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Pourquoi Accra et Abidjan ne se regardent plus en chiens de faïence
La réouverture des frontières entre le Ghana et la Côte d'Ivoire laisse perplexe. Que s'est-il passé entre ces deux pays qui se regardaient avec une certaine méfiance, il y a encore peu de temps?
Les autorités ivoiriennes ont-elles obtenu satisfaction dans leur bras de fer avec le Ghana?
En tout cas, la réouverture de la frontière entre les deux pays montre que quelque chose s’est passé.
Au nombre des acquis, le ministre de la Défense ivoirien annonce:
«Les deux pays frères ont renforcé leur dispositif de sécurité le long de la frontière commune en vue d’empêcher toute incursion.»
Il ajoute aussi que les deux chefs d’Etat «sont restés en contact permanent».
En d’autres mots, la Côte d’Ivoire se satisfait de la crise diplomatique qu’elle a elle-même créée, pour faire prendre conscience au Ghana de son rôle dans les attaques des pro-Gbagbo.
Elle a donc eu une oreille attentive de la part des Ghanéens. Cela s’est traduit aussi par l’extradition, récemment, d’Ivoiriens piégés par la police ghanéenne pour tentative d’achats d’armes.
Faut-il pour autant conclure que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes entre les deux pays? Ce n’est pas sûr. Il faudra d’autres signaux pour briser le mur de glace.
Accra face à ses responsabilités
En prenant la décision de la fermeture de ses frontières, Alassane Ouattara a traduit son ras-le-bol face à la passivité du Ghana dans les pratiques séditieuses de certains proches de l'ancien président Laurent Gbagbo.
Une mesure extrême certes, mais qui a eu le don de placer cette affaire des réfugiés ivoiriens au cœur de l’actualité politique ghanéenne.
Par ailleurs, le dessein inavoué pour la Côte d’Ivoire, était, sans doute, de mettre Accra face à ses responsabilités, sinon face à ses propres populations.
Ces dernières sont, en effet, les premières victimes de la fermeture de la frontière et n’auraient pas manqué, à long terme, de demander des comptes à leurs dirigeants.
Surtout, elles se demanderaient s’il vaut la peine d’héberger des exilés au risque de compromettre la coopération entre deux pays frères.
Face à ces risques, les Ghanéens ne pouvaient que donner des gages de bonne volonté, afin de desserrer l’étau à la fois sociale, politique et sécuritaire. Un autre test attend toutefois le Ghana, à savoir l’affaire Katinan Koné.
En attendant le procès Katinan Koné...
Le 11 octobre 2012 verra, en effet, une nouvelle comparution de l’ex-porte-parole de Gbagbo, réclamé à cor et à cri par Abidjan.
On attend de voir si le mandat d’arrêt international lancé par la Côte d’Ivoire sera suivi d’effet ou pas.
En tout cas, de son exécution ou non dépendra en grande partie le retour de la confiance entre les deux pays voisins.
Il est donc évident que malgré les sourires de circonstance, la Côte d’Ivoire attend un acte fort comme l’extradition de Katinan Koné, pour sceller un nouveau pacte avec son voisin.
De son côté, le gouvernement ivoirien doit travailler à rassurer les lobbys ghanéens soutenant la cause des pro-Gbagbo.
Ils sont très puissants, parfois très fanatisés et n’en démordront pas, tant que la pression ne baissera pas sur leurs protégés. A Alassane Ouattara donc de savoir mettre de temps en temps la pédale douce.
Mahorou Kanazoé (Le Pays)
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