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Millions de manifestants marchant pour marquer les 100 jours de la contestation, Montréal, 23 mai 2012, REUTERS/C. Muschi
Millions de manifestants marchant pour marquer les 100 jours de la contestation, Montréal, 23 mai 2012, REUTERS/C. Muschi

La colère des étudiants québécois, nouveau printemps arabe?

155 000 étudiants de la province francophone du Québec sont en grève illimitée pour protester contre une hausse de la scolarité. Une révolution inspirée du modèle de la Place Tahrir?

Après 108 jours de bras de fer entre le Gouvernement libéral de Jean James Charest et les étudiants québécois, les négociations en quasi huis-clos risquent une sortie par une impasse.

Pour le Docteur Reynald Bourque, professeur titulaire en relations industrielles et chercheur à l’Université de Montréal, le taux de réussite de ces négociations est de 50% avec une tendance plutôt à l’échec.

Malgré la démission de la ministre de l’Éducation Line Beauchamp et son remplacement au pied levé par Michelle Courchesnes, la présence du Premier ministre à l’entame des discussions et les déclarations apaisantes du ministre des Finances Raymond Bachand et après trois jours de discussions, c’est plus le mur qui est en face que le dénouement de cette crise

Gare à la glissade

Ces derniers jours, ce sont les manifestations de soirées au son des casseroles frappées par des spatules ou autres accessoires qui sont ritualisées. A Montréal et Québec se sont jointes d’autres villes de la Province.

Après la suspension jusqu’au 17 août de la session d’été dans les universités et cegeps (Collège d’enseignement général et professionnel avec année préparatoire pour l’accès aux cycles supérieurs nobles), les étudiants et le gouvernement se sont retrouvés au sommet d’un toboggan, dans la salle de conférence d’un immeuble de renom dans la capitale, duquel toute glissade non contrôlée risque de faire mal et même très mal puisque les marges de négociations (win-set) sont serrées.

Pour le gouvernement libéral qui traine plusieurs casseroles liées à des affaires pas nettes, il s’en est rajouté une couche avec la saison des fêtes qui pourrait se transformer en juste pour pleurer.

Avec le Grand prix de la Formule 1 de Montréal (8, 10 juin) et Bernie Ecclestone ( patron de Formule 1) qui n’a pas sa langue dans la poche et même pendue avec ses déclarations rapportées par la presse sur Hitler, c’est toute la planète qui entendra parler des étudiants du Québec.

Du coté des associations estudiantines, soulagées par la non association des syndicats et de l’influente CREPUQ (Conférence des Recteurs et Principaux des Universités du Québec) aux négociations, c’est la négociation à un double niveau et croisée à la fois qui risque de le porter préjudice dans toute approche d’entente.

Le risque de rejet par les affiliés à la CLASSE (Coalition large de l’association pour une Solidarité étudiante) qui voit ses rangs grossir par l’arrivée des déçus des autres associations est plus que patent quand ils décideront de leur satisfaction ou non des résultats obtenus.

Et dans ce cas, c’est l’exigence du Gouvernement pour plus de démocratie dans le vote du boycott ou non des cours qui va faire foirer l’hypothétique entente. Dans cette éventualité, le gouvernement risque de mordre la poussière aux prochaines élections à cause et non pas grâce à la démocratie.

Les forces et faiblesses des étudiants et du gouvernement

Dans ce cycle de négociations, les étudiants se présentent avec de nouveaux atouts: le gouvernement qui a accepté de négocier alors qu’il est resté longtemps campé sur une position contraire, un éventail de propositions plus étoffé grâce à l’extraordinaire nombre d’études divergentes faites par des universitaires sur la hausse des frais de la scolarité. L’atout le plus fort étant qu’ils ont tout à gagner puisque le gros des pertes est consommé.

Quant à leurs faiblesses, il y a d’abord l’usure, l’inexpérience dans les manœuvres politiques et cette étiquette d’anarchistes, gauchistes  qui commencent à devenir un moyen de les faire céder.

Côté gouvernement maintenant. Il traine de grosses casseroles prises en charge par des commissions ou enquêtes de police: la commission Charbonneau chargée d’enquêter sur certains contrats publics accordés à des firmes, l’escouade Marteau qui travaille sur d’autres affaires de corruption et qui a arrêté des personnalités proches du maire de Montréal, Gerald Tremblay.   

Les juristes et intellectuels, les hommes d’affaires et le GP de Montréal

Le vote d’une loi spéciale, dite Loi 78 qui réglemente sévèrement les manifestations a fait sortir des juristes dans les rues de Montréal pour dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux qu’elle contient.

De plus, ils ont profité pour rappeler que la police, sujette à une très forte polémique sur sa gestion des manifestations, est sous les ordres du pouvoir judiciaire et non de l’exécutif.

Cette même loi a déclenché un tollé chez les autres intellectuels et experts en droit. A partir du 8 juin, c’est le Grand Prix de Formule 1 qui commence.

Sur le circuit Gilles Villeneuve de l’ile Notre Dame sur le fleuve Saint Laurent, l’échec des négociations en cours pourrait causer un énorme tête-à-queue et carambolage sur l’asphalte et c’est le Gouvernement  qui sera plaqué contre les chicanes par la saute d’humeur de Bernie Ecclestone si sa tirelire ne se remplit pas.

Après le GP de Montréal et toujours dans le cas de l’absence de solution, ce sont les fêtes et festivals qui en prendraient un sale coup et au lieu des trompettes du festival de Jazz, ce seront les vuvuzelas des étudiants qui se feraient entendre et la Place des Arts au centre-ville sera la pendante de la place Tahrir du Caire pour un «Printemps» québécois.

Le mouvement estudiantin digue contre la libéralisation de l’éducation

Pour Dalil, étudiant à HEC Montréal, du succès ou de l’échec de ce mouvement dépendrait la déferlante libérale dans le système éducatif occidental dans un premier temps et celui des pays en voie de développement ensuite. Il est la digue.

La solidarité internationale dont bénéficie ce mouvement d’étudiants québécois le charge d’une mission quasi mondiale. Des soutiens lui sont exprimés à partir de Chicago, New York et Paris. Les Anonymous, très visibles sur la toile, se sont exprimés et ont commencé «à faire des leurs» en diffusant des vidéos et proférant des menaces.

Dans le cas d’un échec des négociations, c’est le ventre bouillonnant de la crise qui risque d’exploser et il est idéologique. Et ca, c’est la vraie bombe que les politiques redoutent à aborder. Gare à la fragmentation!

Daoud Voujlil

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