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Ilha de Santiago by Gagum via Flickr CC.
Ilha de Santiago by Gagum via Flickr CC.

La lutte farouche du Cap-Vert contre la sécheresse

L’archipel, très aride, qui importe 80% de sa nourriture, développe des stratégies pour cultiver avec un minimum d’eau. Certaines techniques sont écologiques…

Pas de «sécurité alimentaire sans sécurité de l'eau».

Le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’était montré direct pendant la semaine mondiale de l’eau à Stockholm (Suède, du 26 au 31 août).

Une façon pour José Graziano da Silva d’alerter sur la pénurie croissante d’or bleu.

«L'agriculture, telle que nous la pratiquons aujourd'hui, est l'une des causes de ce phénomène. Car, elle représente 70% de tous les prélèvements d'eau douce, a-t-il précisé. (...) Nous devons produire de façon à conserver l'eau, à l'utiliser de façon plus durable et plus intelligente, et aider l'agriculture à s'adapter au changement climatique.»

Le Cap-Vert —qui dépense 10% de son budget dans l’agriculture et où la moitié des 515.000 habitants vit du travail de la terre— a commencé, il y a bien longtemps, la gestion durable de l’eau.

Pas le choix: contrairement à ce que laisse penser son nom, l’archipel ouest-africain est très aride. L’abondance des pluies, qui tombent d’août à octobre, varie d’une année à l’autre, et d’une île à l’autre.

L'eau, une denrée rare

La sécheresse est le dénominateur commun de la dizaine de territoires semés au large des côtes mauritaniennes et sénégalaises. La sécheresse qui, par le passé, a plongé l’ex-colonie portugaise dans des épisodes de famine meurtrière.

«Dès qu’il y a un peu d’eau, tout le monde essaie de planter quelque chose parce que, psychologiquement, le peuple est traumatisé par la famine», résume l’ex-président cap-verdien António Monteiro, émissaire pour la nutrition en Afrique de l'Ouest d’un groupe réunissant des agences de l’ONU, des ONG et des bailleurs de fonds.

Reste que si les marchés présentent aujourd’hui des étals riches en fruits et légumes locaux, 80% de la nourriture consommée au Cap-Vert est importée… et se révèle souvent moins chère que celle produite au pays. La faute, entre autres, au prix élevé de l’eau, qu’elle soit douce ou désalinisée.

Rare est l’eau, mais l’eau existe.

«Nous avons un ensemble de projets qui appuient l’agriculteur: ouverture de puits, de forages, construction de réservoirs, de réseaux d’adduction d’eau», confie Celestino Gomes, coordonateur du secteur de l’agriculture au ministère du Développement rural.

Et, pour dissuader les abus, l’Etat applique une politique de gaspilleur-payeur. Explication d’Eneida Rodrigues, experte en agronomie d’un programme de l’ONU notamment en charge de la sécurité alimentaire:  

«Ceux qui utilisent le système goutte à goutte paient un prix fixe, mais les autres paient un prix proportionnel à la quantité utilisée. Leur facture peut ainsi doubler ou tripler.»

L'hydroponie, un nouveau sésame

Cultiver avec peu d’eau, un concept qu’apprennent tout jeunes les enfants des 29% d'écoles primaires —sur 430— qui ont un potager. Exemple avec l’école Antonio Nunes Calabacera, sur l’île de Santiago (sud).

Là-bas, la plupart des choux, des patates douces, du manioc, des poivrons, des bananiers, des papayers, des goyaviers et des manguiers sont irriguées au goutte à goutte —une technique appliquée depuis 15 ans au Cap-Vert.

Quid des établissements qui n’ont pas l’espace et l’eau pour jardin scolaire, qui revêt un intérêt pédagogique et aide à diversifier le repas des cantines?  

«Nous sommes en train de mettre en place un système qui utilise moins d’eau, commente Eneida Rodrigues. Pas seulement le système de goutte à goutte, mais aussi un système qui utilise le recyclage des pneus, des bouteilles…»

Ces techniques, ludiques pour les enfants, s’inspirent souvent de l’hydroponie.  

«Dans ce système, on utilise moins d’eau, de fertilisants, de pesticides et de terre qu’avec le goutte à goutte conventionnel, et le rendement peut être multiplié jusqu’à trois fois par rapport au goutte à goutte», résume Celestino Gomes.

La première école de formation à l’hydroponie —méthode répandue en Espagne— vient d’ouvrir à Praia (capitale du Cap-Vert).  

«On va installer 16 unités pilotes à travers le pays avec la FAO. Les gens pourront venir apprendre la partie théorique à l’école et faire la partie pratique chez eux ou dans l’unité pilote qu’on aura installée sur leur île», raconte Celestino Gomes.

D’ores et déjà, dans l’espace agricole de l’école, des tomates et du haricot poussent dans des bouteilles en plastique usagées...

Habibou Bangré, à Santiago

 

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Habibou Bangré. Journaliste, spécialiste de l'Afrique. Elle collabore notamment avec The Root.

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