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Libye: Hala Gezah, la sprinteuse qui ne veut pas aller aux JO
Hala Gezah représentera la Libye sur 100m aux JO. En tant que jeune Libyenne non voilée, elle a tous les atouts d'un symbole. Pourtant, elle s’y refuse, car elle estime qu’elle n’a pas sa place à Londres sur le plan sportif.
Vendredi 3 août 2012, à 10h40 (heure GMT), Hala Gezah devrait être la plus heureuse des athlètes libyennes. Elle pourrait être sur la piste du Stade olympique de Londres, à attendre le coup de feu qui donnera le départ des qualifications de l’épreuve du 100 mètres plat. Elle pourrait épier avec envie le couloir voisin, occupé, qui sait, par une star comme Veronica Campbell.
«Devrait», «pourrait», le conditionnel est important. Car à une dizaine de jours de l’événement le plus médiatisé au monde, Hala Gezah se moque un peu de ce battage.
«Ce sont les Jeux de l’ère nouvelle pour notre pays! Le monde entier verra enfin la vraie Libye, son vrai visage», s’enthousiasait ainsi le président du Comité olympique libyen, Nabil Elalem (enlevé le 16 juillet par des milices et relâché le 22 juillet).
C'est sûr, elle aurait (encore le conditionnel) de quoi être fière pour elle, pour son pays. Après tout, il y a encore un an la question était de savoir si Seif al Islam allait reprendre la succession de son père à la tête de la Libye. Hala préfère laisser les autres s’extasier du chemin parcouru.
Mais il y a le sport. Etre légitime sportivement, voilà pourquoi Hala préfère rester en retrait. Car le chronomètre, c'est le seul juge qui compte pour un athlète, c'est pourquoi la jeune Libyenne ne devrait pas être présente à Londres. Avec un record personnel à 13’’15, elle est loin des minima qualificatifs établis à 11’’38. D’ailleurs, Hala n’a même pas pris la peine de prévenir toutes ses amies qu’elle disputerait les Jeux olympiques.
Une sélection sur invitation
Avec un père footballeur et une
mère volleyeuse, qui ont tous deux joué en équipe nationale, Hala Gezah a
appris à faire la différence entre un sportif amateur et de
haut-niveau. D’ailleurs, c’est à peine si elle murmure les noms d’Usain Bolt et de Yelena Isinbayeva à la question de savoir quels champions voudrait-elle rencontrer.
Son
invitation à Londres, elle la doit à une wild-card du Comité olympique
international —autorisation de participer aux Jeux sans passer les qualifications— soucieux de représentativité géographique et d'apporter son soutien à
une jeune démocratie. Une raison écrasante pour une femme
de 23 ans, qui n’a pas fait la guerre et qui est trop jeune pour pouvoir
juger la période kadhafiste. Car, dans son univers, rien n’a changé.
«Le voile (…) ce n'est pas approprié pour le sport.»
Et c’est vrai que le visage d’Hala, même mutique, en dit long sur (un aspect de) la nouvelle Libye. Rouge à lèvres fushia assorti aux ongles, sourcils épilés, maquillage maîtrisé, boucles d’oreilles et frange soigneusement dégradée: la jeune Libyenne se laisse regarder sans entrave:
«Non, je ne porte pas le voile. Personne ne m’a fait de reproche à ce propos en Libye. Ça ne veut pas dire que je suis contre. Dans certaines occasions, si je vois que toutes les femmes en portent, je le fais aussi.»
Lorsqu’on lui parle de la présence historique de deux Saoudiennes à ces Jeux olympiques, elle refuse de polémiquer et s’abrite derrière l’aspect pratique:
«Quand je cours, je ne peux pas porter le voile, ça me gêne trop. Ce n’est vraiment pas approprié pour le sport.»
Une carrière naissante
Elle continue à s’entraîner deux fois par jour, excepté le vendredi, dans le vétuste stade de l’Académie olympique où la piste n’est pas droite et les feutres des starting-blocks partent en lambeau. Le tout pour 180 dinars (environ 113 euros) par mois, versés par son club. Abdallah, son entraîneur, attend sur son siège en plastique que sa protégée cesse de discuter de tout et de rien pour commencer les exercices.
Abdallah connait le haut-niveau. L’ancien marathonien a participé au 42,195 km de Londres justement. Il sait qu’il ne peut pas trop en attendre d’Hala:
«L’objectif serait qu’elle descende sous les 13’’00. On fera ce qu’on pourra. Mais elle n’est pas très motivée aux entraînements. Il faut dire qu’elle ne participe pas à beaucoup de compétitions internationales. Et l’entraînement, ce n’est pas très motivant à la longue.»
En fait, depuis la chute de Kadhafi, Hala a participé au championnat panarabe au Qatar en décembre 2011 (10e en 13’’34) et au championnat d’Afrique au Bénin en juin 2012 (29e en 13’’15). L’évocation de ses compétitions est, enfin, l’occasion de remplir le service minimum à propos du supposé honneur de courir pour son pays:
«Pour la première fois, j’ai représenté mon pays avec le nouveau drapeau. J’étais fière.»
Mais Hala ne se montre guère enthousiaste quant à la découverte de la capitale anglaise.
«Je ne connais rien de Londres, mais je ferai sûrement du shopping.»
Histoire de donner d’autres couleurs au nouveau visage de la Libye.
Mathieu Galtier
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