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Un partisan de Barack Obama dans un bureau de vote de Pennsylvanie le 6 novembre 2012. REUTERS/Tim Shaffer
Un partisan de Barack Obama dans un bureau de vote de Pennsylvanie le 6 novembre 2012. REUTERS/Tim Shaffer

Les Africains-Américains gardent leur héros

Barack Obama est réélu à la présidence des Etats-Unis. Les Africains-Américains chérissent leur champion mais votent avec nuance.

Mise à jour du 7 novembre: Barack Obama est réélu président des Etats-Unis en remportant plus de 270 grands électeurs necessaires. "Quatre ans de plus" a tweeté le président sur son compte personnel.

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«Je pense que notre société a dépassé la question raciale.»

Jerome Moneo, 50 ans est un Républicain convaincu vivant à Lima dans l’Ohio. Il était tout à fait normal pour lui de venir écouter le président de la majorité républicaine à la Chambre des représentants, John Boehner, qui a fait le déplacement pour la dernière ligne droite de la campagne.

Ici dans ce comté rural perdu d’Allen au nord-ouest de l’Ohio, Jerome n’a pas vraiment le profil du coin. Il est Africain-Américain et il est le seul représentant de cette minorité parmi les quelques deux cents présents.

Son choix pour l’élection est sans appel:  

«Je suis un entrepreneur local et j’ai toujours voté républicain car c’est les taxes et les régulations qui plombent l’économie. Mitt Romney et Paul Ryan veulent alléger la fiscalité qui pèse sur les entreprises.»

La bataille décisive de l'Ohio 

L’élection de Barack Obama comme premier président africain-américain des Etats-Unis en 2008 avait été un moment historique pour la nation américaine. Jerome aussi s’en félicite même s’il n’avait pas voté pour lui.

Mais aujourd’hui, la magie du symbole s’est évanouie.

Jerome Moneo le reconnait volontiers:

«Maintenant il faut se dire qui est la meilleure personne pour le poste quelle que soit sa race.»

Pourtant, une chose est sûre. Aux Etats-Unis, la population devient de plus en plus diversifiée et cette tendance ne fait que s’amplifier au détriment de la majorité blanche.

«Le vote des minorités est un groupe clé dans l’élection», souligne Paul Beck.

Ce professeur de sciences politiques à Columbus, capitale de l’Ohio est très attentif au choix de son Etat très disputé et dont le vainqueur a de fortes chances d’être celui de tout le pays. C’est une règle électorale éprouvée: l’Ohio vote comme l’ensemble du pays. Or ses 18 grands électeurs peuvent basculer d’un camp à un autre tellement la course est serrée.

L’Ohio c’est un condensé des Etats-Unis. Son histoire, sa composition sociale, sa démographie se rapproche de celle du pays. La proportion d’Africains-Américains est très proche de la moyenne. Un bémol toutefois dans la représentativité de l’Ohio, le nombre d’Hispaniques est extrêmement faible par rapport à la moyenne nationale.

Le vote des minorités

Selon Beck, s’il n’y avait que des électeurs blancs dans l’Ohio, Romney l’emporterait. Le fait est que les minorités penchent pour Obama. Plus de 90% des Africains-Américains votent pour lui et plus de deux tiers des Asiatiques le plébiscitent.

Quant aux Hispaniques, qui représentent la plus forte minorité avec 16% de la population selon le recensement de 2010, ils votent plutôt contre Romney car ils sont excédés par la politique ultra sécuritaire des Républicains contre l’immigration dans les Etats frontaliers avec le Mexique.

«MittRomney n’est pas intéressé par les Latinos et les électeurs issus des minorités», observe Michelle Butler, une électrice d’origine hispanique au sortir d’un bureau de vote de Chicago ou elle a voté Obama.

La question est de savoir si les minorités se mobilisent pour voter.

Celles sur qui Obama peut compter, c’est les Africaines Américaines. Si l’on tient compte de l’origine ethnique et du genre «c’est le groupe qui s’est le plus mobilisé en 2008 en termes de participation» souligne Wendy G. Smooth, professeur assistant de sciences politiques à l’université de l’Ohio et spécialiste des questions de genre.

Selon une étude du Pew research center, les Africaines-Américaines ont été 5,1% plus nombreuses à voter lors de ce scrutin que quatre ans auparavant, mieux que les Africains-Américains (+4,6%) et loin devant les femmes hispaniques (2,4%) ou les femmes blanches (-0,5%). A cet égard, Michelle Obama, la First Lady joue un rôle mobilisateur central sur les Africaines-Américaines, insiste Wendy Smooth.

