mis à jour le

Le football africain n'a plus de grande équipe
Avec le ballon rond, on ne sait jamais ce qu'il va arriver. En Afrique, plus qu'ailleurs, le football marche sur la tête.
«A ce niveau de la compétition, il n'y a plus de petite équipe.»
Cet adage, souvent utilisé par les footballeurs pour répondre aux questions des journalistes au moment d'affronter des équipes prétendument moins huppées, est avéré en Afrique.
Un coup d'oeil aux résultats des éliminatoires de la CAN 2013 suffit à le confirmer.
Le Burkina Faso, battu par la République centrafricaine (1-0), le Cameroun, vaincu par le Cap-Vert (2-1), le Maroc surpris par le Mozambique (2-0), ou le Zimbawe, accroché par le l'Angola (2-0), ne diraient pas autre chose.
Et les premiers devinrent les derniers...
Comment expliquer de telles déconvenues pour les ténors du continent?
Pour Pape Diouf, la réponse est évidente:
«Cela montre que le foot africain, et c’est ce que je redoute, connaît non pas un nivellement vers le haut, mais vers le milieu. Certains disent qu’il n’y a plus de petite équipe. Je dirais plutôt qu’il n’y a plus de grande équipe. Il y a un nivellement des valeurs qui profite à certains petits pays», expliquait ainsi l'ancien président de l'OM, lorsqu'on lui demandait son sentiment sur les échecs des grosses sélections à la CAN 2012.
Car, la dernière épreuve continentale a sans doute été un condensé des difficultés des favoris à se mettre au niveau.
Avec les éliminations de l'Egypte (7 titres), du Cameroun (4), de l'Algérie (1), du Nigeria (2) ou de l'Afrique du Sud (1), ce sont pas moins de quinze Coupe d'Afrique des nations qui ont ainsi manqué au Gabon et en Guinée équatoriale, vingt-huitième édition.
«De manière générale, le football africain progresse, mais de façon paradoxale, poursuit Diouf. Il progresse quand on considère la qualité des sélections nationales: une équipe africaine capable de jouer les quarts de finale de la Coupe du monde, cela devient presque une norme. Au niveau local, par contre, il y a une véritable régression. Car, les compétitions nationales ne sont pas suivies et n’ont pas beaucoup d’intérêt. C’est un formidable paradoxe.»
Hormis quelques parieurs audacieux, peu auraient mis un franc CFA sur une victoire finale de la Zambie lors de la CAN 2012.
Mais, c'est un fait: en Afrique, il n'y a plus de petite équipe. Les nations qui servaient traditionnellement de faire-valoir ont décidé de ne plus se laisser faire.
Les «petits» se sont adaptés en se rapprochant d'un semblant de professionnalisme en embauchant des techniciens étrangers qui, à l'instar de l'Ecossais Bobby Williamson en Ouganda, viennent apporter leur rigueur.
Et le message passe d'autant mieux que de plus en plus d'internationaux africains évoluent en Europe, quand il n'y ont pas été tout simplement formés.
En finir avec le diktat des «grands noms»
Il existe également le syndrome de Dame Coupe. En affrontant les Samuel Eto'o et autres Didier Drogba, les internationaux des nations sans palmarès veulent scalper les grands noms.
La cartographie du football continental est donc en train de changer et les mondialistes d’hier ne sont plus sûrs d'en être demain.
Autre état de fait, le vieillissement des grandes équipes. Au terme de son fabuleux triplé, la sélection égyptienne dispose d'un effectif formidable mais fourbu, après ses longues campagnes continentales.
En 2010, Essam El Hadary a 37 ans, Wael Gomaa et Ahmed Hassan, 35... Les héros sont fatigués. Mais, la nouvelle génération, à l'image de Mohamed Zidan ou Mido, privilégie une carrière en Europe au détriment de la sélection, ce qui ne facilite pas le renouvellement générationnel.
Résultat, ce sont les moins de 23 ans qui ont fini les éliminatoires de la CAN 2012, de toute façon marqués par la révolution qui a conduit au départ du président Hosni Moubarak.
Les grands noms ont d'ailleurs parfois du mal à se motiver pour aller en Afrique: les voyages sont longs et rébarbatifs et certains semblent avoir les pires difficultés à trouver l'envie pour aller affronter l'Ethiopie, le Burundi, les Comores, le Swaziland ou bien l'île Maurice.
«Tout le monde a envie de réussir! Il faut toujours être à 200% dans la tête quand on tombe sur des conditions de jeu difficiles, comme gênés par l'état du terrain, la petitesse du stade, ou par la motivation du public», confirme Robert Nouzaret sur le site du magazine Okabol.
Et l'ancien coach de la Guinée, de la Côte d'Ivoire, de la RDC ou du MC Alger peut également témoigner d'un véritable problème africain: l'instabilité technique.
Véritables spécialistes dans les changements, intempestifs, d'entraîneurs, les équipes africaines vivent dans une obligation certaine de résultats guère propice à l'établissement d'un projet sur le long terme.
Nicholas Mc Anally
A lire aussi
La fascinante guerre du foot de Nairobi
Comment sortir le football africain de la dictature