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Maroc - 1.000 femmes avortent chaque jour dans la clandestinité

«Malgré les avancées du planning familial au Maroc, un nombre considérable de femmes, souvent mineures, de petites conditions et peu éduquées, continuent de se faire avorter dans la clandestinité alors que cette pratique est illégale dans le pays», relate Maghreb Emergent qui cite l’AFP.

L'article 449 du Code pénal marocain prévoit des peines de prison de six mois à deux ans contre «l'avorteur et l'avortée ainsi que les personnes intermédiaires, sauf quand il s'agit de préserver la santé ou la vie de la mère». Mais dans la pratique, l'avortement est toléré au Maroc et la plupart des gynécologues le pratiquent, constatent les spécialistes.

«Ce qui se passe au Maroc est dramatique», affirme le Dr Chafik Chraibi, gynécologue de renom et président de l'Association marocaine de la lutte contre l'avortement clandestin (Amlac), dans une interview à l'AFP, soulignant les effets pervers au niveau humain et social de la législation en vigueur.

Car, explique-t-il, «qui dit avortement clandestin surtout chez les jeunes dit suicides, rejet du giron familial, marginalisation, prostitution, enfants abandonnés et... prison pour les médecins».

Les chiffres sont éloquents:  

«On estime à 600 le nombre d'avortements quotidiens pratiqués par des médecins, et quelque 200 les avortements non médicaux», précise-t-il. L'association qu'il dirige lutte depuis sa création en 2008 pour une modification de la loi «qui n'a pas changé depuis les années 60.»

Aucune étude statistique n’existe vraiment en la matière. Les spécialistes avancent une moyenne de 1.000 gestes d’interruption par jour, dans diverses conditions à travers le royaume.

Entre 2003 et 2010, 500.000 enfants sont nés de mères célibataires. Certains de ces enfants sont issus d’un viol ou d’un inceste. Aucune de ces femmes victimes n’a eu l’opportunité d’avorter.

La légalisation de l'avortement au Maroc dans des «cas extrêmes», notamment «le viol, l'inceste ou les malformations profondes du fœtus» faisait partie des réformes prévues par le précédent gouvernement, mais cette éventualité a été remisée par Bassima Hakkaoui, l’actuelle et très controversée ministre islamiste de la Famille, de la Solidarité et du Développement social.

Farouchement opposée à toute permissivité en la matière, elle avait déclaré que cette question n’était pas une priorité actuellement pour le Maroc, «car même des pays occidentaux, comme les Etats-Unis, n’ont pas encore résolu la question relative à l’avortement».

Pourtant, son collègue Mustapha El Khalfi, ministre islamiste de la Communication avait laissé entendre que le gouvernement de Abdelilah Benkirane allait se pencher sur la question. «Nous devons nous occuper de ce problème, on ne peut plus l’ignorer», avait-il déclaré, créant la surprise du New York Times.

Lu sur Maghreb Emergent

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