Les Africaines-Américaines très mobilisées

Reste que les thèmes les plus chers aux femmes dans l’élection présidentielle n’ont rien à voir avec la race: 39% s’intéressent d’abord à la question de l’avortement et de la contraception, puis aux questions de l’emploi (19%), de la santé (18%) suivi par l’égalité des droits, de salaire et de chances (15%).

A une centaine de mètres de la Old Saint Mary Church de Chicago transformée en bureau de vote, Terry Macclane a tenu à manifester le jour de l’élection.

Cette Africaine-Américaine de 44 ans porte un grand portrait de Mitt Romney et une pancarte disant: Votez pour l’autre. Elle est accompagnée d’une autre militante qui tient le portrait d’Obama. Fervente supportrice du président sortant, Terry a voté il y a une semaine déjà.

«C’est fantastique d’avoir un président africain-américain, mais c’est déjà acquis. Maintenant, ce qui compte c’est ce qu’il fait pour les femmes.»

Cette militante pro choice, c’est-à-dire pour le droit à l’avortement, est déterminée:

«Obama me donne le choix de faire ce que je veux de mon corps.»

A l’opposé des minorités, il est une autre catégorie d’électeurs pour qui la race est une dimension qui peut être déterminante: Les white born again. Ils forment un autre groupe clé du scrutin et représentent un quart à un tiers des électeurs dans l’Ohio. Chrétiens ultraconservateurs, ces protestants votent pour les deux tiers pour Mitt Romney, même si celui-ci est mormon ce que certains peuvent considérer comme une hérésie d'après le professeur Beck.

C’est peut être une explication de l’effritement de 6 points de leur opposition à Obama par rapport à 2008, avec un écart qui passe de 44 à 38% en 2012 selon les derniers sondages.

Y a-t-il un vote blanc?

C’est surtout chez les blancs non «born again» qu’il y a un changement majeur dans l’attitude envers Obama selon le même sondage menée dans l’Ohio.

Ils étaient 27% plus nombreux à voter pour lui en 2008 alors que 4 ans plus tard, leur vote se porterait d’une courte majorité pour son adversaire Romney (49 contre 47%) selon ces prévisions.

Pour le professeur Beck, il est question là encore d’un groupe clé dans l’Ohio, celui de la classe ouvrière blanche. Des blancs plutôt tiraillés:

«Ils n’aiment pas Obama mais n’aiment pas non plus Romney perçu comme une sorte d’ennemi de classe.»

«Pour certains, la race compte beaucoup dans le vote», observe Dalon Jackson, 49 ans au sortir du bureau de vote de Shoesmith School à Hyde Park, l’endroit même ou le sénateur du Michigan et résident du quartier Barack Obama avait voté en 2008.

«Moi je ne choisis pas en fonction de la race. Ce n’est pas parce que Romney est blanc que j’ai voté contre lui», se défend cet Africain-Américain.

D’ailleurs, selon lui, Obama dont le pere est noir d'origine kenyane et la mere blanche, ne rentre pas dans une catégorie:  

«C’est un métis. Il a fait du bien pour tout le monde et pas seulement pour les Africains Américains.»

Le rêve africain-américain

En période de crise, la situation économique est en définitive le thème moteur pour beaucoup d’électeurs.

«Ce qui pousse les Africains-Américains vers les urnes c’est l’économie, le taux de chômage, réaliser ses rêves, être capable de monter sa propre affaire et il faut regarder chaque candidat et voir s’il peut vous aider à remplir ces objectifs, qu’il soit blanc ou noir», insiste Jerome Moneo de Lima, Ohio.

Dans l’Illinois, autre Etat du Midwest américain et surtout patrie d’Obama, Anthony Woods partage un avis similaire mais arrive à une conclusion diamétralement opposée.

«Je suis un Américain avant tout, et pas un Africain-Américain», lance cet homme imposant de 57 ans qui est un volontaire démocrate mobilisé en ce jour d’élection.

«Les banques ne nous prêtent pas d’argent et à cause de cela les petits entrepreneurs doivent mettre la clé sous la porte dans tout le pays. Obama nous a donné des prêts et a stoppé les saisies.»

Le slogan du changement chère a Barack Obama en 2008, Anthony Woods le vit tous les jours:

«Obama a changé ma vie, désormais j’ai ma propre compagnie de dépannage automobile.»

Philippe Randrianarimanana, de Chicago, Illinois.

 

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Philippe Randrianarimanana

Philippe Randrianarimanana est Franco-malgache, il est spécialiste de Madagascar et la Russie.

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