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Les Nobel que l'Afrique mérite

Les prix Nobel ne fleurissent guère en Afrique. Et si l’on créait des Nobel inspirés de l’actualité du continent? Texte et dessin de Damien Glez.

Mise à jour du 12 octobre 2012: Le prix Nobel de la paix a été attribué à l'Union européenne, qui a, selon le comité norvégien, "contribué au cours de ces six dernières décennies à la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'Homme en Europe".

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Comme chaque année depuis 1901, les jurys sont de sortie dans la péninsule scandinave, en attendant décembre pour les dorures et les nœuds papillons blancs.

L’inventeur de la dynamite, Alfred Nobel, récompense, de façon posthume, les «personnes ayant apporté le plus grand bénéfice à l'humanité».

Comme chaque année, le scepticisme est de rigueur, quand on sait qu'Adolf Hitler fut un temps «nominé», en 1939, pour le prix Nobel de la paix; et quand on sait que Barack Obama, big boss d’un pays deux fois en guerre, l’obtint avant d’avoir commencé à faire quoi que ce soit de concret pour le silence des armes. Comme il y a les procès d’intention, il y a les prix d’intention…

Le scepticisme se lit notamment sur les visages africains. Si les prix firent plus de 800 lauréats, les récipiendaires africains se comptent sur les doigts de trois mains (si l’on met de côté le prix «collectif» de Mohamed El Baradei (directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, de 1997 à 2009 et lauréat en 2005).

On se souvient de la Kényane Wangari Maathai, du Ghanéen Kofi Annan, des Sud-Africains Nelson Mandela, Desmond Tutu et Frederik De Klerk, de l’Egyptien Anouar El-Sadate, de la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf ou du Nigérian Wole Soyinka (prix Nobel de littérature en 1986).

Les prix Nobel comportent cinq catégories: physique, chimie, médecine, littérature et paix auquelles s’ajoute le presque prix Nobel d’économie, en réalité «prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel».

L’Afrique semble spécialisée dans la plume d’oie et le rameau de colombe, plutôt que dans le tube à essai ou le bistouri. Elle n’a remporté que des prix non-scientifiques —paix et la littérature— à l’exception d’un prix Nobel de médecine décerné à Max Theiler, médecin… américain d'origine sud-africaine et un prix Nobel de chimie accordé à Ahmed Zewail, Egyptien et… Américain.

Nul doute que l’Afrique aurait davantage été primée si l’on avait créé un prix Nobel d’athlétisme ou un prix Nobel des danses de fesses. Mais ne cédons pas au racisme anti-racistes-anti-blancs

De toute façon, il a été décidé, en 1968, de ne plus ajouter de nouvelle catégorie, bien qu’ait été suggéré un prix dédié à l’écologie et à l’environnement.

D’ailleurs, lorsqu’on accorda leurs prix de la paix à Wangari Maathai et à Al Gore (ancien vice-président américain), n’était-ce pas davantage pour leur contribution au remisage des machettes comme outil de déboisement que comme arme de destruction massive?

Pas de nouvelles catégories, donc. Pourtant, l’actualité africaine offre des performances exceptionnelles qui auraient pu susciter cinq autres récompenses, même si ce ne sont pas toujours les natifs du continent qui auraient été nominés:

1 – Le prix Nobel de la cupidité 2012 décerné à Julio Iglesias.

«Yé n’ai pas sangé, yé souis toujours cé jeune homme argenté…» pourrait chanter le chanteur de charme espagnol.

Le 8 octobre, l’ancien beau donnait un spectacle au Palais des congrès de Sipopo, à Malabo, en Guinée équatoriale.

Prix de la place pour le concert: 500.000 francs CFA, soit 750 euros. Il est vrai que dans l’ancienne colonie espagnole, la culture n’a pas de prix, ou plutôt si: un prix à l’Unesco

A bien y réfléchir, ce n’est peut-être pas la cupidité qui devrait être retenue contre Iglesias qui ne contrôle sans doute pas toute la chaîne de l’organisation.

De plus, ponctionner la jet set du troisième producteur africain de pétrole, c’est presque faire œuvre de Robin des bois: voler aux riches pour donner… aux riches.

Le plus troublant est de voir des stars s’acoquiner avec des dirigeants peu recommandables. Or, le concert de la vedette ibérique a été organisé par une société appartenant au fils aîné du président, Teodoro Nguema Obiang.

Des associations comme Human Rights Watch se sont insurgées, comme elles le firent en 2008, quand une autre star romantico-kitsch des seventies, Mireille Mathieu, allaient roucouler devant Mouammar Kadhafi et Vladimir Poutine.

