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Quand le doute et l'islam plombent les Algériens
L'Algérie est une société écran avec une indépendance écran.
Dans une salle à Mostaganem, une rencontre avec les gens de Nabni (groupe «notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées»). Souvenez-vous de ce réseau qui a provoqué une boule de neige avec des propositions concrètes pour améliorer l'algérianité de l'Algérien écrasé par lui-même.
Le chroniqueur a écouté avec distance, puis étonnement, puis perplexité et, enfin, comme vous et moi, avec ferveur et deux questions: est-il vraiment possible de changer ce pays sans son pétrole et son régime? Possible.
Les gens de Nabni racontent qu'au début de leur initiative, ils se sont heurtés à deux réactions algériennes: «Cela ne va rien changer» et «qui est derrière vous?». Deux questions nationales qui se sont posées en 1862.
Peut-être même avant J.-C. Elles sont les symptômes cliniques de la maladie algérienne: le doute et le fatalisme. La théorie du complot et la théorie du ver face à l'os. La certitude sur le rien et le soupçon sur le tout. «Qui est derrière vous?» est posée depuis les premières années du maquis, de la guerre de libération.
L'ère du soupçon
Derrière chaque acte d'Algérien se doit être un autre Algérien qui paye l'acteur. Le réel est frappé de nullité par une étrange doublure qui a le poids d'une montagne. L'acte est réduit à un geste et le geste à une manipulation.
Qui est
derrière? est la question que se pose le régime quand il a un Algérien devant
lui. Et vice versa. Le soupçon est majeur. On le voit même aux yeux de
Bouteflika et à sa façon de regarder les gens autour de lui. Cela remonte a
loin dit la légende.
L'Algérie est une société écran avec une indépendance écran. La présidence
écran l'a senti et dit au début. Puis rien. Les Algériens sont donc des
nihilistes façon Schopenhauer: le monde national est volonté de puissance et
représentation. Titre de l'œuvre majeure du soupçon. Ce doute est né au maquis
et il est resté dans l'esprit national. Il faut creuser, avec une pelle
freudienne peut-être.
Et le fatalisme? Seconde religion inculquée au peuple après l'Islam
Rien ne sert à rien. Le prophète de cette religion et un bras ballant et un pied traînant. Son rite est le café noir. Son livre sacré et un soupir et un menton dans une main sur un coude sur une table dans un quelconque lieu sans temps. Quand on y entre on ne peut en sortir qu'en rampant. Sur son dos.
Et celui des siens. Rien ne doit donc réussir dans ce pays, tout doit tomber par terre et écrire les mémoires de sa chute. On est là parce que la gravité est l'inertie de la masse. Il suffit de manger et de prier que Dieu nous rappelle très vite pour le solde de tout compte.
Donc les Algériens, nous le sommes, sont malades. De ces deux maladies qui ne permettent pas de marcher sur la lune et à peine de marcher tout court. Deux pistes majeures à creuser. La piste d'un grand roman dont le héros serait une feuille morte qui a fait la guerre de libération puis rien d'autre.
Kamel Daoud (Le quotidien d'Oran)
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