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Kadhafi doit partir
Si la coalition internationale agit souvent dans ses propres intérêts économiques et politiques, le Guide doit partir, pour le bien de son peuple et de la démocratie en Afrique.
Je suis pour l’invasion de la Libye, pour neutraliser son armée contre le peuple libyen.
Je soutiens la Révolution du jasmin qui, après la Tunisie et l’Egypte, pèse sur la Libye comme l’épée de Damoclès pour punir ces présidents à vie qui asservissent leur peuple.
Ces présidents qui ne rendent plus de comptes à leur peuple ni à leur dieu. Qui pensent qu’eux, leur famille et leur entourage sont au-dessus des lois.
Ces présidents qui pensent que l’économie du pays leur appartient impunément. Ces présidents qui mettent en prison tous ceux qui les critiquent ou ne les aiment pas, qui croient que le peuple n’a plus le droit à la parole, aux soins sanitaires, ni même au travail.
Ces présidents qui font honte à l’Afrique qui dit oui au progrès, à la justice pour tous, et à la démocratie.
Ces présidents qui font tout ce que les puissances occidentales leur demandent de faire, et qui n’écoutent pas leur peuple, ne l’aiment pas; ne s’aiment pas eux-mêmes en réalité.
Je suis pour la neutralisation de Kadhafi pour mettre fin à une tragicomédie qui n’a que trop duré. Kadhafi, qui armait les rebelles pour déstabiliser les pays limitrophes du Sahara; qui nourrissait le racisme et la xénophobie contre les noirs; qui préférait voir les pauvres et les Africains mourir dans le désert plutôt que les laisser émigrer vers le pays de son ami Berlusconi.
Kadhafi, le Chef des Chefs tribaux, du Ghana au Swaziland; Kadhafi le démagogue musulman qui divisait l’Afrique et le monde Arabe; Kadhafi, l’homme des défilés de mode organisés avec de jeunes Sénégalaises mineures; Kadhafi qui vit dans son Palais à Tripoli, mais qui insiste pour dormir sous sa tente à Paris et Manhattan.
Tout cela me donne envie de plus de jasmin en Libye et dans d’autres pays africains et du monde arabe. Mais je suis contre les envahisseurs; la France, l’Angleterre et les Etats-Unis, qui n’agissent le plus souvent que dans leurs propres intérêts économiques et politiques.
Je suis contre ces envahisseurs qui entretiennent le vernis démocratique en Afrique et le font passer pour une réalité; qui n’hésitent pas à soutenir Kadhafi, Moubarak et Ben Ali au pouvoir quand cela va dans leurs intérêts —pétrole, guerre contre le terrorisme et l’immigration, et la garantie d'un tourisme bon marché en Afrique.
Je suis contre ces envahisseurs qui ne peuvent pas agir contre leurs intérêts égoïstes pour soutenir la paix dans le monde; qui n’ont pas la force morale de soutenir les droits de l’Homme, la justice pour tous et la démocratie en Afrique sans qu’il ne soit question de cacao, d’uranium, d’or noir, ou du cas d’Israël et de la Palestine.
Comment voulez-vous que je croie à la bonne volonté de ces envahisseurs quant tout le monde sait qu’ils n’agissent que pour des raisons secrètes qui servent leur agenda ou sous la pression de leurs électorats politiques?
Mais je suis pour la fin du régime Kadhafi, comme d’autres régimes autocratiques en Afrique et dans le monde arabe, car les gens en ont assez. Ils sont fatigués des répressions policières et de la corruption, ils ont besoin de liberté et de travail.
Vous me demanderez, «que faire, alors, sans l’aide d’Obama et de Sarkozy?», puisqu'ils sont, après tout, élus pour défendre les intérêts de leur pays?
Je dirais d’abord qu’il faudrait au moins qu’Obama, élu contre toute attente par une Amérique ravagée par le racisme, ait le courage moral d’aider à combattre l’oppression et l’ignorance en Afrique.
Cela ne voudrait pas dire trahir le statu quo en Amérique —en premier lieu ses intérêts économiques et politiques—, mais plutôt croire à une nouvelle vision du monde. Si Obama peut changer l’Amérique sans que cette dernière se dissolve —pour paraphraser l'écrivain Edouard Glissant— l’Afrique et les Africains peuvent aussi changer, sans se dénaturer, en se débarrassant des Kadhafi, et en s’enrichissant des vrais valeurs démocratiques de l’Occident.
Cela n’a rien à avoir avec de l’assimilation, puisque c’est le monde entier qui est en train de changer en adoptant les valeurs des uns et des autres; c’est le monde entier qui est en train de se recréer à partir d’une nouvelle conscience, d'une nouvelle autorité morale plutôt qu’économique ou religieuse.
Cette proposition déplairait, sans doute, aux nationalistes en Afrique, en Europe et en Amérique, qui pensent à la suprématie et à la pureté de leur culture, et qui ont peur du changement.
Je dirais surtout à mes amis de ce bord en Afrique et dans le monde arabe que s’ils ne changent pas de leur bon gré et dans leur propre intérêt, les envahisseurs les changeront pour encore mieux les exploiter. Au lieu de résistance stérile, je choisis la performance et la compétitivité.
Je suis pour la fin du régime Kadhafi, mais je pense que pour une réussite totale, les Libyens ont besoin de l’aide de tous les peuples épris de liberté en Afrique et au Moyen-Orient. Nous devons leur montrer que nous sommes derrière eux; ils ont besoin de l’aide de l’Egypte et de l’Algérie pour prouver à Kadhafi qu’il y a plus fort que lui.
Les Libyens ont besoin de l’Union africaine, qui devrait se mettre au-devant de ces changements pour se prononcer et montrer que toute l’Afrique est prête pour la démocratie.
Manthia Diawara