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Mohammed Morsi, le candidat des Frères musulmans en meeting, le 14 juin 2012. Reuters/Asmaa Waguih
Mohammed Morsi, le candidat des Frères musulmans en meeting, le 14 juin 2012. Reuters/Asmaa Waguih

Egypte: l'étrange volte-face du président Morsi

Le référendum, annoncé pour le 15 décembre, par le président égyptien, Mohamed Morsi, va-t-il mettre un terme aux risques de division du pays?

Mise à jour du 2 décembre 2012: Le président égyptien Mohamed Morsi a annoncé, le 1er décembre, qu'il appelait la population égyptienne à se prononcer par référendum le 15 décembre sur le projet de Constitution adopté à la hâte cette semaine et qui divise le pays.

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Les Egyptiens sont sur le point de faire leur première expérience d’un gouvernement islamiste. Si Mohamed Morsi (candidat des Frères musulmans) sort vainqueur du deuxième tour de scrutin, prévu pour les 16 et 17 juin, alors le vénérable mouvement islamiste sera bel et bien à la tête de l’exécutif et du Parlement; il devrait donc avoir les coudées franches pour mettre en œuvre son programme —redressement de l’économie axé sur le marché, islamisation progressive et réaffirmation du rôle régional de l'Egypte.

La prise de pouvoir des Frères musulmans

Pendant la difficile période de transition que vient de traverser l’Egypte, les Frères musulmans ont adopté un style politique de plus en plus déterminé —ce qui ne leur ressemblait guère. Lorsqu’ils sont revenus sur leur promesse de ne pas briguer la présidence, et qu’ils sont entrés en conflit direct avec le conseil militaire actuellement au pouvoir, la démarche des Frères musulmans (qui ont déclaré vouloir «sauver la révolution») a été interprétée comme un coup de force politique. Cette prise de pouvoir (sans réels contrepoids) inquiète aussi bien les Egyptiens progressistes que les Etats-Unis, qui s’interrogent sur ses répercussions potentielles et sur l’impact qu’elle pourrait avoir sur leurs intérêts.

Les choses étaient bien différentes, il y a deux ans. Lorsqu’ils vivaient sous la répression du régime d’Hosni Moubarak, la devise officieuse des Frères musulmans était «la participation, pas la domination». Le mouvement était connu pour sa prudence et son approche patiente (certains diraient trop patiente) de la politique. J’ai rencontré Morsi en mai 2010; quelques mois avant la révolution, et bien avant qu’il puisse imaginer devenir le successeur de Moubarak.

Il m’avait alors dit partager la position (presque obstinée) des dirigeants de son mouvement: le changement devait s’effectuer avec une lenteur extrême, mais de façon constante. Il s’était même opposé à une description relativement anodine des activités politiques du mouvement:

«Le terme "opposition" dénote d’une volonté de prendre le pouvoir, m’a-t-il alors expliqué.  Mais, pour l’heure, nous ne voulons pas du pouvoir, car une telle démarche requiert une période de préparation; la société n’est pas préparée à cela.»

Les Frères musulmans tenant plus du mouvement religieux que du parti politique, ils avaient alors l’avantage de pouvoir se fixer des objectifs à très long terme.

Morsi, la roue de secours du parti

A cette époque, Morsi n’était pas très connu. Il était une figure importante au sein du mouvement, mais ne semblait pas défendre une ligne idéologique distincte. Il était traditionnaliste, chargé de faire respecter les règles et d'établir la stratégie de l'organisation. Et il s’acquittait sans doute de ces tâches avec talent. Mais le fait d’être —ou de devenir— un leader est bien différent. Morsi a certes présidé le groupe parlementaire des Frères musulmans, avant de prendre la tête de la formation politique de son mouvement (le Parti de la liberté et de la justice)  —mais il a toujours peiné à inspirer le respect de ses pairs, tous  courants idéologiques confondus. Il parlait rarement comme un homme prêt à faire des concessions— ou à travailler avec acharnement pour parvenir à un consensus.

