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Côte d'Ivoire - L'armée admet des «dérapages» mais pas des tortures
Un aveu difficile à révéler après la publication d'un rapport de Human Rights Watch (HRW) évoquant des exactions «généralisées» de militaires.
Et pourtant, le gouvernement ivoirien a reconnu le 19 novembre que l'armée avait pu commettre des «dérapages» après une vague d'attaques en août.
Etant donné le «contexte sécuritaire» qui a suivi les attaques et vu le «niveau de formation en droits de l'Homme» au sein des Forces républicaines (FRCI, armée), «il est possible qu'il y ait eu des dérapages», a déclaré le ministre des Droits de l'Homme, Gnénéma Coulibaly.
Human Rights Watch (HRW)a effectivement épinglé l’armée ivoirienne dans un rapport édifiant publié le 19 novembre.
«L’armée de Côte d’Ivoire a été responsable d’atteintes aux droits humains généralisées en août et au début du mois de septembre 2012», indique le rapport intitulé «Bien loin de la réconciliation: Répression militaire abusive en réponse aux menaces sécuritaires en Côte d’Ivoire».
Gnénéma Coulibaly, considère la critique comme constructive et affirme que les faits qui sont dénoncés dans le rapport de Human Rights Watch seront vérifiés, et sanctionnés s'ils s'avèrent exacts. Il a d'ailleurs promis de lancer une enquête, rapporte RFI.
Car selon le rapport, des centaines de jeunes hommes de l'ethnie de Laurent Gbagbo, les Bété, ont été victimes d’arrestations arbitraires et de détentions illégales. Human Rights Watch a interrogé cinq victimes de torture qui ont été détenues dans le camp de la police militaire d’Adjamé.
Un ancien détenu au camp a décrit les mauvais traitements subis:
«J’y suis resté une semaine et ils m’ont interrogé tous les jours sauf le dernier. Chaque jour, ils me tiraient hors de la cellule et m’emmenaient dans une autre pièce pour m’interroger... "Où sont les armes?" "Je n’ai pas d’arme, je n’ai jamais attrapé une arme." Clac! Ils enroulaient leur ceinture autour de leur main et me frappaient à la tête, au visage, sur les côtes. La boucle métallique de la ceinture était sur la partie avec laquelle ils frappaient, pour infliger une douleur maximum... J’avais de nombreuses blessures infligées quand ils me frappaient avec la boucle en métal.»
En plus de la torture, l’armée ivoirienne, toujours selon le rapport d’Human Rights Watch, prenaient un malin plaisir à dépouiller ses victimes.
«Pendant les fouilles et les arrestations massives, ils volaient de l’argent liquide et des objets de valeur comme des téléphones portables, des ordinateurs et des bijoux. Les anciens détenus ont aussi raconté que les soldats exigeaient de l’argent, jusqu’à 150.000 francs CFA (environ 235 euros ) dans certains cas, en échange de leur libération.»
Les agissements de l'armée constituent un risque dangereux et peuvent cristalliser le mécontentement des partisans de l'ancien président Laurent Gbagbo alors que le pays reste profondément divisé sur les plans politique et ethnique. Ne rien faire peut exaspérer les tensions.
Lu sur Human Rights Watch et RFI
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