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Affrontements entre jeunes et policiers, le 23 février 2012. AFP/ Seyllou
Affrontements entre jeunes et policiers, le 23 février 2012. AFP/ Seyllou

Sénégal: où sont passés les indics?

Pour l'éditorialiste Mamadou Oumar Ndiaye, les dernières émeutes qui ont secoué le Sénégal sont dûs à un manque de performance des renseignements généraux.

Chacun de nos trois derniers présidents de la République a eu sa journée noire. Ses émeutiers qui, une journée durant, ont mis la capitale à feu et, souvent, à sang.

La tragédie du 16 février 1994

L'ex-président Abdou Diouf avait vécu un après-midi de feu et de sang, le 16 février 1994.  A l’issue d’un meeting organisé par l’opposition d’alors, menée par le Parti démocratique sénégalais (PDS), des Moustarchidines (composante de la confrérie Tidjane) s’étaient répandus dans les rues de la capitale, cassant et brûlant des voitures, saccageant des commerces, lapidant des édifices publics.

Le comble de l’horreur avait été atteint ce jour-là lorsque six policiers qui se trouvaient dans leur car ont été pris à partie et tués dans des conditions barbares. C’était sur le boulevard du général de Gaulle à Dakar.

Notre regretté confrère Mame Olla Faye s’était porté courageusement à leur secours mais n’avait pas pu empêcher le drame . Il avait d’ailleurs été décoré pour son acte de bravoure.

A l'époque, suite à ces événements, la polémique avait enflé entre la présidence de la République et le ministère de l’Intérieur. Les collaborateurs d'Ousmane Tanor Dieng, secrétaire général du Parti socialiste (PS), qui était à l’époque l’homme fort de la présidence, accusait les services de renseignements du ministère de l’Intérieur d’avoir failli.

De fait, Djibo Ka, ennemi juré de l’alors tout-puissant ministre des Services et Affaires présidentiels, n’avait rien vu venir.

Le pays sur grande écoute

Les investigations menées les jours suivants avaient fait apparaître que la BNSE (Brigade nationale de la sécurité de l'Etat) avait bien prévenu le ministre de ce qu’envisageaient de faire les disciples de Serigne Moustapha Sy, le chef de file des Moustarchidines, mais Djibo Ka n’avait pas su prendre les dispositions idoines.

Et ce même si, par ailleurs, le même Djibo Ka avait eu le courage —rare, reconnaissons-le— de faire arrêter le responsable des Moustarchidines.

Toujours est-il qu’au lendemain de ces émeutes, les services de renseignement, qui tiraient à hue et à dia, chacun fonctionnant de son côté, avaient été réorganisés. Pour les chapeauter, le Cencar (Centre pour la coordination et l’Animation du renseignement) avait été créé.

Pour qu’il ne fasse pas doublon avec le BSPR (Bureau de Sécurité de la présidence de la République), le Cencar fut rattaché à la Primature et confié au général Boubacar Wane, ancien aide de camp, puis chef d’état-major particulier du président de la République. De manière effective, toutefois, c’est le colonel Pape Khalil Fall qui dirigeait le Cencar.

A chaque président sa journée noire

Quant à Me Abdoulaye Wade, sa journée noire, c’est lorsque les marchands ambulants ont eux aussi livré une guérilla urbaine dans les rues de Dakar, brûlant des agences de la Sénelec, saccageant des bâtiments publics, renversant des kiosques, cassant les pare-brise ou incendiant des voitures.

Ce jour-là, aussi, les forces de l’ordre avaient été prises au dépourvu et de graves lacunes relevées dans leur comportement ainsi que leurs méthodes.

Le président Macky Sall, lui, sa journée noire, c’était le 22 octobre, lorsque les forces de l’ordre ont été surprises par la déferlante thiantacoune.

Le point commun à toutes ces journées noires, c’est que les renseignements n’ont guère fonctionné et que les forces de l’ordre ont été surprises. Plutôt que d’anticiper, les renseignements ont été à la traîne. D’où la nécessité, encore une fois, de réorganiser cette composante névralgique des services de sécurité.

Où sont passés les renseignements généraux?

Alors que Français, Américains, Britanniques, Israéliens, etc, dépensent des fortunes pour chercher des renseignements, dans notre pays, ce secteur est à la traîne. Il est le parent pauvre de la sécurité nationale.

Le Sénégal ne compte plus aujourd’hui des professionnels chevronnés du renseignement comme les Djély Sidibé —tout-puissant patron des renseignements généraux, qu’il dirigea pendant une vingtaine d’années.

A l'époque, rien n’échappait à la perspicacité des services de renseignements à tel point qu’il n’était pas exagéré de dire que le Sénégal était un Etat policier.

Notre pays a aussi perdu des orfèvres du renseignement comme les commissaires Kébir Ka —qui succéda à Djély Sidibé— Saliou Diallo, Amadou Moustapha Sarr dit Toto, Massamba Ndiaye ou encore Djibahir Sarr.

Ces hommes du renseignement, on n’en trouve plus dans notre pays, malheureusement. Ce qui explique qu’à chaque fois, le pouvoir politique est pris de court par des «ennemis» de la République.

Or, à l’heure où les islamistes sont à nos portes, il urge de se doter de services de renseignements performants!

Mamadou Oumar Ndiaye, Directeur de l'hebdomadaire sénégalais Le Témoin

 

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