Comme beaucoup de dirigeants des Frères musulmans, il a toujours éprouvé un certain ressentiment à l’encontre des progressistes d’Egypte. On pensait qu'ils étaient faibles et sans importance —dès lors, comment osaient-ils réclamer tant et tant? En mai 2010, l’opposition semblait prendre forme —mais cette forme était unique; propre à l’Egypte. Lors d’une manifestation organisée place Tahrir, chaque mouvement (les islamistes, les progressistes et les militants de gauche) a fait bande à part. J’ai demandé à Morsi pourquoi les islamistes et les progressistes ne faisaient pas plus d’efforts pour coopérer. «Cela dépend d’eux», m’a-t-il répondu —la même réponse qu’avançaient les progressistes en parlant des Frères musulmans.

Comment les Frères musulmans jouent de la théorie du complot

Les progressistes, les militants de gauche et les Frères musulmans parvenaient à fermer les yeux sur ce mépris à peine voilé lorsqu’ils affrontaient un dictateur qu’ils détestaient tous. Et pendant la révolution, les membres des Frères musulmans, les salafistes, les progressistes (ainsi que des Egyptiens sans affiliation politique) ont fait cause commune, et ont mis entre parenthèse les vieilles divisions —du moins, pour un temps. Et lorsque Moubarak a été chassé du pouvoir, les facteurs de rassemblement se sont faits bien rares.

La communauté internationale —les Etats-Unis, au tout premier chef— partage les sentiments des progressistes (ils ont peur de voir le pays dominé par les islamistes), mais pour des raisons bien différentes. Les Frères musulmans ont toujours été le plus constant des vecteurs d’opinions anti-américaines et anti-israéliennes.

En privé, certains dirigeants du mouvement (et notamment le stratège Khaïrat Al-Shater) font preuve de moins de véhémence pour dénoncer l’étranger —et d’une imagination moins débordante lorsqu’il s’agit d’échafauder des théories du complot. Or ce n’est pas le cas de Morsi. Lors d’une conversation, il m’a donné sa vision des évènements du 11-Septembre en toute spontanéité.

«Lorsque vous venez nous dire que l’avion est rentré dans la tour comme dans du beurre, dit-il, en passant de l’arabe à l’anglais, vous nous insultez. Comment l’avion a-t-il pu fendre le métal de cette façon? Quelque chose a dû se passer à l’intérieur. C’est tout simplement impossible.»

La construction de l'homo politicus

Selon plusieurs sondages, la plupart des Egyptiens sont de cet avis, y compris les militants de gauche et les progressistes —ce qui ne rend pas la chose moins inquiétante. De tous les hauts dirigeants des Frères musulmans, c’est pourtant Morsi qui —ironie?— a passé le plus de temps aux Etats-Unis. Il est diplômé de l’université de Californie du Sud, et il est père de deux citoyens américains.

Des informations intéressantes: elles nous rappellent que la familiarité peut parfois engendrer le mépris. Lors d’une récente conférence de presse, Morsi a évoqué les années qu’il a passées à l’étranger. Il a alors parlé d’une société en pleine déchéance morale, faite de familles décomposées, de jeunes mères chargées d'«écrire le nom du père» de leur enfant à la maternité, et de couples vivant dans le péché. Nous n’avons pas ces problèmes en Egypte, a-t-il dit, en haussant soudain la voix, ouvertement partagé entre la fierté et le ressentiment. 

Un an plus tard, en mai 2011, je me suis une nouvelle fois entretenu avec Morsi dans les nouveaux locaux des Frères musulmans, à Muqattam; un bâtiment somptueux niché sur une petite montagne, dans la périphérie du Caire. Le haut responsable des Frères musulmans semblait alors étrangement calme. Il parlait en arabe, mais ponctuait ses phrases d’expressions en anglais; faisait de l’humour (sans être forcément drôle). Au détour d'une discussion, il a vérifié le titre du film Voyage au bout de l’enfer (1978), et s’est même livré à une imitation d’un ancien président des Etats-Unis.

Au commencement, lorsque le souvenir des dix-huit jours du soulèvement était encore vivace, les hauts responsables prenaient bien soin de dire ce qu’il fallait, quand il le fallait. Morsi m’a vite fait remarquer que le Parti de la liberté et de la justice comptait 9.000 membres fondateurs, et que 2.500 d’entre-eux n’appartenaient pas aux Frères musulmans; certains étaient même chrétiens.

