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Attentat à Bauchi (Nord du Nigeria) le 3 juin 2012. REUTERS/Stringer .
Attentat à Bauchi (Nord du Nigeria) le 3 juin 2012. REUTERS/Stringer .

Où va l’Afrique de l’Ouest?

Les nuages s’accumulent au-dessus de plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, devenue la région la plus instable du continent. Il est urgent d’agir.

Mise à jour du 15 août 2012: Le Mali entend confier la sécurité des institutions à Bamako aux troupes nationales et pas à une force ouest-africaine en préparation pour ce pays dont le Nord est occupé par des islamistes armés, ont affirmé des responsables maliens à des chefs militaires ouest-africains.

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La situation dramatique dans le Nord-Mali, sous la coupe d’islamistes armés, n’est que le baobab qui cache la forêt de crises multiformes. L’Afrique de l’Ouest, dans sa grande majorité, va mal.

Petit tour des foyers de tensions qui menacent de déstabiliser encore davantage une région entière et durablement entraver sa marche vers le développement, tant politique qu’économique.

Nord-Mali: impuissance africaine

Où est la force de 3.300 hommes de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) censée partir à la reconquête du Nord-Mali? Encore dans les cartons. On en parle depuis des mois, mais les choses n’avancent guère malgré de multiples réunions au sommet.

Son mandat n’est même pas encore clairement défini. Et les pays prêts à envoyer leurs militaires au feu dans le Sahara face aux hommes bien armés et fanatisés d’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) ne se bousculent pas au portillon.

Cette force ouest-africaine devrait notamment assurer la sécurité des autorités de transition à Bamako. Mais les ex-putschistes ayant brièvement pris le pouvoir en mars restent très influents. Et ne voient pas d’un bon œil une intervention militaire étrangère.

Pendant que la situation se décompose lentement à Bamako sous le regard impuissant de l’Algérie, de la Cédéao, de l’Union africaine et des Occidentaux, les «fous de Dieu» ne perdent pas de temps et appliquent la charia à des populations terrorisées.

Des combattants islamistes venus du Nigeria, de Somalie ou même du Pakistan sont venus les renforcer. Un sanctuaire islamiste est en cours de formation au cœur du Sahara, aux portes de l’Algérie. Il serait temps de sortir de la torpeur estivale pour agir.

Nigeria: le nord s’embrase

Les attaques du mouvement islamiste Boko Haram se multiplient dans tout le nord du pays et même au-delà.

Depuis 2010, les islamistes ont tué plus de 1.400 personnes, selon l’ONG Human Rights Watch. Et le pouvoir d’Abuja, avec une armée particulièrement brutale, n’arrive pas à calmer le jeu.

La situation est en train de dégénérer dangereusement, les islamistes s’en prennent de plus en plus à la minorité chrétienne vivant dans le nord, tentant ainsi de déclencher un conflit de grande ampleur, à forte connotation religieuse, dans le pays le plus peuplé d’Afrique.

Les 160 millions d’habitants sont également répartis entre chrétiens (au sud) et musulmans (au nord). Les autorités tentent de calmer les esprits mais les attaques de mosquées se font plus fréquentes dans le sud.

Pour l’instant, la contamination islamiste de Boko Haram n’a pas traversé les frontières avec le Niger et le Cameroun. Et pour cause: des combattants trouveraient refuge dans les pays voisins.

Mais les connections entre Boko Haram, AQMI dans le Nord-Mali et les shebabs somaliens inquiètent de plus en plus. Il ne faut surtout pas que la «poudrière» nigériane explose.

Côte d’Ivoire: attention danger

La Côte d’Ivoire va mieux après avoir été au bord de la guerre civile en mars-avril 2011, après un douloureux conflit post-électoral. L’économie du premier exportateur mondial de cacao, du pays le plus riche de l’Afrique de l’Ouest francophone, se relève enfin. 

Mais des dossiers essentiels restent en chantiers, notamment celui de la réforme des forces armées.

La réconciliation avance trop lentement et les auteurs des crimes de la crise post-électorale n’ont pas été punis.

Certes Laurent Gbagbo est dans une cellule de la CPI (Cour pénale internationale). Mais est-ce suffisant pour réconcilier le pays? Non, bien sûr.

