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Rituel de purification Akan (groupe ethnique comprennant les Baoulé), juillet 2007,REUTERS/Luc Gnago
Rituel de purification Akan (groupe ethnique comprennant les Baoulé), juillet 2007,REUTERS/Luc Gnago

Comment bannir nos coutumes barbares

L’éditorialiste et patron du quotidien ivoirien Fraternité Matin dénonce des pratiques criminelles d’un autre temps qui se font toujours en pays Baoulé, dont il est lui-même originaire.

Chez les Baoulé, une des grandes ethnies de Côte d’Ivoire, le passage de la jeune fille au statut de femme est marqué par une cérémonie que l’on pourrait traduire par «le bain.»

Lorsque la jeune fille devient pubère, sa mère ou une vieille femme vient la réveiller un matin en l’aspergeant d’eau froide. Puis cette personne lui explique qu’elle est désormais une femme, et qu’elle doit donc dorénavant se comporter comme telle.

La jeune fille se met alors à pleurer et elle est conduite dans la salle de bain, puis parée de ses plus beaux habits. Ses amies viennent ensuite la rejoindre et c’est la fête dans la famille durant toute la journée.

Maman sous conditions

Après cette cérémonie, la jeune fille a désormais le droit d’être mère, même sans être mariée, même si le père est inconnu. Cet enfant sera accepté dans la famille de celle qui est désormais devenue une femme. C’est l’enfant né avant que sa mère n’ait été «lavée» qui est considéré comme un bâtard. Et dans les temps anciens, il devait être tué.

Dans les temps anciens? C’est ce que je croyais, jusqu’à ce que je me rende compte, très récemment, que cette coutume se perpétuait de nos jours, dans certains villages de la région de Bocanda. Oui, en 2012, dans certains villages de cette région, dans le centre de la Côte d’Ivoire, on tue encore des bébés parce que leurs mères n’avaient pas été «lavées.»

Et cette tradition barbare a débouché sur un commerce d’enfants. Lorsque dans un village, une jeune fille qui n’a pas été «lavée» tombe enceinte, des rabatteurs vont à la recherche de personnes en quête d’enfants (généralement des femmes qui cherchent à en adopter un, mais il peut s’agir d’autres personnes en quête d’enfants pour d’autres raisons), pour leur vendre le futur bébé. Si aucun acquéreur n’est trouvé, il est mis à mort.

Je sais que de nombreux cadres et intellectuels de Bocanda m’en voudront de livrer une telle information, puisque je suis originaire de cette région. Mais c’est justement pour cette raison que je ne suis pas fier de cette pratique barbare. En tant qu’humain, en tant qu’Ivoirien, en tant que Baoulé et en tant qu’originaire de Bocanda, je n’ai aucune raison d’en être fier.

Les intellectuels ont un rôle à jouer

Et nous devons tous la combattre avec la dernière énergie. Il y a d’abord les autorités administratives et judiciaires qui doivent sévir contre les criminels qui s’adonnent à ce genre d’activités, sous prétexte de respecter une coutume.

La tâche ne leur sera pas aisée, parce que c’est le genre de pratiques qui se fait sous le sceau du secret. Secret que portent une famille, un village, une région. Les mieux placés pour lutter contre cette barbarie sont les intellectuels et cadres de cette région.

Ce sont eux qui peuvent expliquer à leurs parents que nous ne sommes plus au moyen-âge, mais bien au 21ème siècle, dans un pays moderne, et que certaines coutumes qui avaient peut-être leur sens à une époque donnée, doivent être bannies de nos jours.

Ils sont certainement très nombreux à ignorer ces pratiques qui ont lieu dans leurs villages. Je l’ignorais aussi jusqu’il y a quelques mois. Mais j’ai tenu entre les mains deux de ces enfants qui ont pu être sauvés à temps.

Criminaliser ces pratiques

Il y a quelques jours, un couple de Guinéens a été condamné en France pour avoir fait exciser ses filles. Cette affaire a réveillé le débat sur le respect des coutumes des uns et des autres.

J’ai déjà assisté à plusieurs débats sur la place de l’excision, aussi bien dans nos sociétés africaines qu’en Europe. Je crois qu’il est désormais clair que même dans nos pays africains, l’excision est désormais considérée comme une pratique barbare et mutilante qui doit être bannie.

Dans de nombreux pays où elle était bien ancrée, on a commencé à mettre des exciseuses en prison. Si quelqu’un veut me dire que ce qui se passe dans ces villages de Bocanda est une coutume qu’il faut respecter, je dirais que c’est cette personne qui doit aller en prison.

Venance Konan

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Venance Konan. Ecrivain et journaliste ivoirien. Il a notamment publié le roman Les Prisonniers de la haine.

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