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La corruption, ce mal qui gangrène l'Algérie
Pour le chroniqueur Fayçal Anseur, la solution au problème de la corruption en Algérie passe par l'instauration d'un véritable Etat de droit et d'une justice impartiale.
Elle infecte chaque jour des milliers de personnes à travers le territoire national.
La maladie a fait son apparition à partir de 1962, dans la liesse des villas vacantes et de l’opulence que promettaient les champs de Hassi Messaoud (nord-est de l'Algérie, à 800 km d'Alger, la capitale).
Elle s’est développée dans les années 80, avec la fin du modèle socialiste et le début de l’ère des privatisations et du commerce juteux avec l’étranger.
Devenue extrêmement contagieuse au début des années 90, étendant ses ramifications sous couvert de l’opacité de la décennie noire (années de braise qu'a connues l'Algérie, à partir de 1991), elle continue aujourd’hui à prospérer en adéquation avec les cours du pétrole.
Son virus a été conçu dans les officines d’un pouvoir occulte, qui en est le porteur numéro 0.
Celui-ci s’est appliqué à lui préparer le terreau où elle devait s’enraciner.
Je t'engraisse, tu m'engraisses
Il a commencé par répandre le virus dans le corps de la justice, ensuite dans les rouages du système économique et financier, pour enfin contaminer l’ensemble des instances de l’Etat et de la société civile, de l’école à la zaouia (annexe de la mosquée où est donné l'enseignement coranique) et du militaire à l'éleveur d’ovins qui s’engraisse autant qu’il engraisse ses moutons à la veille de l’aïd.
De quelle maladie s’agit-il? De la grippe porcine? Non, il s’agit d’un mal beaucoup moins récent.
Le virus de la maladie dont nous parlons existe certes dans tous les pays du monde, mais chez nous on ne s’en prémunit pas, bien au contraire, on s’y shoote volontiers tels des junkies.
Il est question de la maladie de la corruption, qui est en passe de devenir une pandémie nationale.
Elle n’épargne pour l’instant que les enfants jusqu’à l’âge de raison, et les gens honnêtes de tout âge. Dans notre pays, on la combat par les discours tout en veillant à l’encourager dans les faits.
Dans la sphère des décideurs et de leurs intermédiaires directs et indirects, celles et ceux qui en sont atteints, présentent les symptômes suivants: un nationalisme surfait, une ferveur religieuse ostentatoire et une opposition politique préfabriquée.
Chez le peuple, en revanche, la maladie de la corruption est décrétée haram (péché) dans les mosquées, dénoncée copieusement dans les discussions de cafés; elle est toujours la faute de l’autre, mais jamais le résultat de nos propres démissions.
Le diktat de la tchipa
Pourtant, hypocritement, beaucoup y recourent en catimini, pour éviter une tracasserie administrative, falsifier un dossier pour l’acquisition d’un logement social ou faciliter la transit d’une marchandise douteuse par la douane.
C’est une corruption passive, admise et intériorisée par l’inconscient collectif, comme étant une pratique «normale» dictée par les nouvelles mœurs de la cité. Il faut graisser la patte partout, sortir la tchipa (forme de bakchich), ce nouveau sésame qui ouvre tellement de portes.
Est-ce qu’il existe un vaccin contre la corruption? Sans doute que oui. D’autres pays ont réussi à la circonscrire à défaut de la vaincre complètement.
La corruption est le résultat de deux problèmes majeurs concomitants: l’injustice sociale et l’impunité.
En Algérie, on souffre des deux. Le remède: l’instauration d’un Etat de droit doté d’une justice impartiale.
Et pour commencer, si on arrêtait déjà de nous voiler la face: s’il existe aujourd’hui tellement de corrompus en Algérie, c’est qu’il y a forcément autant de corrupteurs.
Fayçal Anseur (Algérie-Focus)
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