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Visite de la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton au Maroc le 23 mars 2011. Reuters/Jim Young
Visite de la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton au Maroc le 23 mars 2011. Reuters/Jim Young

Obama, un second mandat qui inquiète

La victoire d’Obama ne fait pas rêver la rue marocaine. Le Palais, lui s’en réjouit et compte négocier au mieux son «dialogue stratégique» avec Washington, malgré le départ prochain d’Hillary Clinton.

Evidemment, le Maroc a voté Obama. Non pas que l’Obamania d’il y a quatre ans soit encore de mise elle est retombée comme un soufflet depuis bien longtemps.

 

Le premier président noir des Etats-Unis n’est pas un arabophile comme le disait la légende qui l’avait précédé.

Son discours du Caire (en 2009) est un bien lointain souvenir. A Rabat, comme ailleurs dans le monde arabe, on s’est bien vite rendu compte que les affaires internes et la crise ont rapidement éloigné l’image idéalisée d’un président engagé sur la scène internationale.

Obama? Un moindre mal

Sa rupture avec l’arrogance des néoconservateurs a laissé la place à une continuité doucereuse sur les dossiers du Proche-Orient. Vu du Maroc, l’Amérique impériale a rangé ses oriflammes sans vraiment changer de cap diplomatique. Palestine, Irak, Afghanistan, Guantanamo… le premier mandat d’Obama aura eu des allures d’intendance. Sans plus.

Autre sentiment très largement ressenti, celui d’une Amérique distante du printemps arabe. Sans parler de toutes ces suspicions sur le jeu en coulisses de Washington, s’assurant le beau rôle aux côtés des peuples révoltés après avoir soutenu à bouts de bras les dictateurs déchus.

L’obsession de la sécurité d’Israël et les appels du pied aux vainqueurs islamistes ont confirmé que la realpolitik est une constance américaine.

L'Amérique ne fait plus rêver

Qu'aurait fait en politique étrangère un Mitt Romney élu? Nul ne le sait, sinon qu’il renvoyait au souvenir de Bush Jr. et de ses faucons. Une image révulsive qui aura suffit pour que la victoire d’Obama soit considérée comme un moindre mal.

Pour le peuple marocain, l’Amérique ne fait pas rêver ou si peu. Elle est avant tout l’alliée inconditionnelle du pouvoir, quel que soit le locataire de la Maison Blanche. Un peu comme la France, indépendemment de la couleur politique de l’Elysée.  

«Pour le Maroc, où l’élection est très suivie, au delà de la passion politique, l’enjeu est ailleurs. Démocrate ou républicain, la prise de fonction du futur président américain coïncidera avec le début de la mise en œuvre du nouveau partenariat stratégique Maroc-USA, qui préfigure l’émergence de l’axe Rabat-Washington», écrivait plein d’emphase le quotidien casablancais Les Echos à la veille de l’élection d’Obama.

Un moment crucial pour le Maroc

Quant à la monarchie, après un zeste de satisfaction, le vrai test sera celui de l’après-Hillary Clinton. La secretaire d’Etat, devenue une intime de la famille royale depuis la présidence de Bill, part à un moment crucial pour le Maroc.

Le dossier ultrasensible du Sahara Occidental est toujours au point mort, ce qui n’est pas pour déplaire à Rabat, mais la donne a quelque peu changé autour de la question des droits de l’Homme. Une tache noire pour le Maroc. En quelques mois, le royaume a reçu une volée de bois vert venant d’Outre-Atlantique.

D’abord avec la crise de nerfs suscitée par Christopher Ross, boudé par le Palais, mais finalement imposé par les Nations-Unies —Rabat ayant commis l’erreur de ne pas s’assurer auparavant du soutien du Département d’Etat— suivie des rapports Kennedy  et Mendès.

Les observateurs citent parmi les possibles futurs secrétaires d'Etat le nom du sénateur John Kerry, candidat à la présidentielle en 2004. Aussi, Marc Ginsberg, ancien ambassadeur des Etats-Unis au Maroc, devenu lobbyiste en chef du royaume à Washington, tresse déjà des lauriers à Kerry… 

Il est fort à parier que le probable remplaçant d’Hillary Clinton, Susan Rice, représentante des Etats-Unis à l'ONU est aussi pressentie, ne tarira pas d’éloges non plus sur «un Maroc modèle dans le monde arabe», alors que Wikileaks devoilait pourtant des télégrammes diplomatiques américains qui s’inquiétaient des turpitudes du premier cercle autour du roi du Maroc.

C’est aussi cela l’axe Rabat-Washington faits d’intérêts bien compris plus que de grande morale. En échange du parapluie américain et de son appui au Sahara, le Maroc a participé à la «Guerre contre la terreur», torturé sur son sol pour le compte de la CIA, et fait la chasse aux barbus.

La carotte du «dialogue stratégique»

Soutien militaire, coopération sécuritaire, aides économiques: allié autant que vassal des Etats-Unis, le royaume compte avant tout raffermir ses liens avec Washington avec qui il entame un «dialogue stratégique»  inédit, favorisé par les soubressauts des révolutions arabes.

Un «dialogue stratégique» déjà présenté par certains éditorialistes américains comme Jennifer Rubin du Washington Post comme la carotte donnée aux bons élèves de la région. Entendez par là, ceux qui, malgré les renversements des autocraties, ne tournent pas le dos aux Etats-Unis.

«Les Etats-Unis (...) ont besoin d’un nouvel allié stable au Moyen-Orient, un point d’ancrage dans la région que le nouveau partenariat américano-marocain pourrait constituer comme seule voie de succès», écrit-elle.  

«Si d’autres pays veulent construire des relations étroites avec les Etats-Unis, y compris les avantages économiques et de prestige diplomatique qui vont avec, alors ils devraient prendre des mesures pour moderniser leur économie, renforcer la primauté du droit, étendre les droits des femmes et accroître les libertés civiles. C’est ce qu’a fait le Maroc sous Mohammed VI durant la dernière décennie», souligne en ce sens l’éditorialiste du Washington Post.

Un satisfecit qui est loin d’être totalement partagé par la rue marocaine excédée par tant de complaisance de la part Washington à l’égard du régime. 

Ali Amar

 

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Ali Amar

Ali Amar. Journaliste marocain, il a dirigé la rédaction du Journal hebdomadaire. Auteur de "Mohammed VI, le grand malentendu". Calmann-Lévy, 2009. Ouvrage interdit au Maroc.

Ses derniers articles: Patrick Ramaël, ce juge qui agace la Françafrique  Ce que Mohammed VI doit au maréchal Lyautey  Maroc: Le «jour du disparu», une fausse bonne idée 

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