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Jali, une pépite de folk entre Belgique et Rwanda
De Stromae à Corneille, nombreux sont les artistes originaires du Rwanda à avoir conquis les scènes d’Europe et d’Amérique. En Belgique, Jali s'est récemment révélé au public avec son premier album «Des jours & des lunes». Rencontre.
Du Rwanda, son pays natal, qu’il a quitté avec ses parents, alors qu'il était âgé de quelques mois seulement, pour la Belgique, Jali tient son nom de scène. Celui de l’une des mille collines que compte la petite nation des Grands Lacs.
Jali, c’est aussi le diminutif de son véritable prénom, Jean-Pierre. Pendant longtemps, le Rwanda est resté étranger pour ce jeune Bruxellois souriant au visage poupon. Ce n'était que le pays de sa famille, rien de plus.
Mais ses parents n'ont pas manqué de lui transmettre des valeurs rwandaises, et à son éducation à l'européenne se sont mariés «des accents de chez nous». Jali n'ignore rien des danses et musiques traditionnelles rwandaises, apprises au gré des «petits plats préparés par maman à la maison».
C’est en retournant au Rwanda pour la première fois, en 2005, que Jali, encore adolescent, rencontre sa famille et prend conscience de son origine. Par la suite, il va y vivre deux ans, le temps d’achever ses études secondaires.
C'est de cette expérience déterminante que naît sa passion pour le Rwanda. Dès lors, Jali se décrit lui-même comme quelqu’un de soucieux de l’état du monde:
«Cela vient de mes origines, de mon métissage: quand on est ni vraiment Belge, ni Rwandais, on est obligé d’avoir l’œil ouvert sur ce qui se passe.»
Artiste de l’année 2012 en Belgique
Agé de 23 ans, le jeune homme a commencé sa carrière de chanteur-compositeur il y a quelques années quand, guitare en main, il se lance avec un groupe d’amis bruxellois.
Jali réalise que si d'autres y arrivent, pourquoi pas lui? L’entraînement et la passion pour les notes, voilà ce qui fait courir l’artiste autodidacte, «toujours en train d’écrire», qui admet avoir appris la guitare sur Internet.
D’une chanson à l’autre, il compose l'album Des jours & des lunes (sorti en 2011) et commence à forger ses armes sur la scène belge. A force de travail, d’inspiration, la carrière de l’artiste se dessine, avec un nom qui grandit au gré des passages en radio et des concerts.
Allant de scène en scène, il assure les premières parties de concert de musiciens aussi reconnus que Tiken Jah Fakoly, Ayo ou encore Bernard Lavilliers.
Le titre d’Artiste de l’année aux Octaves de la musique, en 2012, équivalent belge des Victoires de la musique, apparait comme une première reconnaissance pour celui qui aimerait, s’il existait, décrocher un titre équivalent au Rwanda.
Les choses de la vie
Les mots sont lourds de sens, la parole rarement superflue: il parle de routine, de changements, du poids de l'âme.
Légères, les mélodies sont entraînantes, sur fond de folk français aux accents reggae. Elevé aux paroles de Joe Dassin, passionné par Tracy Chapman, George Brassens ou encore Bob Marley, c’est Lokua Kanza, chanteur congolais de world music, qui a sans aucun doute le plus marqué Jali.
Du français à l'anglais, le chanteur évoque son seul regret: ne pas parler le Kinyarwanda, la langue nationale du Rwanda.
Il utilise, malgré tout, ses quelques rudiments pour le chanter avec son ami le rappeur franco-rwandais Gaël Faye.
Une expérience, un grand challenge, qui a donné à «capitaine Jali» l'envie d’apprendre cette langue réputée complexe pour «être capable de dire ce que je voudrais exprimer ».
Fier d’être Rwandais
Même si le chanteur porte fièrement ses origines, il n’a pas la prétention de vouloir changer le monde:
«Etre engagé, c’est bien. Mais, ce n’est pas donné à tout le monde.»
Pour lui, son engagement se fait par le biais de ses chansons. Africain de cœur, Jali aime à parler de son pays et de ses origines:
«Cela ne porte pas dans ma musique, mais cela fait partie de mon identité. J’ai connu le Rwanda dans une phase de reconstruction; j’ai un regard positif, car, je n’ai vu que les bons côtés d'un pays qui se construit vite et bien.»
Jali a toujours été fier de son pays, qui vient de fêter le cinquantenaire de son indépendance.
Sans oublier le passé, il préfère penser à l'avenir, même si, comme tout Rwandais, l'année 1994 a marqué sa vie à jamais. Pour lui, le Rwanda est aujourd’hui un pays dont «les bases sont assez solides pour en faire un Etat qui compte en Afrique».
Jali aime parler du Rwanda, et apprécie donc que son public s'y intéresse. C'est pourquoi il se montre ouvert aux interrogations de chacun, notamment quand il se rend dans des écoles:
«On peut me poser tout les questions que l’on veut sur le Rwanda, j’y réponds autant que je peux.»
Toutes, sauf celles ayant trait au génocide rwandais: Jali n’est ni hutu, ni tutsi, il est avant tout Rwandais.
Sur la scène de Kigali
Plus connu en Belgique, Jali a commencé à faire ses preuves face au public rwandais. «Seul avec sa guitare», il a tout d'abord joué pour sa famille et ses amis, juste après la sortie de son album.
Depuis, le chanteur ambitionne de revenir chanter au pays. Il pense pouvoir réaliser ce rêve d'ici la fin de l’année, même s'il reste encore beaucoup à faire pour organiser un tel évènement:
«Produire la date, déplacer tout le monde et faire de la promo», cela représente un travail colossal.
Mais l'essentiel n’est-il pas de savoir que le public l’attend?
«La demande de la part des Rwandais et de la communauté belge au Rwanda est forte.»
De l'Europe à l'Afrique, les projets ne manquent pas pour ce chanteur à la carrière naissante et qui souhaiterait un jour vivre au Rwanda.
Diplômé de communication, Jali aurait aimé travailler au Rwanda, mais la musique l’a conduit sur un autre chemin.
A l'heure actuelle, «mener une carrière de chanteur depuis là-bas serait difficile», mais faute d'y avoir grandi, il s'y verrait bien «finir ses jours, car c’est dur de s’imaginer vieillir en Europe».
Eugénie Baccot
En attendant une tournée africaine, vous pouvez retrouvez Jali aux Francofolies de Spa (Belgique) tout comme Amadou et Mariam, au Tempo festival de Ciney (Belgique) et au Verviers Eclectic Festival (Belgique).
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