataquès du congrès de Reims qui avait permis à Aubry de s’imposer dans des conditions très contestables face à Royal à la tête du parti socialiste, voilà la droite plongée dans un conflit post-électoral aux conséquences imprévisibles: on n'exclue plus une partition de l'UMP, l'envoi de casques bleus, type Juppé, le déploiement d'une force d'interposition constituée de sages. Quand l'incendie de brousse traverse le fleuve, il est temps de sonner l'alarme dans tous les villages du pays et de réunir les chefs sous l'arbre à palabres pour tenter de l'éteindre.
L'idée est séduisante mais difficile à mettre en oeuvre. Fillon voudra convoquer son rival sous un pommier de la Sarthe, son campement d'origine. Copé aurait pu inviter son adversaire sous un gingko bilola, un arbre multi-centenaire, qui poussait dans sa bonne ville de Meaux. Mais, il l'a fait abattre l'an passé pour permettre la construction d'un immeuble privé. Cet arbre qu'on trouve au Japon, possède deux qualités qui auraient été fort utiles à l'UMP: il purifie l'air environnant et on raconte que certains spécimens ont survécu au bombardement nucléaire d'Hiroshima. Exit le gingko bilola.
Les deux belligérants pourraient se retrouver sous un vieux platane du parc des Buttes-Chaumont à Paris, dont le tronc dépasse six mètres de circonférence. Mais, est-ce raisonnable de réunir les deux hommes sous un tel arbre, acteur de tant de sorties de route violentes? Comme le roi Saint-Louis, il vaut mieux chercher un vieux chêne du bois de Vincennes pour y rendre la justice.
«Les jeunes sont destinés à devenir des adultes»
L'arbre à palabres désigné, il faut sélectionner les chefs de village qui joueront le rôle de sages. On pense immédiatement à Jean-Pierre Raffarin, un roi de l'ethnie du Poitou. Il dispose d'un arsenal de répliques capables de clouer le bec aux contradicteurs les plus coriaces et d'alimenter les grios qui iront donner les nouvelles dans tout le pays: « Notre route est droite, mais la pente est forte », « Les jeunes sont destinés à devenir des adultes », « L'avenir est une suite de quotidiens ».
Des concepts fédérateurs qui ne devraient pas susciter le désaccord entre Fillon et Copé. On évoque aussi Alain Juppé, le duc d'Aquitaine, qui, depuis le début de la campagne électorale, s'est positionné en position d'arbitre. Sa grande expérience est unanimement reconnue mais on craint que, sur un coup de colère, il ne dissolve l'UMP comme Dominique de Villepin avait conseillé à Chirac de dissoudre l'assemblée nationale en 1996.
La recherche d'une conciliation sous un chêne du bois de Vincennes sous la présidence de Jean-Pierre Raffarin, ça aurait de la gueule et ça ferait taire les Africains (et notamment les Ivoiriens pro-Gbagbo) qui ricanent devant le spectacle désolant donné par l'UMP depuis dimanche dernier. Mais, pour être couronnée de succès, la réunion de Copé et Fillon sous l'arbre à palabres doit être sérieusement encadrée. Ce mode africain de règlement des conflits obéit en effet à des règles ancestrales. On ne sort pas de la réunion tant qu'un consensus n'est pas trouvé. Tous ceux qui veulent parler peuvent s'exprimer.
Si Copé et Fillon ne veulent pas passer tout l'hiver sous l'arbre, il faudra limiter le temps de parole de Rachida Dati. Quant à Valérie Pécresse dont le sourire extatique a marqué la soirée électorale de dimanche, elle devra se tenir à l'écart des féticheurs qui, dans ce genre de réunion, proposent toutes sortes de breuvages magiques. Et si, au bout de journées de palabres, Raffarin échoue à résoudre la crise, l'UMP devra se rendre à l'évidence en méditant ce proverbe africain: le chien a beau avoir quatre pattes, il ne peut emprunter deux chemins à la fois.
Philippe Duval
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