Il a par ailleurs évoqué les mouvements salafistes, et ce avec dédain. Selon lui, ils n’avaient pas encore atteint le stade de la maturité politique. Le sous-entendu était transparent: contrairement aux salafistes, les Frères musulmans s’étaient initiés à l’art de la politique pendant des décennies avant de la pratiquer, en faisant —parfois— preuve d’un certain talent.

Ils savaient désormais quand —et comment— parvenir à un compromis, et savaient comment justifier une telle décision auprès de leur base conservatrice. Et voilà que vingt-huit ans après leur entrée au Parlement (en 1984), les Frères musulmans prenaient soin de passer pour les représentants d’un islam politique modéré et respectable.

Qui peut empêcher les Frères musulmans de gouverner?

Mais l’organisation a vite compris qu’elle se trouvait à un moment historique; cette rare période durant laquelle l’orientation politique d’un pays est complètement ouverte et indéterminée.

Ils ont donc décidé de saisir l’occasion, coupant de ce fait les ponts avec une grande partie de leurs alliés progressistes d’autrefois. Cette approche était parfaitement adaptée à la vision de la démocratie des Frères musulmans, selon laquelle la majorité électorale est au centre de tout: ils avaient remporté une victoire décisive lors des élections législatives, avec 47% des voix —dès lors, de quel droit pourrait-on les empêcher de gouverner?

Les Frères musulmans ont fini par décider de jouer le tout pour le tout.

«Nous avons constaté qu’un certain nombre d’obstacles empêchent le Parlement de prendre des décisions visant à réaliser les revendications de la révolution», a déclaré Morsi en mars 2012. 

«Nous avons donc choisi la voie de la présidence, non par soif du pouvoir, mais parce que notre majorité parlementaire n’a pas les moyens de remplir ses devoirs.»

Posons-nous une question plus importante encore: l’avis de Morsi est-il si important que cela? Il n’a jamais été la pierre angulaire de la campagne présidentielle des Frères musulmans.

Seule importait l’organisation, et Morsi a tout simplement fait figure de candidat de substitution —un improbable accident de l’histoire— après la disqualification du très charismatique Khaïrat Al-Shater. C’est pourquoi il est difficile de prédire le futur style de présidence de Morsi.

Au cours de l’année qui vient de s’écouler, le bureau d’Al-Shater s’est transformé en point de rendez-vous pour une série de grands noms de l’investissement, et autres dignitaires étrangers (y compris quelques hauts fonctionnaires américains). Ceux qui l’ont rencontré sont ressortis impressionnés et rassurés de leur entrevue.

Le Frère N°1, c'est Khayrat al Shater 

C’est Al-Shater qui a tiré Morsi de son anonymat —relatif— en lui permettant de rejoindre le bureau du guide des Frères musulmans, le principal organe de décision de l’organisation, puis en lui confiant sa branche politique. Jusqu’ici, les deux hommes ont toujours été sur la même longueur d’ondes. Mais Al-Shater parviendra-t-il à maintenir son influence si Morsi accède aux plus hautes fonctions de l’Etat égyptien?

De l’aveu de ses soutiens comme de ses détracteurs, Al-Shater est un stratège brillant, mais autoritaire  —et l’idée de le voir se transformer en éminence grise agace déjà quelques membres des Frères musulmans:

«Si Morsi parvient à échapper à l’ombre d’Al-Shater, ses décisions politiques seront équilibrées. Mais si Al-Shater reste aux commandes, Morsi deviendra de plus en plus impopulaire, et il ne parviendra pas à gouverner de manière efficace, m’a confié un membre des Frères musulmans qui a collaboré avec les deux hommes. Morsi sera-t-il l’élève qui dépasse le maître?»

Lors de la campagne électorale, Morsi a prouvé qu’il apprenait vite et qu’il pouvait travailler dur. Ses assistants ont entrepris de remodeler son image publique, en lui donnant des cours d’élocution et en lui apprenant à faire meilleur usage de ses mains pendant les interviews —ce qui a permis au candidat de gagner en confiance.

Une confiance de plus en plus palpable. Le 30 mai, lors de l’émission de Yosri Fouda, les téléspectateurs ont découvert un candidat à la parole étonnamment fluide; à cent lieues de l’homme hésitant des premières interventions médiatiques. Comme le fait remarquer un membre des Frères musulmans, «le nouveau Morsi n’est plus la personne que j’ai connue.»