Mais, surtout ce qui est inquiétant, ce sont les récentes tentatives de destabilisation du pouvoir par des hommes armés.

Les 5 et 6 août, dix militaires ont été tués par des inconnus armés à Abidjan. Le pouvoir a immédiatement accusé des miliciens pro-Gbagbo. Certains observateurs ont toutefois évoqué de possibles dissensions au sein de la nouvelle armée. Où est la vérité?

L’ouest du pays reste en outre particulièrement instable. Début juin, des villages près du Liberia avaient été attaqués, faisant une vingtaine de morts.

Le 20 juillet, un raid contre des déplacés à Duékoué avait fait 11 morts. Le camp Gbagbo a été accusé, il a démenti  à chaque fois.

Le 13 août, nouvelles violences: un poste de l’armée ivoirienne, près du Liberia, a été attaqué par des hommes armés.

Cette succession d’attaques est lourde de menace pour la stabilité de la «locomotive» économique de la sous-région.

La Côte d’Ivoire et ses voisins n’ont pas besoin de cela. Ils ne peuvent pas relever le défi du développement sans paix, sans stabilité.

Il faut que le pouvoir ivoirien tende la main à ses ennemis d’hier. La réconciliation passe aussi par une justice pour tous et pas seulement pour les vaincus d’hier.

Guinée Bissau: putsch et coke

Pauvre Guinée Bissau. Le pays qui compte parmi les plus pauvres du monde, avec une grande partie de sa population qui survit dans des conditions misérables, n’arrive pas à sortir du cycle infernal de violences, de coups d’Etat (le dernier en date remonte au mois d’avril) et de pauvreté.

Sa principale richesse, la noix de cajou, pourrit même dans les entrepôts, faute d’acheteurs. Le manque à gagner va être énorme, ce qui risque de destabiliser encore plus le pays.

La Guinée Bissau est en outre devenue une base pour les trafiquants de cocaïne sud-américains pour acheminer leur marchandise en Europe.

Et plusieurs responsables civils et militaires seraient impliqués dans ce juteux trafic.

Si les choses dérapent, les violences risquent d’impacter la Casamance, toujours instable et la Guinée Conakry, encore en convalescence.

Sahel: malnutrition et criquets

Le Sahel va mal depuis plusieurs mois et cela pourrait encore empirer. La crise alimentaire s’aggrave chaque jour un peu plus et les maigres cultures devraient souffrir de l’arrivée des criquets pélerins.

La situation est alarmante mais la réponse internationale tarde. Plongée dans une grave crise économique, les pays occidentaux et, en premier lieu, l’Europe tardent à ouvrir les cordons de la bourse.

Les pays plus nantis, notamment les riches pays arabes ou asiatiques, ne se pressent pas pour aider le Sahel.

Résultat: l’appel aux dons d’1,3 milliard d’euros ne fait pas recette. A peine la moitié a été récoltée, selon l’ONU.

Trop peu et peut-être bientôt trop tard. Faudra-t-il attendre la diffusion sur les télévisions d’images insupportables? On espère que non.

Sénégal: l'exemple à suivre 

Faut-il alors désespérer de l’Afrique de l’Ouest? Décrire ces foyers de crise n’est pas céder à l’afropessimisme mais seulement faire un constat. La réalité est têtue. Mais heureusement certains pays sauvent la mise.

La secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a récemment vanté à Dakar le «modèle» démocratique du Sénégal.  

«Si quiconque doutait que la démocratie pouvait prospérer en Afrique, qu’il vienne au Sénégal», a-t-elle-même lancé.

On imagine sans peine le sourire que devait arborer le nouveau président sénégalais Macky Sall, le «tombeur» après avoir été son dauphin, d’Abdoulaye Wade.

Autre exemple pour l’Afrique de l’Ouest, le Ghana. Enfin, un pays qui sait allier forte croissance économique avec élections démocratiques.

Sénégal, Ghana: deux rares exemples pour l’Afrique de l’Ouest. On aimerait seulement qu’ils soient plus nombreux.

Adrien Hart 

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Adrien Hart

Adrien Hart est journaliste, spécialiste de l'Afrique.

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