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Abdoulaye Wade et Macky Sall, alors Premier ministre, Dakar, 13 avril 2005. AFP/ Seyllou
Abdoulaye Wade et Macky Sall, alors Premier ministre, Dakar, 13 avril 2005. AFP/ Seyllou

Sénégal: une opération mains propres qui inquiète l'ex-président Wade

La convocation de Karim Wade, dans le cadre de la traque des biens mal acquis est à l'origine d'une passe d'armes entre le président, Macky Sall et l'ex-chef de l'Etat Abdoulaye Wade.

Mise à jour du 14 novembre 2012: Les proches de l'ex-président sénégalais Abdoulaye Wade se sont déclarés "en position de résistance à l'oppression" du nouveau régime de Macky Sall et ne répondront plus aux convocations de la Cour de répression de l'enrichissement illicite, ont-ils annoncé le 14 novembre.

Face "à la chasse aux sorcières" dont ils se disent victimes de la part du régime de Macky Sall, le parti de M. Wade, le Parti démocratique sénégalais et ses responsables, "considèrent être en situation d'adopter la position de résistance à l'oppression", indique un communiqué signé d'Ousmane Ngom, porte-parole d'Abdoulaye Wade, reçu par l'AFP.

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Comme d’autres barons du régime Wade, Karim Wade devra se présenter une fois de plus devant les enquêteurs de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) le 15 novembre 2012.

Cette audition a lieu dans le cadre d’une procédure qui vise à ramener dans les caisses de l’Etat sénégalais des milliards qui auraient été détournés.

Campagne tolérance zéro

Macky Sall avait promis de mener une campagne tolérance zéro contre les détournements de biens publics et autres malversations financières du genre. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette promesse plusieurs fois répétée du nouveau chef de l’Etat sénégalais n’est pas restée lettre morte.

Dans une démocratie qui se respecte, chaque citoyen doit pouvoir répondre de ses actes et chaque dirigeant doit pouvoir rendre compte de sa gestion des affaires publiques. Et il est vrai que le régime Wade a fait l’objet d’accusations de mauvaise gestion de la chose publique à maintes reprises.

Il suffit de rappeler à ce sujet l’affaire de la mallette d’argent qu'Abdoulaye Wade aurait remise à un agent du FMI en fin de mission au Sénégal et qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive.

Ceci étant, et dans une démocratie digne de ce nom comme le Sénégal, il est de bon ton que la justice puisse entendre les personnes soupçonnées d’avoir commis des détournements de fonds et faire la lumière dans ce genre de cas. Face à ces auditions, on assiste à une levée de boucliers chez les proches de Wade.

L'inquiétude du camp Wade

Mais de quoi les Wade ont-ils peur? D’une justice partisane, aux ordres, disent-ils. En effet, pour le camp de l’ex-chef d’Etat, on assiste à une justice sélective. Certes, le fait que les enquêtes ne couvrent pas toute la période de la présidence Wade est un argument en leur faveur.

Sall, on s’en souvient, a lui-même été un des acteurs du pouvoir Wade avant de tomber en disgrâce en 2008. Ainsi, faire le procès de l’entièreté de la présidence Wade, c’est faire dans une certaine mesure son propre procès.

Mais cela est nécessaire pour sa propre crédibilité. En d’autres termes, le président Sall qui a déjà fait un bon pas en avant en faisant la déclaration publique de ses biens, gagnerait à faire en sorte que les audits en cours soient transparents et équitables autant que faire se peut.

De ce fait, il pourrait lui-même prendre toutes les dispositions utiles pour se tenir à la disposition de la justice dans le cadre de cette opération mains propres. Cela pourrait, du reste, être pour lui, une occasion de convaincre ceux qui doutent encore de l’origine licite de sa propre fortune. Quoi qu’il en soit, Macky Sall a aujourd’hui le mérite de vouloir nettoyer les écuries d’Augias.

Face à cette volonté du chef de l’Etat, la menace de son prédécesseur, Abdoulaye Wade, de porter plainte contre lui, ressemble fort à du «tu me poursuis, donc je te poursuis».

Même si cette volonté de Maître Wade est parfaitement légale et démocratique, on peut bien s’interroger sur ses motivations réelles. Wade veut-il dire qu’en «bon chef d’Etat» garant de la bonne gestion du bien public qu’il était, il avait eu vent de malversations dont Macky Sall serait l’auteur et s’était, malgré tout, abstenu de saisir la justice à l’effet de faire la lumière là-dessus?

Ce que cache la réaction de l'ex-président

Si tel est le cas, ce n’est pas à son honneur. Ce serait même une preuve et non des moindres que la protection du bien public était le dernier de ses soucis.

Cette réaction de Wade suscite d’autant plus de questionnements quand on sait que son régime ne s’était pas fait prier pour engager une procédure contre l’un de ses ex-dauphins, Idrissa Seck, alors soupçonné de malversations financières.

En tout état de cause, cette attitude de Wade qui intervient seulement au moment où des procédures judiciaires visent ses proches, ressemble fort à du chantage.

En ce qui concerne Macky Sall, son attitude a le mérite de ne pas tomber tout d’un coup du ciel. On se souvient que la traversée du désert de cet ancien fils spirituel de Wade tire son origine de sa volonté de demander des comptes à certaines autorités sur leur gestion de la chose publique.

En effet, Sall, alors fort de son statut de président de l’Assemblée nationale sénégalaise et donc de chef du contrôle parlementaire de l’action gouvernementale, avait essuyé le courroux du président Wade pour avoir osé demander des comptes à Karim Wade sur sa gestion de l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (ANOCI).

Ce fait prouve au moins que les auditions actuelles sont pour le nouveau chef d’Etat, une continuité de ce qu’il avait voulu faire en tant que président du Parlement, donc du temps où Wade était encore au pouvoir.

Toujours est-il que le président Sall a promis de ne pas interférer dans le travail de la justice. Pourvu qu’il tienne parole!

Quant à la justice sénégalaise, elle tient là un bon moyen de prouver encore son indépendance. A elle de prendre toutes les dispositions utiles pour éviter que cette opération de transparence soit une chasse aux sorcières et qu’elle puisse vraiment permettre de faire la lumière et toute la lumière sur la gestion des deniers publics sénégalais.

Le Pays

 

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