Des résultats moins bons qu'aux législatives 

En arrivant en tête au premier tour des élections, Morsi a certes surpassé la plupart des prévisions des instituts de sondage —mais pour les Frères musulmans, les 25% réunis par le candidat ont été accueillis avec une certaine surprise. Les prévisions réalisées par l’organisation, qui s’appuyaient sur des sondages réalisés quelques semaines avant l’élection, le voyaient largement en tête au premier tour; on se demandait simplement à quel point il s’approcherait de la barre des 50%. Morsi manque de charisme, et il n’inspire que peu de respect chez les non-islamistes —ce qui explique, pour partie, ces résultats décevants. 

Mais il faut également y voir le fruit de faux-pas et d’erreurs de calcul plus sérieux. Les hauts responsables des Frères musulmans n’avaient pas porté assez d’attention à l’évolution de l’électorat dans leurs anciens bastions du delta du Nil: Ahmed Chafiq (l’ex-Premier ministre de Moubarak) les y a devancés au premier tour. Le Parlement —à majorité islamiste— n’a pas mis sur pied les réformes d’envergure demandées par bon nombre d’Egyptiens.

Les Frères musulmans ont été jusqu'à tenter de remplir l’Assemblée constituante de sympathisants de leur organisation. Et de toutes leurs erreurs, ce cas —typique— d’abus de pouvoir fut la plus controversée.

Après la révolution, les Frères musulmans —comme tant d’autres organisations évoluant sur la scène politique particulièrement toxique de l’Egypte— se sont laissés gagner par la paranoïa; ils craignaient de voir les progressistes, la gauche et l’ancien régime s’associer dans le but de les détruire.

Toute ouverture démocratique, aussi bienvenue soit-elle, s’accompagnait d’un certain nombre de risques. La montée en puissance d’Abdel Moneim Aboul Fotouh, qui a rompu avec les Frères musulmans avant de s’engager dans la course à la présidentielle, a été vécue comme une menace sans précédent pour l’unité et la discipline propres à l’organisation.

Double discours de la confrérie 

Cette paranoïa, mêlée à une bonne dose traditionnelle de cynisme politique, a fini par colorer la politique étrangère de l’organisation. Lorsque le conseil militaire qui gouverne l’Egypte a levé l’interdiction de sortie du territoire qui frappait les employés d’ONG américaines (dans l’espoir de désamorcer une crise politique), le Parlement à majorité islamiste a sauté sur l’occasion.

Il a déposé une motion de censure, exigeant la démission du gouvernement nommé par l’armée. Les députés Frères musulmans ont accusé le gouvernement d’avoir cédé à la pression du gouvernement américain, puis ont appelé l’Egypte à refuser l’aide des Etats-Unis.

«J’aimerais que les membres du Congrès des Etats-Unis puissent vous écouter aujourd’hui, afin qu’ils comprennent que notre Parlement est celui de la révolution: toute violation de la souveraineté nationale, toute ingérence dans les affaires de l’Etat ne sauraient être tolérées», a déclaré Saad El-Katatni, président du Parlement et figure majeure au sein des Frères musulmans.

Ces derniers jouent un jeu complexe, qui consiste à penser une chose en privé et à en dire une autre en public. Ces messages contradictoires sont également le fruit du rapport schizophrénique (fait d'amour et de haine) que semblent entretenir bien des membres des Frères musulmans  —et les Egyptiens en général— avec les Etats-Unis.

Je me souviens des premieres semaines du président Obama, lorsque les hauts responsables des Frères musulmans regrettaient  —avec amertume— le peu d’intérêt que semblait prêter la Maison Blanche à la promotion de la démocratie.

«Les questions de démocratie arrivent en quinzième place dans la liste des priorités d’Obama, m’a glissé un responsable des Frères en mai 2010. Nous n’observons aucun changement décisif comparable à celui de l’ère Bush.»

Surfer sur l'anti-américanisme 

Il est vrai que les Frères musulmans —et la quasi-totalité des Egyptiens— détestent certains aspects précis de la politique des Etats-Unis, et tout particulièrement ceux qui ont trait à la Palestine.

Ils ont également tendance à penser que l’Amérique ourdit divers complots pour nuire à leur pays —généralement de façon indirecte, et en employant des méthodes toutes plus imaginatives les unes que de les autres.

