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Un film anti-musulmans qui n'a rien d'innocent
Le long métrage tourné aux Etats-Unis, dont des extraits sont diffusés sur Internet, a provoqué colère et violences dans les pays musulmans. Les médias arabes aussi s'enflamment.
Mise à jour du 8 novembre: Nakoula Basseley Nakoula connu également sous le nom de Mark Basseley Youssef est sous les verrous.
L'auteur du film L’innocence des musulmans, qui avait déclenché une vague de violences meurtrières dans les pays arabes, a été condamné, le 8 novembre, à un an de prison, rapporte le quotidien américain Los Angeles Times.
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«Je compatis à la douleur des musulmans», a assuré l'évêque Mounir Hanna, de l’Eglise épiscopale égyptienne, dans le quotidien Al-Ahram, le 13 septembre. Il condamne fermement le film L’innocence des musulmans, qui a enflammé les pays arabes. Satire grossière à petit budget et doté d'un scénario confus, le film réalisé aux Etats-Unis présente le prophète Mahomet «comme un imbécile, un homme à femmes et un imposteur».
«La Bible réprouve ces offenses», a ajouté l'évêque.
Offenses qui ont coûté la vie de Christopher Stevens, l'ambassadeur américain en Libye ainsi que trois autres fonctionnaires le 11 septembre, lors de l'attaque du consulat des Etats-Unis à Benghazi qui a été «justifiée» comme une représaille au film.
En Egypte, les chrétiens soutiennent les musulmans
Dans la presse égyptienne, l'accent a été mis sur la ou les réactions de Eglise face à cette polémique qui ne cesse d'enfler. Mounir Hanna critique dans Al-Ahram le manque de restriction à la liberté d’expression en Occident. Selon lui, elle autorise trop souvent des écrivains ou réalisateurs à attaquer des figures importantes de n’importe quelle religion monothéiste. «Le film Da Vinci Code est injurieux à l’égard du christianisme», s’est-il plaint.
Selon le quotidien Al-Yawn al-Sabi, repris par la BBC, la communauté des chrétiens coptes d'Égypte a pris ses distances vis-à-vis du film.
Cette communauté rejette «toute tentative d'insulter ou de montrer du mépris en vue de déclencher la sédition entre les religieux au niveau international» écrit le journal. Une prise de position d'autant plus importante que le film aurait été produit et promu par des extrémistes coptes égyptiens basés aux États-Unis.
«Les expatriés coptes insultent les coptes d'Égypte: vous êtes des lâches», tirait en une le journal pro-gouvernemental égyptien Rose al-Yusuf du 12 septembre.
Après avoir brûlé un exemplaire de l'Evangile, un leader salafiste égyptien a pour sa part brandi une lourde menace: uriner sur la Bible, dévoile le site tunisien Kapitalis. Le leader n'est autre qu'Ahmad Abdallah (alias cheikh Abou-Islam), patron d'Al Omma, fondateur en juin 2012 de la première chaîne de télévision 100% niqab. C'est dans une vidéo que l'homme déverse sa haine en criant au milieu de la foule, «Œil pour œil et dent pour dent».
Des villes arabes s'embrasent de colère
La consternation et l'outrage qu'a suscitées ce film ont poussé dans la rue de nombreux manifestants, souligne le média qatari Al-Jazeera. La colère s’est répandue comme une trainée de poudre. Le 13 septembre à Sanaa (Yémen), au Caire (Egypte), à Téhéran (Iran) et à Najaf (Irak).
Des voitures de diplomates ont brûlé, des heurts entre manifestants et forces de l'ordre ont également explosé. Un Yéménite est mort et cinq autres personnes ont été blessées.
Pourtant, le film ne serait pas l'unique responsable de cette flambée de violence, et surtout de l'attaque de l'ambassade américaine à Benghazi. C'est le quotidien algérien L'Expression qui soulève cette question:
«Il convient de noter, toutefois, que si cette explosion de violence aurait eu pour origine le film insultant réalisé par un Israélo-Américain, il faut également relever que cette attaque intervient le jour de la célébration du 11e anniversaire du 11 Septembre 2001 qui a vu la destruction des deux Tours Jumelles de New York. Fait anodin ou coïncidence? Il n'en reste pas moins que cette attaque contre une institution américaine ce jour précisément, induit nombre de questionnements», note le journal.
Questionnement que se pose probalement Washington. D'ailleurs dans un message urgent adressé aux ressortissants américains en Algérie, l'ambassade américaine explique que des groupes non identifiés ont lancé des appels via les réseaux sociaux pour organiser des manifestations devant les bureaux de l'ambassade à Alger.
Dans El Watan, le gouvernement algérien par la voix d’Amar Belani, porte-parole du ministre des Affaires étrangères a exprimé son émotion et sa révulsion par rapport à ce film.
«Les outrages aux symboles religieux sacrés, quels qu’ils soient, ne peuvent que susciter réprobation et indignation car ces provocations visent à attiser la haine et les tensions et à contrarier les efforts menés au niveau international dans le cadre du dialogue des civilisations et des religions», lit-on dans la déclaration rapportée par le journal algérien.
Ennahda épargne son allié américain
Selon Al-Jazeera, Youtube a refusé de retirer les vidéos mises en ligne sur son site, mais a bloqué l'accès de ces vidéos dans certains pays comme l'Afghanistan et le Pakistan.
Au Maroc, ce sont des hackers, les «Maroccan ghosts» qui se sont chargés de le faire. Ils ont piraté le site International Coptic Assembly où le film était diffusé en ligne. En lieu et place du film, une page noire s’affiche avec la profession de foi musulmane et un verset du Coran, indique le webzine marocain Yabiladi.
En Tunisie, le gouvernement a dénoncé dans un communiqué rendu publique la diffusion du film la considérant comme étant une atteinte aux sentiments de tous les Musulmans, rapporte le site Tunisie Numérique.
Le webzine tunisien Kapitalis s'interroge également sur l'attitude à géométrie variable d'Ennahda. L'article met en avant l'absence de réaction du parti islamiste au pouvoir. Il s'interroge en titre: «Pour Ennahda, l’appui américain vaut-il bien… une offense au prophète?»
«Souvent prompt à monter au créneau pour dénoncer les «atteintes au sacré» (venant d’un artiste ou d’un cinéaste tunisien), Ennahda s’est bien gardé cette fois, s’agissant de ses alliés américains, d’appeler à manifester devant l’ambassade des Etats-Unis à Tunis pour dénoncer le film L’Innocence des musulmans», écrit le journal.
Et Kapitalis de conclure «Ennahda a, au contraire, appelé ses troupes à ne rien faire».
Maïmouna Barry
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