mis à jour le

L'opposition sénégalaise se met en marche
Samedi 19 mars, marches et manifestations sont annoncées contre le régime d'Abdoulaye Wade. La date est symbolique: l'anniversaire de son arrivée au pouvoir en 2000. Le spectre d’une révolution hante les esprits à Dakar.
Depuis dix ans, les partisans du président Abdoulaye Wade célèbrent en grande pompe le 19 mars, date symbolique marquant l’accession du Pape du «Sopi» [changement en wolof, le slogan du parti de Wade lors de son accession au pouvoir en 2000] à la magistrature suprême. Cette année, ils ne seront pas seuls dans les rues pour rappeler cette date. 24 demandes d’autorisation de marche ont été déposées sur le bureau du préfet de Dakar.
Sidy Lamine Niasse, le président du groupe de presse Wal Fadjri, organise un sit-in sur la place de l’indépendance pour protester contre les impôts de plus de 200 millions de francs (304.000 euros) que lui réclame le fisc. A cet effet, il a rebaptisé place Tahrir la place de l’Indépendance située au centre-ville, en référence à la révolution égyptienne. Son initiative a occasionné une levée de boucliers de la part du pouvoir. Farba Senghor, le chargé de la propagande du Parti démocratique sénégalais (PDS), a révélé que Sidy Lamine Niasse aurait reçu 400 millions [608.000 euros] du pouvoir. Il s’agirait d’un dédommagement après que des nervis eurent saccagé les locaux du siège de son groupe. Cette révélation jette le trouble sur les motivations de l’initiateur de la marche de la place «Tahrir».
Le «Y en a marre» des rappeurs
Les jeunes rappeurs du groupe Keur Gui (la maison, en wolof) de Kaolack, ville située à 189 kilomètres au Sud-Est de Dakar, ont aussi lancé en janvier un mouvement de révolte appelé «Y en a marre». Ils ont commencé leur «offensive» durant le Forum social mondial. Ils comptent manifester le 19 mars pour marquer leur désapprobation et leur déception vis-à-vis d’Abdoulaye Wade. Début mars, ils ont lancé la première phase d’une opération dénommée «Mille plaintes contre le gouvernement du Sénégal» en présence d’Amath Dansokho, un des chefs de file de l’opposition sénégalaise. Ce mouvement de révolte entend déposer les plaintes des Sénégalais le 19 mars dans un lieu tenu secret. Comme les révolutionnaires tunisiens et égyptiens, ils utilisent Facebook pour faire passer leur message.
«50 ans après notre Indépendance, les musiciens changent mais c’est toujours la même musique. Les deniers publics sont gaspillés et les populations laissées en rade. Les promesses de l’alternance et du candidat Abdoulaye Wade semblent loin», constate Cyril Touré dit Thiat, un des membres du groupe.
Concert de casseroles
L’opposition a, elle aussi, annoncé son programme de protestation pour le 19 mars. Elle entend organiser un concert de casseroles, des marches dans les 45 départements que compte le pays et d’autres activités sectorielles.
Moustapha Niasse, le leader de l’Alliance des forces de progrès (AFP, opposition), s’en explique:
«L’heure est venue de mettre le holà au régime libéral de Me Wade. Ce devoir impérieux, nous devons l’accomplir, tous ensemble, en février 2012. La jeunesse de notre pays en général, la jeunesse de l’AFP et de Bennoo Siggil Senegaal en particulier, ont une place singulière dans ce combat.»
Ce combat résulte, selon Niasse, de la volonté de lutter «contre les injustices, contre la mal gouvernance, le gaspillage des ressources publiques, la corruption au sommet de l’Etat, le laisser-aller dans l’administration du pays».
Même son de cloche chez Talla Sylla, le tonitruant leader de l’Alliance Jef-Jel. Son mouvement dénommé Wallu (Au secours) compte marcher le 19 mars pour dénoncer la gabegie du régime libéral d’Abdoulaye Wade.
La France met ses ressortissants en garde
Ces manifestations prévues le 19 mars ne laissent pas la France indifférente. Paris demande en effet à ses ressortissants de ne pas sortir pendant cette journée.
L’organisation des Nations unies (ONU) a également rappelé aux autorités sénégalaises le droit de manifester inscrit dans sa loi fondamentale.
En évoquant le droit à la marche, le haut commissaire aux droits de l’homme a fait allusion à toute interdiction de manifester par l’autorité administrative. Dans ce contexte marqué par les révolutions arabes, les Sénégalais s’inquiètent ou espèrent une possible «contagion démocratique» venue du nord de l’Afrique.
Ndèye Khady Lo