Attention, cependant: cela ne veut pas dire qu’un gouvernement contrôlé par les Frères musulmans bouleverserait immédiatement la gamme actuelle des alliances internationales du Caire.

Les Frères musulmans ont beau la vouer aux gémonies, ils préfèrent traiter avec l’Amérique qu’avec ses ennemis:  

«Les Etats-Unis sont une superpuissance, qui est en place et le restera; par ailleurs, la chute d’une superpuissance ne profiterait à personne. Nous souhaitons simplement qu’elle progresse en s’appuyant sur ses valeurs, et non sur son côté obscur», m’a expliqué un responsable de l’organisation.

«Quelles sont les valeurs qui anime la Chine de part le monde? Le profit, purement et simplement. La Russie, la Chine? J’ignore tout de leurs valeurs! Les valeurs centrales de l’Europe de l’Ouest et de l’Amérique (les droits de l’homme, le pluralisme), nous les connaissons: nous les avons pratiquées lorsque nous y vivions.»

Valeurs mises à part, il faut bien admettre qu’une «administration Morsi» ne pourrait tout simplement pas se permettre de couper les ponts avec les Etats-Unis. Une Egypte dirigée par les Frères musulmans se verra dans l'obligation de redresser une économie en pleine détérioration. Les prêts, l’assistance et les investissements de l’Europe et des Etats-Unis joueront un rôle central dans cet effort de reconstruction.

Par ailleurs, et même s’il en avait le projet, rien n’indique que le président Morsi serait en mesure de bouleverser la politique étrangère égyptienne: quoi qu’en dise la nouvelle Constitution, l’armée et les services secrets continueront de disposer d’un droit de veto sur les grandes questions relatives à la défense et à la sécurité nationale.

Marges de manoeuvre réduites

Les Frères musulmans ne pourront donc modifier la politique étrangère du tout au tout —mais leur marge de manœuvre serait tout aussi limitée s’ils décidaient de donner pleine satisfaction aux Etats-Unis.

L’Egypte s’ouvre de plus en plus à la démocratie, et les élus devront tenir compte de l’opinion publique quant aux questions diplomatiques. Dans cet Etat largement divisé, un seul projet fait l’unanimité: la mise en place d’une politique étrangère forte et indépendante, qui permettra de rétablir le leadership de l’Egypte dans la région.

Autrement dit, la relation bilatérale avec les Etats-Unis sera compliquée par des tensions et des désaccords fréquents. Prenez l’exemple de la Turquie, gouvernée par le Parti pour la justice et le développement, à tendance islamique: le pouvoir a adopté une rhétorique anti-israélienne, qui s’est avérée payante sur son territoire national.

Il est tout aussi difficile d’évaluer les marges de manœuvre d’une administration Morsi quant à la politique intérieure. La bureaucratie byzantine de l’Etat égyptien regorge encore de fidèles de Moubarak, et elle pourrait s’opposer à toute réforme initiée par Morsi. «L’appareil d’Etat ne fera qu’une bouchée de lui», m’a ainsi confié un ancien conseiller politique des Frères musulmans.

Et comme si la situation n’était pas assez déconcertante, il se trouve que Morsi est l’un des rares candidats à vouloir limiter les pouvoirs de sa propre fonction. Dans l’interview télévisée qu’il a accordé à Fouda, il a répété qu’il avait pour projet d’instaurer une période d’intérim, avec un régime à la fois présidentiel et parlementaire; ce qui permettrait, à terme, de créer un système dominé par le corps législatif.

Une Assemblée constituante (dont la majorité est issue des Frères musulmans) est sur le point de rédiger un projet de Constitution, qui définira les pouvoirs relatifs des institutions élues.

Il va sans dire que l’opinion de Morsi changera peut-être après son élection à la tête de l’exécutif. Le premier mandat des Frères musulmans sera une expérience nouvelle; et l’organisation n’y est peut-être pas complètement préparée. Toute élection a des répercussions. Reste à savoir lesquelles. Pour l’heure, nous n’en savons rien —et Mohammed Morsi non plus.

Shadi Hamid, traduit par Jean-Clément Nau

 

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Les articles signés Foreign Policy ont d'abord été publiés en anglais sur le site Foreign Policy, magazine en ligne américain de Slate Group, spécialisé dans les affaires étrangères et l'économie.

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