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Boni Yayi, lors d'une réunion de l'Union africaine, Addis Abeba, janvier 2012, © REUTERS/Noor Khamis
Boni Yayi, lors d'une réunion de l'Union africaine, Addis Abeba, janvier 2012, © REUTERS/Noor Khamis

Bénin: ce que cache le supposé empoisonnement de Boni Yayi

Les Béninois se demandent si leur président a vraiment failli être empoisonné ou si cela relève d'une forme de paranoïa du régime.

Mise à jour du 6 décembre 2012: L'homme d'affaires béninois Patrice Talon, recherché par les autorités judiciaires de son pays pour tentative d'empoisonnement du chef de l'Etat Thomas Boni Yayi, a été remis en liberté jeudi à Paris, a-t-on appris jeudi auprès de son avocat.

Patrice Talon, qui avait été arrêté à son domicile parisien mercredi matin, a été placé sous contrôle judiciaire et a remis son passeport aux autorités françaises, a précisé son avocat, Me William Bourdon.

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Les différends entre le gouvernement du président Boni Yayi et le richissime homme d’affaires béninois Patrice Talon, qui l’avait financièrement soutenu pour son élection en 2006 semblent avoir atteint leur paroxysme.

Le 22 octobre 2012, le procureur de la République près le tribunal de Cotonou, Justin Gbènamèto, et le commissaire central de la capitale béninoise, Louis Philippe Houdégnon, ont mis au jour une affaire de tentative d’assassinat dans laquelle serait impliqué, selon eux, Patrice Talon.

Selon l’enquête préliminaire, l'homme d'affaires aurait invité une nièce du président Boni Yayi à lui administrer un produit toxique qu’ils auraient fait fabriquer à la place de celui qu’il prenait. Lequel médicament ne serait rien d’autre qu’un poison qui aurait transité par le et le médecin personnel du chef de l’Etat et par un ancien ministre de Boni Yayi, actuellement directeur d'une société cotonnière appartenant à Patrice Talon.

D’après le procureur de la République et le commissaire central de Cotonou, les prévenus auraient reconnu les faits.

«Le Parquet a requis leur inculpation pour association de malfaiteurs et tentative d’assassinat. Le dernier mot revient au juge d’instruction», a-t-on appris.

  Mais pour Me Joseph Djogbenou, l'avocat de la défense, si aveux il y a eu, il reste à savoir comment ils ont été obtenus:

«Il y a suffisamment d’éléments qui laissent penser que, peut-être, le complot existe. Mais de quel côté, on ne peut le dire pour le moment.»

Seul un procès juste et équitable nous en dira peut-être davantage. Mais dans la foulée de l’inculpation, le procureur de la République a émis deux mandats d’arrêt internationaux, l’un contre Patrice Talon et l’autre contre un de ses associés.

Tentative réelle d'assassinat ou paranoïa?

L’affaire est si grave que le peuple béninois attend de savoir la vérité et toute la vérité à ce sujet.

Les Béninois savaient déjà que le gouvernement du président Boni Yayi a accusé le magnat béninois du coton de pratiques frauduleuses dans la gestion de la filière au Bénin à travers l’Association interprofessionnelle du coton (Aic).

Il avait même été interpellé et gardé à vue au commissariat central de Cotonou avant d’être relaxé. Non sans que le régime Yayi soit accusé de dérive dictatoriale par l’Association de lutte contre la corruption, de régionalisme et d'ethnocentrisme.

L’armée béninoise était même intervenue à travers une opération commando pour réquisitionner un navire contenant des intrants coton de Patrice Talon au large du port de Cotonou.

En outre, le contrat qui liait sa société Benin Control S.A. avec l’Etat béninois dans le cadre du Programme de vérification des importations (PVI) a été remis en cause. Et comme si cela ne suffisait pas, il a également été soupçonné de fomenter une tentative de coup d’Etat.

L’homme d’affaires qui n’est plus en odeur de sainteté auprès de Boni Yayi et qui ne se sentait plus en sécurité a donc préféré quitter le Bénin. Il vivrait dorénavant entre un pays voisin et la France.

Mais, même loin du pays, Patrice Talon semble toujours constituer une menace pour le pouvoir en place pour certains partisans du régime.

L’affaire de trop

L’affaire de la présumée tentative d’assassinat du président Boni Yayi suscite en l’étape actuel du dossier des réactions contradictoires au sein des Béninois, selon que l’on est partisan ou adversaire du régime.

Mais quoi qu’il en soit, ils espèrent qu’elle permettra de crever l’abcès et d’en savoir davantage sur ses tenants et ses aboutissants.

Si Patrice Talon a réellement voulu assassiner le président béninois, il y a de fortes chances que son exil volontaire se prolonge à l’étranger. Car beaucoup ne le lui pardonneraient pas, quels que soient ses démêlés avec Boni Yayi.

Seulement, selon les avocats et les proches du milliardaire béninois, la brouille entre les deux hommes résiderait plutôt dans le refus de Patrice Talon à cautionner une révision de la Constitution pour un troisième mandat de Boni Yayi, au-delà de ses deux mandats constitutionnels. Ce que contestent bien évidemment les proches du président de la République.

Il n’empêche que c’est la mobilisation de la société civile et d’une partie de l’opposition qui a fini par obliger le gouvernement à retirer provisoirement son projet de révision de la Constitution de l’agenda de l’Assemblée nationale.

Dans tous les cas cette affaire de tentative d'empoisonnement suscite la curiosité des Béninois qui attendent des réponses à leurs interrogations.

Quel est le produit que leur président prenait avant que les accusés ne fassent fabriquer une copie en y incluant du toxique aux fins de le tuer? Quelle est l’usine pharmaceutique qui a accepté de fabriquer ce produit tout en sachant qu’il était toxique? Quelle est la part de responsabilité de l'ancien ministre de Boni Yayi, mis en cause dans cette affaire?

Seules des réponses à ces questions permettront de savoir s'il s'agit d'une réalité si tout cela relève de la paranoïa du gouvernement de Boni Yayi.

Marcus Boni Teiga

 

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Marcus Boni Teiga

Ancien directeur de l'hebdomadaire Le Bénin Aujourd'hui, Marcus Boni Teiga a été grand reporter à La Gazette du Golfe à Cotonou et travaille actuellement en freelance. Il a publié de nombreux ouvrages. Il est co-auteur du blog Echos du Bénin sur Slate Afrique.

Ses derniers articles: Lettre à mon cousin Barack  A-t-on vraiment voulu tuer Boni Yayi?  Il faut privilégier les Bleus évoluant en France 

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