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Le rap du président-candidat Museveni
Une campagne électorale pour le moins originale afin de séduire la jeunesse ougandaise.
Mise à jour du 18 février : Le président Yoweri Museveni est en campagne pour effectuer un nouveau mandat à la tête de l'Ouganda. Le chef de l'Etat ougandais utilise des méthodes hétérodoxes pour séduire la jeunesse : du hip hop. Le succès de son tube "Do you want another rap" est tel dans les boites de nuit de Kampala, la capitale de l'Ouganda que le président Yoweri Museveni souhaite sortir rapidement un album de rap.
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Le visiteur qui débarque en Ouganda par ces temps n’aura pas besoin d’aller loin pour s’apercevoir que le pays vit dans l’effervescence des campagnes électorales. Trois élections, du coup, ont lieu le 18 février 2011: les municipales, les législatives et les présidentielles.
Une économie substantielle pour l’Etat à travers ce couplage dans un pays africain pauvre comme l’Ouganda, contrairement à bien des pays qui dépensent énormément pour des élections généralement contestées au lendemain même de la proclamation des résultats. Que ce soit à Kampala, Entebbe, Jinja, Kissoro, Mbarara, Masaka, Kibale, NKuringo ou dans n’importe quel hameau où je suis passé, il est impressionnant de voir à quel point les populations s’intéressent à ces échéances électorales. Les affiches des différents candidats sont omniprésentes. Et le débat a droit de cité, fortement relayé par le pluralisme politique et médiatique du pays.
L'opposition ougandaise y croit
Pour une fois, l’opposition au président Yoweri Museveni —au pouvoir en Ouganda depuis 24 ans— veut bien y croire et exige des scrutins justes et transparents. Aussi bat-elle le rappel de ses militants et sympathisants avec l’espoir d’une alternance à l’issue des joutes électorales. Entre autres candidatures, il convient de mentionner celles du plus ancien parti politique ougandais, en l’occurrence le Congrès du peuple ougandais (UPC) de Olara Otunu, un ex-vice-secrétaire général des Nations unies, du Forum pour le changement démocratique (FDC) de son éternel rival, Dr. Kizza Besigye, de l’Alliance fédérale pour l’Ouganda (UFA) de Mme Olive Beti Kamya, du Parti populaire pour le développement (PDP) de Dr. Abed Bwanika, du Parti démocratique (MDC) de Me Norbet Mao, du Parti populaire progressiste (PPP) de Jaberi Bidamdi Ssali; et des indépendants comme Gideon Tugume, Drake Sebunya, Samuel Lubega. Seulement voilà: le rapport de forces entre la dizaine de prétendants au fauteuil présidentiel et le titulaire actuel n’est pas le même.
Le président rappeur
Déjà au cœur de Kampala, la capitale de l’Ouganda, qui grouille de la grande partie des 33 millions d’habitants que compte ce pays d’une superficie de 236.040 km², de grands panneaux publicitaires lumineux ne passent pas inaperçus. A longueur de journée, ils font défiler en boucle des images du président-rappeur qui célèbrent ses grands acquis. Ainsi peut-on lire que le président-candidat est l’homme qui a vaincu une vingtaine de rébellions dans le pays, assuré la paix et la stabilité, et va s’occuper maintenant d’offrir à ses compatriotes de meilleurs services et des emplois.
L’homme fort de Kampala, qui fait également figure de leader dans cette Afrique de l’est aussi tourmentée qu’instable, sait que son seul adversaire, c’est l’usure du pouvoir, et son plus grand défi la mobilisation d’un électorat jeune de plus en plus en plus majoritaire. Rien d’étonnant donc qu’il se soit découvert des talents de rappeur au cours d’un meeting de son parti, le Mouvement national pour la résistance (NRMO), à l’instar des stars ougandaises du genre.
«Ye…Ye…Ye…Ye…Let me dedicate to you my rap… Natema akati… Kalala…»
Il n’en fallait pas plus pour que le président Yoweri Museveni ajoute un autre mérite à la longue liste de ses actions en devenant aussi MC Museveni. Car ces paroles reprises et mixées avec l’un de ses discours par les superstars du rap ougandais Eddy Kenzo et GNL Zamba ont un succès inattendu. «Nous devons garder intactes nos traditions… Mettre nos poèmes en chansons afin qu’ils ne soient pas oubliés» a lancé Yoweri Museveni au peuple ougandais.
Le vieux renard de la politique ougandaise sait qu’il vient de faire un grand coup médiatique, à la différence de ses adversaires. Selon David, un Ougandais qui tient une agence de safaris dans ce pays très touristique:
«Ces élections sont inédites en ce qu’elles suscitent un grand engouement, et la bataille sera très dure. Mais il n’y a pas de doute que Yoweri Museveni sera réélu avec le petit coup de pouce des jeunes qui ont adopté son rap.»
Comme quoi, il y a toujours un moyen de faire de la politique autrement que par la guerre, et de parvenir quand même à ses fins. D’ici à ce que d’autres présidents africains suivent la tendance, il n’y a évidemment qu’un pas. Eux qui étaient jusque là plutôt habitués à faire chanter leurs louanges par d’autres.
Marcus Boni Teiga à Kampala