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Côte d’Ivoire: plaidoyer pour une presse digne de ce nom
Le journalisme ivoirien doit s'affranchir un certain amateurisme qui le caractérise parfois et faire enfin sa révolution.
Mise à jour du 19 août 2012: Le siège du groupe éditant le journal ivoirien Le Temps, proche de l'ex-président Laurent Gbagbo et adversaire virulent du régime du président Alassane Ouattara, a été attaqué par des inconnus dans la nuit de samedi à dimanche à Abidjan.
Le local «a été attaqué par six hommes en civil, qui ont passé à tabac le vigile», a raconté à l'AFP, Yacouba Gbané, directeur de publication. Une salle du rez-de-chaussée a été incendiée, et les assaillants ont tenté sans succès de mettre le feu à deux autres bureaux.
L'attaque survient après l'expédition menée la veille à Abidjan au siège du Front populaire ivoirien (FPI), parti de M. Gbagbo, par des inconnus armés qui ont fait trois blessés légers.
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Des yeux d'un journaliste européen, la presse ivoirienne et même africaine apporte 1001 surprises. Des bonnes, par sa vitalité et sa combinaison entre «culture occidentale» et «culture africaine.»
Malheureusement le manque de professionnalisme qui découle d’une absence de formation et d’un amalgame entre information journalistique et militantisme politique donnent, une image très négative de notre presse.
Ces constats sont connus du milieu de la presse et constituent de fait, de grands défis que tentent de relever Fraternité Matin à travers sa nouvelle formule, ainsi que les nouveaux dirigeants de l’union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI).
Cette dynamique initiée par ces acteurs de l’information et de la communication doit susciter une succession de prise de conscience, de remise en cause et une évolution vers un professionnalisme.
Encore trop d’amateurisme
Tout ceci doit avoir pour objectif, de réconcilier la population avec la presse, mais surtout de la rendre plus crédible et plus moderne, tant sur le plan de l’esprit du journalisme, qu’au niveau technique.
Par exemple, les Ivoiriens ont pu voir le 26 juillet 2012 à une interview du président Ouattara, sur le perron de l'Élysée à Paris, le visage intégralement caché par un contre-jour mal géré par le journaliste reporter d'image de la télévision.
Trop souvent les reportages accusent des faiblesses techniques et journalistiques. Les images sont instables et floues. Cela donne une très mauvaise image de notre presse, surtout aux heures de grande écoute.
En presse écrite, tout le travail de recherche et d'analyse d'un article est aussi régulièrement réduit à néant par la mauvaise qualité du papier, une impression douteuse et des photos qui laissent à désirer. Il en va de même pour les reportages radiophoniques qui se doivent d'être parfait tant au niveau de la réalisation que de la rédaction.
Trop d’engagement, peu de moyens
Il manque malheureusement une bonne école de formation de journaliste en Côte d'Ivoire pour apprendre la rigueur nécessaire, l’éthique indispensable à la profession et une réelle motivation par amour du journalisme.
Jusqu’à présent, on devenait journaliste par défaut ou par militantisme politique. Cela a pour conséquence entre autre, une absence d’analyse sérieuse ou de critiques sur l'actualité, de manière objective, construite et argumentée.
À la décharge des acteurs des médias, ils sont très mal rémunérés, voire même exploités sous le prétexte qu’ils n’ont pas de diplôme de journaliste d’une part.
Et d’autre part, parce qu’ils contribuent au combat politique de telle ou telle formation politique dont ils partagent les idéologies. Dans ce cas, ils font de la communication politique et non de l’information.
Sans volonté, pas de changement
Alors, il faudrait une véritable volonté de changement des propriétaires, actionnaires ou dirigeants des organes de presse pour redonner le goût et le plaisir de s’informer, se cultiver et de découverte à la population.
Le développement démocratique, social et culturel de la Côte d'Ivoire ne peut se faire sans une véritable évolution des modes et techniques de l'information. Il est important que nos médias s’inscrivent dans l’ère de la modernisation des techniques nouvelles de l’information et de la communication qui évoluent très rapidement.
La presse possède ce pouvoir d'émouvoir, d’enrichir intellectuellement et culturellement, mais également de permettre une évasion dans la découverte de l’inconnu, en montrant des situations, des lieux, des arts, des cultures ou des peuples, soit que l'on connaît, soit que l'on ignore totalement.
La presse ivoirienne doit faire sa révolution
Pour que les médias publics redeviennent les médias du public, pourquoi ne pas donner davantage la parole aux citoyens? Des bidonvilles aux beaux quartiers, ceux-ci participent encore plus à la vie sociale et culturelle du pays autant que nos officiels en costume et col blanc.
La réconciliation nationale doit aussi donner la possibilité aux journalistes ivoiriens de s'exprimer plus librement en respectant le code de déontologie mis en place par la profession et non traduire les idéologies politiques des partis politiques.
Dans le monde, des milliers de journalistes exposent chaque jour leur vie pour pouvoir s'exprimer librement et informer. Aujourd’hui, les médias ivoiriens ont le devoir d'ouvrir les horizons de leurs concitoyens par un journalisme responsable et une évolution des mentalités et des possibilités de s’informer en se cultivant.
Macaire Dagry
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