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Les musulmans sont les premières victimes du terrorisme islamiste
Le chroniqueur Fayçal Anseur s'interroge sur la différence de traitement entre les attaques terroristes islamistes contre les occidentaux et celles que subissent les musulmans. Il a fallu que les États-Unis soient touchés pour que la menace soit prise au sérieux.
Il n’est pas inutile de rappeler ici ce qui apparaît aujourd’hui comme une évidence, mais qui ne fut pas toujours admise: il y a bien eu un avant et un après le 11 septembre 2001.
Les attentats contre les deux tours du World Trade Center à New York, suscitent, depuis cette triste date jusqu’à nos jours, plus d’indignation que ce qu’a déclenché comme réactions le drame vécu par les Algériens pendant la décennie noire. Lorsque les intégristes religieux, et le pouvoir indéboulonnable algérien, prenaient en otage tout un peuple en Algérie, les regards se dérobaient.
Exceptés quelques lucides intellectuels et une poignée de défenseurs des droits humains qui pointaient du doigt ce danger qui allait inévitablement finir par menacer la planète toute entière, le monde occidental ne prêtait pratiquement qu’une oreille distraite à ce que subissait la population algérienne à cette époque: à savoir, les affres d’une guerre fratricide opposant des fanatiques endoctrinés venus d’un autre âge à une junte militaire. Mais surtout, et c’est là où le bât blesse, des fanatiques revenus d’autres contrées où le djihad islamiste était encouragé par la CIA entre autres, et utilisé comme un bras armé contre l’ex-URSS, pendant la guerre (pas vraiment) froide.
Du moment que les morts ne s’appelaient pas John, William ou Isabelle, mais Mohamed, Tarik et Zohra…, les chances de voir les puissances mondiales s’impliquer politiquement pour stopper le bain de sang en Algérie et ailleurs, là où la mort était semée au nom d’Allah ou de Mammon, étaient ténues.
Les origines du mal
Il a fallu que l’Occident soit touché dans son cœur, pour que les consciences s’ébranlent enfin et que l’opinion internationale prenne au sérieux les menaces des fous de Dieu. Ce rappel était nécessaire avant de tenter une quelconque explication des origines du mal.
Un mal qui persiste dès lors que le remède administré est conçu pour traiter les symptômes, mais pas la maladie. Il n’y a qu’à voir comment l’administration Bush a réagi aux attentats contre les tours jumelles. Deux guerres ont été déclenchées dans la foulée, avec en filigrane, des relents de croisade et des intérêts hautement mercantiles pour les pétroliers et les fabricants d’armes.
Même s’il paraît simpliste, ce raisonnement n’est probablement pas loin de la réalité des choses à vrai dire. À une dérive idéologique de l’Islam, fut opposée «une guerre du bien contre le mal». Autrement dit, «l’évangile» des néo-conservateurs versus le «coran» des rétro-islamistes.
Pis, les deux camps s’attèlent à sortir des manuels de Samuel Huntington, le concepteur zélé de la théorie du «choc des civilisations», le combustible idéologique nécessaire pour déclencher la prochaine guerre des religions et menacer pour de bon la stabilité dans le monde.
Marteau du fanatisme et enclume du rejet
Depuis le 11 septembre, les musulmans, en particulier ceux établis en Occident, vivent sur le qui-vive. Ils portent leur «islamité» comme la tunique de Nessus, c'est à peine si on ne leur reproche pas d’être musulmans. Or, leurs pourfendeurs «oublient» souvent - et souvent sciemment - qu’ils sont les premières victimes du terrorisme islamiste. Cette méfiance n’est pas étrangère au fait que les musulmans se sentent aujourd’hui coincés entre le marteau du fanatisme et l’enclume du rejet. Une situation inconfortable qui débouche souvent sur la haine de «l’autre» à défaut de se mettre à sa place de cet «autre» qui au fond n’est pas si différent de nous même
La raison, voudrait en revanche que l’effort soit collectif. Pour vaincre le terrorisme, il faudrait être à même de s’ouvrir à l’autre, qui ne serait plus l’autre, mais nous-mêmes, d’essayer de le connaître et de le reconnaître, de l’aider à dépasser ses frustrations et ses peurs, d’ouvrir le dialogue entre les peuples, les cultes et les cultures. Comment il faudrait que les élites ouvrent cette voie du dialogue, et arrêtent d’user et d’abuser de la politique de la peur, des amalgames et de la stigmatisation des minorités religieuses ou ethniques, pour vendre du papier ou gagner une élection.
«Il y a un moyen simple de lutter contre le terrorisme, c’est d’arrêter d’y participer», a écrit un jour le philosophe américain Noam Chomsky.
C’est on ne peut plus vrai de nos jours, quand on constate comment des ex-qaïdistes sont passés du statut de terroristes à celui d’alliés de circonstance de l’Otan, de «libérateurs», en Libye ou en Syrie.
Accepter ces anomalies, pour quelque raison économique ou géostratégique que ce soit, revient à abdiquer face aux pyromanes de tout poil: des businessmen de la guerre, aux illuminés de toutes les religions.
Fayçal Anseur
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