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Tunisie: Rached Ghannouchi tombe le masque
Le scandale de la vidéo du leader islamiste tunisien collaborant avec les salafistes révèle le vrai agenda du parti Ennahda au pouvoir. Selon un chroniqueur algérien, c'est la preuve éclatante que l'islamisme modéré est un leurre.
«Une barbe ne pousse pas en un seul jour».
C'est le résumé, en faux proverbe des vidéos de Ghannouchi Rached, le Khomeiny tunisien, patron d'Ennahda, le parti islamiste qui a pris le pouvoir sans l'avoir arraché lui-même à Ben Ali.
Ces vidéos datent de quelques mois et font le buzz tunisien. On y voit Ghannouchi en pédagogue de l'Attente, face à des salafistes grandes oreilles ouvertes.
Il faut donc les voir et les revoir: jamais la stratégie des islamistes d'aujourd'hui n'y a été aussi explicitée, résumée, condensée et mise à la disposition des fervents et des nuls.
Le cheikh y prend l'exemple de l'Algérie, cas d'école qui semble avoir traumatisé les islamistes en général. Du coup, selon le Khomeiny sunnite, il y a des règles et la principale est qu'une barbe ne pousse pas en un jour.
L'exemple de l'Iran et de l'Arabie saoudite
Que doit-on y retenir?
Les confirmations essentielles: les islamistes n'ont
pas pour but un mandat ou deux ou trois, mais le califat qui est un mandat
unique.
Deux: ils ne croient pas, autant que les dictateurs chassés ou les régimes
encore en place, à la Constitution. C'est ce que disait le FIS (Front islamique
du Salut parti islamiste algérien des années 90), c'est ce que dit Ghannouchi. Le dictateur
amende et viole la Constitution comme il veut. L'islamiste au pouvoir «amende»
et viole le lecteur.
Trois: la guerre est une ruse (c’est un hadith attribué au Prophète). Aux
Occidentaux ont peut servir la poupée gonflable de «l'islamiste modéré»
respectueux des règles et des urnes, mais «entre soi», on sait l'essentiel: il
y a «nous», il y a Koreich (tribu mythique de l’ère préislamique, symbole de la
résistance au monothéisme de Mohamed) selon la topographie mecquoise. Dar les
islamistes et Dar El Kofr (Maison des impies) selon la cartographie de l’empire
musulman du Moyen-âge.
Quatre: l'Islamistan est un projet qui doit prendre des années puisqu'il
exprime les vœux de l'Eternité. L'un des amis de Ghannouchi l'a dit: on ne
peut pas récupérer les «laïcs» mais on peut «travailler» leurs enfants dans les
écoles et les retourner contre leurs parents.
Cinq: Tout ce qui n'est pas «nous» est contre «nous», armée, police
, etc. Les
islamistes ne croient pas à la séparation des pouvoirs, à la neutralité des
institutions, au respect des missions républicaines des forces publiques. Le
citoyen doit être croyant et le policier doit être milicien. C'est une tendance
générale que l'on voit en Iran ou en Arabie saoudite.
Pas un parti, un projet divin
Six : il y a les apparences et il y a les croyances. On «double»
l'armée par des milices, la constitution par une interprétation du Coran, le
citoyen par le croyant, le multipartisme par un réseau de mosquées, la loi par
la fatwa.
Sept: les lois dépendent des interprétations du plus fort. Dans la vidéo de
Ghannouchi, il a dit qu'il suffit de prendre le pouvoir pour faire dire aux
lois ce que l'on veut. Ainsi qu'aux torturés, aux apostats, aux laïcs, aux
chrétiens, juifs ou bouddhistes et aux ennemis de l'Islam.
Huit: il faut cerner les koreichites (tribu mythique de l'Arabie centrale,
époque préislamique) dans le monde, les isoler, les tuer à petit feu et pas
comme en Algérie par balle dans la tête. Il faut les diaboliser, leur enlever
l'argent et l'influence et attaquer leurs caravanes et lignes de commerce et
faire se retourner les esclaves (salariés, immigrés, clandestins,
banlieusards…etc) contre eux.
Neuf: le parti islamiste n'est pas un parti mais un projet divin. Le but du
cosmos. La voie et la voix de Dieu. La médinisation (Médine, ville fondation de
l’Islam des origines) de l'Etat impie. L'utopie tant attendue. «Les autres font
de la politique, nous, on fait ce que Dieu a dit» pensent les islamistes.
Une leçon à ne pas oublier
Pourquoi ce rappel. Pour la pédagogie. L'épître aux salafistes de Ghannouchi doit être enseignée dans les écoles et les universités et les cafés assis. C'est essentiel pour détruire les quelques idées naïves que l'on se fait sur les islamistes.
Même chez nous, ce pays algérien où tout le monde sait que
Solatni et Amar Ghoul (islamistes ministres dans les gouvernements depuis une
décennie) sont autant islamistes que ne l'est une fausse barbe et que les deux
dépendent d'un autre Ghannouchi (tuteurs et officiers traitants au sein de la
police politique). Il suffit de déshabiller l'islamiste (en parlant d'idée)
pour démontrer qu'il est comme tout le monde. Ou pire.
«Une barbe ne pousse pas en un seul jour», mais on peut la raser en un quart
d'heure.
Kamel Daoud (Le quotidien d'Oran)
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