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Couleur de peau et réactions épidermiques
Le dessinateur burkinabè Damien Glez décrypte chaque vendredi l’actualité avec un dessin et un texte inédits.
Question identitaire à la mode: le racisme antiblanc est-il de la même nature que le racisme antinoir? Selon certains Indigènes de la République française, l’un relèverait d’une hiérarchisation abusivement «raciale» quand l’autre ne serait que rancœur «historique».
Il y aurait alors deux types de victimes du racisme. Et une double peine pour les métis, en particulier les «sang-mêlé» d’origine européenne et subsaharienne.
Métis, mulâtre, chabin ou quarteron, un tel Eurafricain est noir en Europe, et blanc en Afrique.
Mais en souffre-il toujours? John Jerry Rawlings, ghanéen et écossais, n’a-t-il pas été président du Ghana, et le Franco-Camerounais Yannick Noah n’est-il pas la personnalité française préférée du peuple de l’Hexagone?
Certes, il leur aura fallu arracher la bienveillance à la force de poignets exceptionnels. Coup de canif dans l’Etat de droit pour l’un, et coup droit pour l’autre.
L’actualité s’acharne à démontrer que le malaise est toujours perceptible chez les métis, même s’ils ne sont pas «ordinaires».
Côté Afrique, le toujours réservé Trevor Manuel, ministre —métis— délégué à la présidence sud-africaine, a vertement critiqué, début mars, le porte-parole du gouvernement, Jimmy Manyi, pour ses propos jugés injurieux à l'endroit des métis.
Côté Europe, Bertrand Dicale, journaliste «sang-mêlé» d’origine antillaise, déroule la promotion de son livre cathartique Maudits métis, témoignage sur le mal-être de ceux que la couleur de peau écartèlerait, de fait, entre deux cultures.
Comme souvent, l’art est en avance. Nulle question de couleur quand la jeunesse africaine écoute Bob Marley, anglais et jamaïcain, ou la chanteuse orlando-italiano-jamaïco-portoricaine Alicia Keys.
Le cinéma enfonce le clou. La métisse Sarah Bouyain, burkinabè et française, vient de remporter le Prix Oumarou Ganda au Fespaco. Elle peut espérer une diffusion conséquente pour Notre étrangère. Est-ce une preuve que le métissage passe inaperçu? Son long-métrage relate tout de même la quête d’identité d’une jeune métisse —mais c’est un premier film. Après une kyrielle de productions, qui prête encore attention au fait que le cinéaste Henri Duparc était un métis franco-guinéen?
Les Indigènes de la République ont peut-être raison sur un point: la couleur ne détermine pas toujours l’étiquette «communautaire». Houria Bouteldja, porte-parole du mouvement, se dit d’épiderme blanc mais ne se sent pas blanche dans le regard de nombreux Français.
L’écrivaine camerounaise Calixthe Beyala expliquait, le 11 mars sur France 2: «Être noire, ce n’est pas une affaire de couleur de peau».
Le plus célèbre «Zoulou» n’est-il pas d’abord métissé… de cœur? Johnny Clegg est-il zoulou avant d’être blanc? Prioritairement humain, comme en témoigne le titre de son dernier album: Human.
Damien Glez
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