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Côte d’Ivoire: La morale du changement...
Selon Venance Konan, la véritable transformation du pays ne se réalisera pas sans la participation de tous les Ivoiriens
Nous l’attendons, le changement promis par le Chef de l’Etat. Et notre impatience est à la hauteur des espérances que nous avons placées en Alassane Ouattara.
Après dix années passées dans les ordures, le laxisme, l’impunité, la gabegie, dix années passées à inverser toutes nos valeurs, à faire l’apologie de brigands et malandrins, oui, nous aspirions au changement. Et nous attendons du Chef de l’Etat qu’il nous l’apporte.
Mais, avant d’en arriver au Chef de l’Etat, nous devrions peut-être d’abord nous poser la question de savoir quel changement nous voulons.
Que voulons-nous voir changer? Notre environnement? Des villes et villages plus propres, plus salubres? C’est une aspiration légitime, un droit que nous pourrions opposer aux gouvernants.
Qu’ai-je moi-même fait?
Mais avant d’arriver à leurs bureaux, nous gagnerions peut-être à répondre à des questions simples:
Qu’ai-je fait, à mon modeste niveau, pour rendre mon environnement propre? Ai-je balayé devant ma porte? Ai-je nettoyé la rue qui passe devant ma maison? Ai-je arraché les herbes qui envahissent mon arrière-cour?
N’ai-je pas jeté dans la rue mon sac plastique, mon kleenex usagé, le morceau de journal qui enveloppait ma banane braisée? Je veux une ville qui sente bon, où l’air est pur, comme j’en ai vu en Europe ou en Amérique?
Oui, c’est un droit. Mais comment l’obtiendrai-je si je fais mes besoins en plein air, au bord d’une rue, si je déverse mes eaux usées sur le trottoir, si je ne plante pas une fleur devant ma maison?
Combien cela me coûte-t-il de le faire?
Il n’y a pas assez de routes, pas assez d’écoles, pas assez de centres de santé, pas assez de travail pour tous nos jeunes frères qui sortent de l’école, de l’université.
Il n’y a pas assez d’argent pour faire face à la vie qui devient de plus en plus chère. Oui, cela est vrai.
Ai-je bien accompli ma tâche?
Mais avant d’aller exprimer ma colère ou ma grogne dans une grève, je ferais peut-être mieux de me poser cette question que feu Houphouët-Boigny avait l’habitude de poser:
«Ai-je fait, bien fait pour mon pays ce que je devais faire?»
Oui, ai-je fait, bien fait pour mon entreprise, mon administration, tout ce qu’il fallait pour qu’elles aient des raisons d’augmenter mon salaire?
N’ai-je pas passé plus de temps à causer avec les camarades de bureau qu’à travailler réellement? N’ai-je pas passé plus de temps à des enterrements de parents et d’amis que sur mon lieu de travail?
N’ai-je pas un peu ou beaucoup surfacturé certaines dépenses de mon entreprise, de mon administration, sous prétexte que c’est ce que tout le monde fait et qu’on n’est pas venu à Abidjan pour regarder la mer?
Nous voulons un pays de paix? Il le sera si je contiens mes passions, si je m’abstiens de prendre une arme contre mon voisin, contre quiconque, quel que soit notre différend.
Oui, nous voulons le changement. Mais si nous voulons que le monde change, nous devons commencer par changer nous-mêmes. Car le monde n’est que ce que chacun de nous en fait.
Les petits ruisseaux font les grandes rivières
Une ville propre n’est pas celle que l’on balaie le plus souvent, mais celle que ses habitants ne salissent pas. Nous nous extasions devant la propreté de certaines villes européennes, et plus près de nous, devant Accra. Les Ghanéens ne passent pas leurs journées à balayer leur ville.
Ils s’abstiennent tout simplement de la salir, et nous, Ivoiriens, lorsque nous arrivons dans cette ville, nous sommes gênés de jeter le moindre bout de papier par terre. Non pas parce qu’un quelconque Gendarme nous empêche de le faire, mais parce que notre conscience nous indique que seuls des gens mal élevés pourraient salir des rues aussi propres.
Pourquoi notre conscience ne nous conseille-t-elle pas la même attitude quand il s’agit de notre propre environnement?
Pourquoi notre conscience nous commande-t-elle, lorsque nous travaillons, vivons ou sommes de passage en Europe, de respecter scrupuleusement les biens et deniers publics, et le contraire lorsqu’il s’agit de notre propre pays?
Si je plante des fleurs devant ma maison, j’aurai une maison agréable à regarder de l’extérieur. Si tous mes voisins de rue plantent aussi des fleurs, nous aurons une belle rue.
Si tous les habitants du quartier plantent eux aussi des fleurs, nous aurons un beau quartier. Notre quartier n’aura été que ce que nous aurions voulu qu’il soit. Et notre pays ne sera rien d’autre que ce que nous voudrions qu’il soit.
Nous demandons à Alassane Ouattara de changer notre pays. Il y parviendra lorsque nous aurons nous-mêmes changé. Ce n’est pas un seul homme qui changera notre pays.
Notre pays changera lorsque chacun de nous aura effectué les changements nécessaires, à son propre niveau.
Venance Konan (Fraternité Matin)
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