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Tribune: Il faut faire le deuil de Laurent Gbagbo
Pour l’éditorialiste Venance Konan, les partisans de Laurent Gbagbo vivent dans la constante nostalgie de l’ancien président ivoirien qu’ils idéalisent aveuglément. Ils ruminent leur revanche à l’heure où il faut aller de l’avant.
Le FPI (Front populaire ivoirien) arrivera-t-il un jour à «faire son deuil» de Laurent Gbagbo? Apparemment non. En tout cas, il n’en prend pas le chemin. Certes, Laurent Gbagbo est toujours vivant et il n’a pas encore été jugé, encore moins condamné. Il est tout à fait normal que ceux qui le soutiennent espèrent qu’il sera un jour libéré et reviendra au pays. L’espoir fait vivre.
Mais il faut parfois espérer raisonnablement. On n’enferme pas dans une cellule de La Haye un ancien Chef d’État, fût-il celui d’un État africain, sans raison.
Le monde a été témoin des crimes
L’histoire qui a conduit Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale est récente, et la grande majorité des Ivoiriens, ainsi que le monde entier en ont été témoins ou acteurs. L’Onu, l’Union africaine, la Cédéao ainsi que toute la presse mondiale étaient présentes lorsque notre élection présidentielle s’est déroulée.
C’est devant les caméras des télévisions du monde entier que Laurent Gbagbo a refusé de reconnaître sa défaite. C’est sous nos yeux que des escadrons de la mort ont commencé à enlever et tuer des hommes et des femmes, que des personnes ont été brûlées vives, que des obus ont été tirés sur des marchés, que des femmes ont été violées et bombardées dans la rue.
C’est sous les yeux de journalistes étrangers qu’Yves Lambelin, l’ancien patron de Sifca et ses deux compagnons d’infortune ont été enlevés à l’hôtel Novotel pour être conduits au Palais présidentiel que contrôlait encore Laurent Gbagbo pour y être tués.
Régime de terreur
Les Mercenaires libériens et les milices de Laurent Gbagbo, enivrés par leur pouvoir de destruction et certainement aussi par le sang qu’ils faisaient couler, ont opéré à visage découvert, ne réalisant pas que nous sommes désormais dans un monde où plus rien ne se cache, où tout est filmé par tout le monde.
C’est à la télévision et à la radio que les appels au meurtre et à la haine étaient lancés. Le FPI a, peut-être, oublié tout cela, mais les Ivoiriens qui ont été ses victimes et le reste du monde, certainement pas. La posture du FPI et de tous ceux qui ont commis ces crimes en son nom est de se faire passer aujourd’hui pour les victimes.
C’est à eux que le reste de la Côte d’Ivoire doit demander pardon. C’est à eux qu’il appartient, s’ils le veulent bien, de pardonner à M. Ouattara. Pour le moment, tout indique qu’ils n’ont pas l’intention de le faire. Parce qu’à leurs yeux, M. Ouattara est coupable d’avoir gagné l’élection présidentielle et accepté le soutien des ex-rebelles et de la communauté internationale pour débarrasser le pays de la terreur que Laurent Gbagbo et son FPI faisaient régner.
Amertume et haine
Non, cela, ils ne le lui pardonneront jamais, et ils chercheront jusqu’à la fin de leur vie à se venger, dussent-ils, pour y parvenir, passer sur les corps de tous les Ivoiriens. Parce que le Chef de l’État a parlé de réconciliation, les partisans de Laurent Gbagbo demandent, exigent même, que tous leurs crimes soient amnistiés. Pendant que, eux, ne renoncent pas à leurs projets de reconquérir par tous les moyens le pouvoir qui leur a échappé.
Aujourd’hui, le président de la République est en train d’obtenir ce qu’ils n’ont pu, ou su avoir, notamment la remise des dettes de notre pays, le retour de la Bad (Banque africaine de développement) et des investisseurs, la reconstruction de nos infrastructures. Cela leur est intolérable.
Ils ont alors décidé de semer le chaos en Côte d’Ivoire en y faisant revenir les assassins libériens qu’ils avaient déjà utilisés lorsque Gbagbo voulait se maintenir coûte que coûte à la tête de notre pays. Pour que la Bad et les investisseurs étrangers s’en aillent loin de notre pays.
Pendant ce temps, certains détruisent les réparations faites sur nos routes et infrastructures. Comment peut-on composer avec des gens pareils? Comment veulent-ils qu’on leur pardonne? Qu’ont-ils offert à la jeunesse de notre pays durant les dix ans qu’ils ont passés au pouvoir? Ils ont tué l’école républicaine pour la remplacer par leurs écoles de haine.
Et c’est cette même haine qu’ils veulent continuer de semer dans le cœur des Ivoiriens. Ce qu’ils auraient de mieux à faire, est de «faire leur deuil» de Laurent Gbagbo qui n’est pas près de revenir au pouvoir dans ce pays, quelle que soit l’issue de son procès.
Venance Konan (Fraternité Matin)
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