Il faut les comprendre, les “rossignols”: le prix Nobel de la musique, parfois évoqué, n’a jamais été mis en place…

2 – Le prix Nobel de la vacuité 2012 décerné à Zahia Dehar.

La **** d’origine algérienne qui se fit ******* par les ****** footballeurs de l’******* équipe de France 2010 a réussi l’exploit de devenir quelqu’un en restant personne.

La preuve en est qu’elle vient d’ester en justice pour usurpation d'identité. L’ex-escort girl s’en prend à une ancienne relation du monde de la prostitution qui a affublé du prénom de Zahia un sosie de la fausse blonde vraie pulpeuse dans un clip diffusé sur Internet.

La jeune femme réclame 10.000 euros au titre des dommages et intérêts. Zahia mériterait autant le prix Nobel de la cupidité que celui de la vacuité. Un prix Nobel «de rien» à ne pas confondre avec le prix Nobel «pour rien» d’Obama…

3 – Le prix Nobel de la coiffure 2012 décerné à Yamina Benguigui.

Voilà la ministre française déléguée chargée de la Francophonie à nouveau sur les routes de la République démocratique du Congo, pour le sommet de la Francophonie.

Lors de sa visite préparatoire à Kinshasa, en juin dernier, la gestion de son brushing sous un climat tropical avait fait des gorges chaudes.

L’hebdomadaire français Le Point avait affirmé que Yamina Benguigui avait «exigé que l’ambassade de France en RDC mette à sa disposition un coiffeur pendant quatre jours».

Il est vrai qu’on ne plaisante pas avec les coiffures en Afrique. Démenti immédiat du service de presse du cabinet de la diva à la longue chevelure noire et, en écho, dénégation de l’ambassade évoquée.

La réalisatrice-ministre coutumière des lunettes fumées —officiellement pour «de graves problèmes aux yeux»— n’aurait demandé qu’un petit coup de peigne «peu de temps avant de rencontrer le président Kabila et sa femme».

Son coiffeur de Kin’ lui coupera-t-il cette fois les cheveux en quatre lors de son nouveau séjour congolais, au moment où l’on s’arrache les cheveux à Kinshasa, à la suite des déclarations de François Hollande qui, le 9 octobre, jugeait «inacceptable» la situation de la RDC «sur le plan de démocratie»?…

4 – Le prix Nobel de la décoration intérieure 2012 décerné à Jacob Zuma.

Encore un prétendant aux futurs prix Nobel de la cupidité: le journal sud-africain City Press vient de publier des documents qualifiés de «top secret» qui indiquent que le président sud-africain prévoirait de dépenser 18 millions d’euros d’argent public pour faire rénover sa résidence rurale privée, à Nkandla au KwaZulu Natal.

Il n’injecterait personnellement dans le projet que 5% du coût des travaux. La rénovation incluerait notamment un héliport, un parking souterrain et une clinique personnelle.

Il faut dire que la résidence héberge ses quatre épouses et sa kyrielle d’enfants. Chacune des femmes disposerait de son propre baraquement relié à la maison centrale par des couloirs souterrains. En traversant ceux-ci, elles comprendront un peu le confinement que vivent les mineurs de Marikana

5 – Le prix Nobel de l’opiniâtreté 2012 décerné à Blaise Compaoré.

Ce 15 octobre, le président du Faso célèbre ses 25 ans sur le trône burkinabè, anniversaire qui fait de lui le doyen incontesté de l’Afrique de l’Ouest et qui classe son règne à la sixième place, en Afrique, en termes de longévité.

Sur le continent, le quart de siècle au pouvoir n’est dépassé que par Teodoro Obiang Nguema, José Eduardo dos Santos, Robert Mugabe, Paul Biya et Yoweri Museveni. Le secret du successeur de Thomas Sankara?

Une implication de moins en moins controversée dans les conflits voisins, en tant que médiateur, ce qui lui évite de mettre les mains dans le cambouis national; et l’éternelle discrétion —particulièrement autour de cet anniversaire— pour ce piètre orateur sur qui tout semble couler comme sur les plumes d’un canard. Même les mutineries de sa chère armée.

Le canard deviendra-t-il le pigeon de la Constitution qui lui interdit, pour l’instant, de se présenter à la présidentielle de 2015? «Si ce n'est toi, c'est donc ton frère», dit la fable Le loup et l’agneau. Qui est le loup? Qui est l’agneau?

Damien Glez


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Damien Glez

Dessinateur burkinabé, il dirige le Journal du Jeudi, le plus connu des hebdomadaires satiriques d'Afrique de l'Ouest.

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