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Tunisie: Comment Ghannouchi viole les esprits
Pour le journaliste et écrivain tunisien Taoufik Ben Brik, le parti islamiste au pouvoir, Ennahda, dirigé par Rached Ghannouchi, verrouille dangereusement la Tunisie.
«Ghannouchi bande.»
A intervalles réguliers, la rue, à Tunis, rapporte cette nouvelle d’une énième crispation des nahdhaouis, annonciatrice de nouvelles arrestations, de brimades quotidiennes, de procès pipés, d’assauts contre les dernières tranchées des libertés et de très probables manipulations et autres viols des esprits.
Comme si cette métaphore X n’était pas votre clé pour interpréter les intentions du Cheikh pour qui «la seule liberté, c’est sa liberté de tyranniser». Comme si le langage impudique n’était pas votre seul recours lorsque tout périclite autour de vous.
Des manifestants traités en merguez
De nouvelles en nouvelles, depuis son arrivée au pouvoir, Ghannouchi tisse une nouvelle politique où la société civile serait vissée, donc bâillonnée et où on ne compterait ni opposition, ni presse indépendante, ni parti, ni ordre d’avocats, ni juges indépendants, bien sûr, personne n’oserait y croire.
Pratiquement, ce serait une junte religieuse. Qu’à cela ne tienne. Le 5 août, la nuit en plein centre-ville, ce fut un délire contre une minorité de militants. L’avenue Habib-Bourguiba est quadrillée par la police. Poursuites, coups de matraques, encerclement: en 15 minutes, c’est la débâcle…
Un policier commente par la suite l’opération en ces termes:
«Imaginez que les manifestants soient des merguez: vous les embrochez au milieu et ça ressort par les deux bouts.»
Aujourd’hui, c’est la liberté de se déplacer librement à l’intérieur du pays, la liberté de recevoir qui l’on veut chez soi, de s’attabler dans un café, qui ne sont pas garanties.
Les malabars de Ghannouchi
Le poète Ouled Ahmed a été tabassé en plein jour, dans un café au coin de la rue. Une réunion du parti Nida Tounes a été prise d’assaut par une bande de salafistes, les malabars de Ghannouchi.
Mois d’août… Le mois tapageur finissait ses dernières journées de doute avec l’interdiction de voyage d’Ayoub Messaoudi, le conseiller du président démissionnaire.
Un autre coup bas avait été ressenti par la rue survoltée: l’incarcération de Sami Fehri, le patron de la chaîne de télévision Ettounissia. Plus bas encore: l’intronisation d’un commissaire de police à la tête du quotidien arabophone Essabeh.
Ils veulent en découdre. Que dit alors la rumeur à Tunis? Que cheikh Rached s’est réveillé une nuit de ramadan —probablement le 27— en hurlant et en se mordant les doigts:
«Comment ai-je pu laisser ces enfoirés de mécréants —Koufar— me contraindre à leur céder du terrain? Comment ai-je pu composer avec eux, alors que je peux leur tordre le cou en moins de deux.»
Et comme sous l’emprise d’une révélation, il se dit: «Mais je suis le Calife!»
Folie de Grandeur. Premiers pas vers la chute. Le Crépuscule des dieux. De tout cela, certaines choses vont rester, d’autres sombreront pour toujours. A chacun de décider lesquelles.
Taoufik Ben Brik
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